- Question: L’Ethiopie a enregistré des récoltes exceptionnelles au cours des quatre dernières années, mais les récentes sécheresses se sont traduites par de mauvaises récoltes et des millions de personnes ont désormais besoin d’une aide alimentaire d’urgence. De nombreux autres pays de la région sont confrontés à une crise similaire. Quelles sont les raisons principales de ces crises récurrentes?
- Réponse: Cette situation est quasiment la règle chaque année en Afrique de l’Est et elle persistera, à moins que l’on ne repense totalement la façon de soutenir le développement du secteur agricole. Il nous faut dépasser le stade de l’intervention au niveau de la consommation et commencer à investir des ressources dans la filière de production.
Le Bureau sous-régional de la FAO dessert 300 millions de personnes en Afrique de l’Est (environ 3 % de la population mondiale) qui consomment quelque 20 % de l’aide alimentaire mondiale durant une année normale. L’Erythrée, l’Ethiopie, la Somalie et le Soudan sont tous des pays en difficulté – la région en est plus ou moins au point où se trouvait l’Inde avant la dernière guerre mondiale.
La réponse à la crise, telle que je la vois, porte sur plusieurs aspects interreliés:
* La plupart des ressources vont à l’aide alimentaire. Il y a peu d’investissements dans l’agriculture et la grande partie de ces investissements s'effectue dans les zones très dégradées, car c’est là que vivent les pauvres. Nous n’investissons pas assez dans les zones détenant un potentiel plus élevé de production afin d'obtenir des excédents qui pourraient nourrir les populations pauvres.
* Les agriculteurs doivent supporter en totalité le coût des intrants comme les engrais. Il serait plus judicieux d’abaisser les prix des engrais pour doper la production intérieure.
* Les semences de qualité ne sont utilisées qu’en faible pourcentage; il faut que cela change.
* Le marché ne récompense pas la bonne production. Si vous produisez beaucoup, les prix se mettront à chuter à nouveau. Il faut des marchés stables. Même si le prix du marché semble attrayant, la majorité des agriculteurs d’Afrique de l’Est n’ont pas les moyens de répondre aux sollicitations du marché car ils ne produisent pas suffisamment. En réalité, ils doivent dépenser plus pour compenser la différence entre ce qu’ils produisent et la nourriture dont ils ont besoin pour vivre.
- Q: La crise des prix alimentaires n’a-t-elle pas créé un sentiment d’urgence, le sentiment que l’insécurité alimentaire a besoin d’une réponse à plus long terme?
- R: Elle a créé un sentiment d’urgence mais la réponse s’est concentrée sur les villes où le mécontentement transparait plus facilement. Nous soutenons que la réponse durable consiste à produire davantage, pas à importer davantage. Nous devons créer un sentiment d’urgence, créer le sentiment que l’alimentation est une question de sécurité nationale dans l’ensemble de la sous-région.
- Q: L’agriculture commerciale est-elle un volet de la solution?
R: Il faut les deux, à la fois les grosses exploitations et les petites fermes. Un des problèmes est que certains pays ont trop d’agriculteurs et doivent en réorienter une partie vers d’autres activités. Mais pour créer des emplois non ruraux, l’agriculture doit produire plus; on se retrouve donc face à un dilemme. Si vous n’avez pas une productivité suffisante avec des intrants adéquats, des marchés stables et une meilleure attention aux zones à potentiel agricole élevé, vous ne pourrez pas réorienter les agriculteurs vers d'autres secteurs.
- Q: Que fait la FAO pour venir en aide à l’Afrique de l’Est en matière de sécurité alimentaire?
- R: Nous participons à des interventions à la fois de développement et humanitaires. Mais nous nous employons aussi beaucoup à renforcer la résilience des ménages vulnérables pour affronter les chocs futurs, par exemple par la remise en état des infrastructures hydriques, la protection des ressources naturelles, l’appui à la certification des terres et le renforcement des services vétérinaires pour améliorer le contrôle et la lutte contre les maladies animales transfrontières.
En règle générale, nous nous occupons beaucoup d’activités de plaidoyer, de travaux analytiques et de conseils stratégiques. Nous soutenons que de maigres ressources sont mieux dépensées pour accroître la production que pour subventionner la nourriture. Si vous subventionnez les grains, l’année suivante, il vous faudra le faire à nouveau. Si vous subventionnez les engrais, l’année suivante, vous subventionnerez moins car vous aurez produit davantage.
(Interview réalisée par Anne Delannoy)
- Documents et liens:
Le rapport (en anglais seulement pour l'instant)
Perspectives de récoltes et situation alimentaire
Conférence régionale de la FAO pour l'Afrique
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