En Afghanistan, les femmes sont systématiquement exclues des négociations de paix et autres discussions officielles sur l’avenir du pays. Il faut remédier à cette discrimination, sinon la paix ne pourra pas s’inscrire dans la durée, le développement de l’Afghanistan sera compromis, et la menace d’un recul continuera de peser sur les considérables avancées des droits humains accomplies depuis la chute du régime taliban en 2001.
Dans un rapport publié aujourd’hui, « Sans consultations », Oxfam évalue 23 négociations de paix qui ont eu lieu entre les talibans, le gouvernement afghan et la communauté internationale depuis 2005. Résultat : pas une seule Afghane n’a été associée aux négociations entre la communauté internationale et les talibans, et une présence féminine n’est relevée qu’à deux occasions au cours des négociations entre le gouvernement afghan et les talibans.
En tenant les femmes à l’écart du processus de paix et de développement, les alliés occidentaux de l’Afghanistan rompent leur promesse faite il y a treize ans de favoriser l’autonomisation des femmes. Oxfam estime que, si l’on ne donne pas un rôle actif aux Afghanes, la guerre aboutira finalement au confinement des femmes dans la pauvreté, ce qui compromettrait directement la prospérité future du pays.
Les femmes servent aujourd’hui encore de monnaie d’échange dans le règlement de litiges entre familles. Elles ont rarement subi autant de violences dans le pays. Les lois destinées à protéger leurs droits sont menacées, et le quota de femmes au parlement a été revu à la baisse.
Promesses non tenues
« La communauté internationale a utilisé les droits des femmes pour justifier sa présence en Afghanistan, estime John Watt, directeur pays d’Oxfam en Afghanistan. Après les améliorations apportées et l’investissement de plus de 100 milliards de dollars d’aide, un recul des progrès serait tragique. À l’heure où les donateurs s’empressent de plier bagage, la population afghane ne devrait pas craindre que la communauté internationale oublie les promesses faites aux femmes afghanes et permette une renégociation de leurs droits. »
Une relance des pourparlers de paix semble s’amorcer sous le nouveau gouvernement afghan, mais Oxfam craint qu’aucun accord de paix durable ne soit possible si l’on refuse aux femmes une place à la table des négociations.
« Avec l’aide internationale, nombre d’Afghanes ont indubitablement apporté des changements considérables dans leur vie au cours des dix dernières années. Elles ont accès à des professions telles que médecin, chef de police, parlementaire ou enseignante. Un nombre record de filles sont scolarisées. Mais des millions d’autres femmes dans les zones rurales et plus isolées du pays n’ont pas connu de changement. Dans certains cas, il y a eu un recul des droits qu’elles avaient pu acquérir, affirme John Watt.
« Tant dans les villages où nous travaillons que dans les plus hautes instances de l’État, nous constatons la fragilité des droits des femmes. Avec de nouvelles négociations de paix en perspective, il est temps que le gouvernement afghan et ses alliés occidentaux prônent de nouveau un rôle moteur pour les femmes dans l’avenir du pays. Ils ne peuvent pas leur faire faux bond et décider de leur avenir sans les consulter. »
Principales recommandations
• Faire intervenir les femmes à tous les niveaux du processus décisionnel, dans les pourparlers de paix officiels et en dehors de tout cadre officiel, notamment en veillant à ce que les femmes puissent participer efficacement aux négociations politiques de haut niveau avec les talibans. Une assistance doit également être apportée aux négociatrices pour garantir une contribution constructive de leur part.
• Instaurer un seuil de 30 % de femmes minimum dans tous les organes de paix du gouvernement afghan, y compris le Haut conseil de la paix, les conseils de la paix des provinces et tout autre organe créé pour les remplacer.
• Les gouvernements et bailleurs doivent fournir des financements durables et conséquents pour la mise en oeuvre du plan national d'action. Améliorer la coordination du soutien international au niveau des bailleurs de fonds par l'intermédiaire du ministère des Affaires étrangères, en collaboration étroite avec le ministère en charge des femmes et les autres ministères concernés.
• L'Organisation des Nations unies doit veiller à ce que tous les processus de réconciliation et de réinsertion soutenus par les Nations unies soient liés de façon explicite à la promotion des droits des femmes, notamment en veillant à ce que les femmes participent activement au contrôle des anciens combattants en vue de leur réinsertion dans la société. En particulier, prendre des mesures pour améliorer les liens entre les actions de consolidation de la paix menées au niveau local par la société civile et les femmes, et le programme de paix et de réintégration en Afghanistan.