Maintenir une véritable PAC après 2013, mais avec de nouveaux critères d'octroi des aides
Introduisant la première journée de débats consacrée au bilan de santé de la PAC et ses perspectives après 2013, le président de la commission de l'agriculture du PE, Neil Parish (PPE-DE, UK), a regretté que la proposition de la Commission européenne "n'envisage pas comment la PAC devrait résoudre la question de la crise alimentaire mondiale et de la demande croissante en énergie ni ce que devrait être la PAC après 2013".
"Il faut longtemps pour qu'un super tanker change de direction", a répondu la commissaire européenne à l'agriculture, Mariann Fischer Boel, justifiant son approche visant à peaufiner d'abord la réforme de 2003. Pour l'après 2013, il faudra "laisser davantage la place au jeu du marché" en maintenant des filets de sécurité seulement en cas de vraie crise, et justifier encore plus les dépenses agricoles auprès des citoyens en développant la politique de développement rural et en tenant davantage compte de l'environnement, a-t-elle estimé.
L'agriculture, secteur d'avenir
Pour le rapporteur du PE sur le bilan de santé de la PAC, Luis Manuel Capoulas Santos (PSE, PT), "l'agriculture est un bon secteur d'investissement pour l'avenir si l'Europe veut continuer à produire des aliments de qualités à des prix acceptables", mais pour que les citoyens continuent à défendre la PAC, "il faudra davantage d'objectivité et de transparence dans les critères de soutiens", en misant notamment sur des facteurs comme l'emploi et l'environnement.
"L'agriculture n'est pas un secteur du passé, c'est un secteur moderne et plein d'avenir, aussi important que l'industrie et les services", a poursuivi Hervé Gaymard, rapporteur de l'Assemblée nationale française et ancien ministre de l'agriculture. "Les signaux du marché ne doivent pas être la doctrine absolue", a-t-il souligné, estimant qu'un consensus pourrait être trouvé autour d'une PAC capable de nourrir le continent, accordant plus de place à l'éco-conditionnalité et qui puisse couvrir les risques climatiques et sanitaires.
Pas revenir à la PAC d'avant 1992
Lors du débat, la plupart des intervenants se sont prononcés, avec certaines nuances, pour une régulation des marchés et le maintien d'une politique agricole forte sans toutefois revenir aux systèmes de gestion de la PAC d'avant 92. La nécessité de simplifier les règles et d'assurer une plus grande prévisibilité pour les agriculteurs ont aussi été des thèmes récurrents. De nombreux orateurs ont également fait état d'inquiétudes pour l'avenir du secteur laitier avec la disparition des quotas prévue pour 2014, en particulier les régions où les producteurs souffrent d'un manque de compétitivité du fait de conditions de production plus difficiles (montagnes, etc.).
Concluant cette discussion, Jean Bizet, sénateur français, a estimé qu'il existait un "consensus" sur la nécessité d'une "politique agricole commune suffisamment ambitieuse", répondant aux attentes de la société, insérée dans l'ordre alimentaire mondial et plus réactive au changement climatique. Plus nuancé dans ses conclusions, Lutz Goepel (PPE-DE, DE) a souligné la difficulté de résumer la variété des positions présentées et regretté le manque de débat sur le financement de la PAC après 2013.
Développer l'agriculture, une priorité mondiale
"Hier, nous avons tourné la page de la PAC du passé" et notamment des subventions à l'exportation, "aujourd'hui nous devons préparer une PAC réformée", a déclaré en introduction à la deuxième journée consacrée au rôle de l'agriculture européenne dans la sécurité alimentaire mondiale Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale française. "Si les marchés doivent être la pierre angulaire, ils doivent également être soumis aux règles de la régulation", "il ne faut pas moins de PAC, mais plus de PAC au niveau mondial", a-t-il ajouté.
"Nous devons tirer les leçons de la crise financière et agir avec l'ensemble du monde pour relever le défi alimentaire", a affirmé Michel Barnier, ministre français de l'agriculture et président du Conseil agricole de l'UE. Il s'est prononcé notamment pour la création d'un partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture impliquant des responsables de la FAO, de la Banque mondiale, du FMI et de l'OMC, la mise en place d'un groupe technique à l'image du GIEC établi pour la question du changement climatique, et une "mobilisation financière internationale à la hauteur des enjeux pour développer l'agriculture dans les pays en développement".
Un milliard de personnes menacées de famine
"Aujourd'hui nous sommes face à une situation où 923 millions de personnes souffrent de la faim. Ce nombre risque d'augmenter encore de 100 millions en un an si nous ne faisons rien", a souligné Jacques Diouf, directeur général de la FAO. Suite à la flambée de prix de 2007, les pays développés ont augmenté leur production de céréales de 11%, tandis que celle des pays en développement n'a pu augmenter que de 0,9% faute d'obtenir les fonds nécessaires pour financer des engrais et des semences, a-t-il relevé. "Nous avons besoin de 30 milliards de dollars par an pour investir dans l'agriculture des PVD, les subventions des pays de l'OCDE représentent 372 milliards, on a pu mobiliser 4 000 milliards pour faire face à la crise financière: dans quel monde vivons nous?" a interrogé M. Diouf.
Le représentant de la FAO a été soutenu notamment par Christopher Delgado, de la Banque mondiale, qui a souligné qu'aucun pays au monde ne s'est développé sans avoir d'abord développé son agriculture et qui a plaidé pour la constitution de stocks suffisants (sans revenir aux surplus des décennies précédentes) pour réduire la volatilité des prix.
Redéfinir les politiques d'aide au développement
Lors du débat, la majorité des parlementaires nationaux et européens ont estimé qu'il fallait recentrer les politiques d'aide au développement sur l'agriculture, assurer des revenus décents aux agriculteurs du monde entier pour qu'ils puissent continuer à produire suffisamment et parvenir à un accord plus équilibré pour les pays en développement dans les négociations commerciales internationales.
Plusieurs orateurs ont défendu la négociation d'une "exception agricole" à l'OMC, tandis que d'autres ont souligné l'importance de soutenir la recherche dans les nouvelles technologies pour augmenter la productivité. Les biocarburants d'origine agricole, en particulier ceux de deuxième génération, ne doivent pas être les boucs émissaires de la crise même si la priorité absolue doit être donnée aux productions alimentaires, ont souligné les participants.
Rôle prééminent pour l'Europe
"L'agriculture sera au cœur des enjeux alimentaires de demain, car il nous faudra nourrir pas moins de 9 milliards d'hommes au cours de ce siècle avec une surface constante", a relevé en conclusion Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques du Sénat français. Pour relever ce défi, "l'Europe aura un rôle prééminent qu'il s'agisse de production, de régulation et de coopération avec les pays en développement", a-t-il estimé.
"L'avenir de la PAC, c'est la qualité et la sécurité alimentaire, la sécurité de la production, la protection de la diversité des paysages et une meilleure utilisation des ressources en eau", a ajouté Neil Parish. "Il ne faut pas non plus de réglementation trop stricte qui détruirait les marchés", "il faut une politique agricole plus juste à l'égard des PVD pour ne pas qu'elle déstabilise leurs marchés", a-t-il affirmé.
"L'avenir de l'agriculture européenne et son rôle au niveau mondial": rencontre des commissions parlementaires du PE et des Parlements nationaux, Bruxelles, 3-4 novembre 2008
Co-présidents: Neil Parish (Parlement européen), Patrick Ollier (Assemblée nationale française) et Jean-Paul Emorine (Sénat français)
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Hélène CUISINIER
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