Commentant le rapport, la commissaire Hübner a déclaré: “Nous avons admis au cours de nos discussions que, pour être durable, la croissance doit être soucieuse de n'exclure personne et que les stratégies de croissance doivent avoir pour maître-mot l'égalité des chances pour tous. Des dirigeants responsables et des gouvernements crédibles et pragmatiques sont appelés à jouer un rôle important. Aucun pays ne s'est jamais industrialisé sans s'urbaniser. C'est pour cela que l'urbanisation doit être bien gérée. Cela ne s'applique pas uniquement aux pays en développement; c'est aussi de cette manière que nous avons conçu notre politique européenne de cohésion.”
Le Professeur Spence a ajouté: “À un moment où les pays industrialisés enregistrent un ralentissement marqué de leur croissance, nombreux sont les pays, parmi les plus pauvres au monde, qui considèrent la croissance comme une chimère. Et pourtant nous croyons qu'une croissance élevée et continue est à nouveau possible. Le rapport sur la croissance, dont la rédaction a mobilisé [au sein de la commission sur la croissance et le développement] les économistes et les décideurs politiques qui ont été amenés à devoir prendre des décisions difficiles concernant leurs économies, fournit un cadre décisionnel propice à la réalisation d'une croissance élevée ouverte à tous.”
Le rapport examine les économies du Botswana, du Brésil, de Chine, de Hong Kong (Chine), d'Indonésie, du Japon, de Corée, de Malaysie, de Malte, d'Oman, de Singapour, de Taïwan (Chine) et de Thaïlande. Toutes ces économies ont connu une croissance élevée et continue depuis la deuxième guerre mondiale. Toutes ont des caractéristiques communes, comme leur intégration stratégique dans l'économie mondiale, la mobilité des ressources, notamment du capital humain, des taux d'épargne et d'investissement élevés et des gouvernements compétents et désireux de croissance.
Le rapport énumère ensuite les ingrédients d'une stratégie de croissance. Il reconnaît qu'il n'existe pas de produit miracle pour résoudre le problème de la pauvreté dans les pays en développement, ni de remède universel, le dosage des politiques dépendant de la situation propre de chaque pays.
Parmi lesdits ingrédients, le rapport insiste sur les suivants :
Direction et gouvernance: les dirigeants doivent élaborer des politiques avec patience et pragmatisme en s'appuyant sur l'expérience. Ils doivent être prêts à essayer et à échouer et à essayer de nouveau. Ils doivent créer les conditions d'une administration de qualité, compétente et motivée. Ils doivent s'assurer d'avoir le soutien de l'opinion publique. Le rapport souligne que la croissance ne doit exclure personne afin de partager largement les bienfaits de la mondialisation dans chaque pays.
Participation à l'économie mondiale: les stratégies de croissance qui comptent exclusivement sur la demande intérieure sont éphémères. L'interaction avec le marché mondial est cruciale parce qu'elle permet à des économies en croissance rapide d'importer des idées, des technologies et du savoir-faire du monde entier. Il est aussi nécessaire de développer un secteur d'exportation puissant, ingrédient essentiel d'une croissance élevée, surtout dans les premiers temps.
Obligation d'investir: le rapport montre clairement que la croissance passe obligatoirement par d'importants investissements. Globalement, il faut consentir des investissements publics et privés de l'ordre de 25% ou plus du PIB. Il est capital d'investir dans les infrastructures, l'éducation et la santé.
Environnement et consommation énergétique: le rapport dénonce la tendance croissante à subventionner la consommation énergétique dans les pays en développement. Cet argent est souvent mal employé et serait plus indiqué dans l'éducation et les infrastructures. Le rapport insiste pour que les stratégies de croissance tiennent compte d'entrée de jeu du coût de la pollution, même si elles n'adoptent pas tout de suite les normes environnementales en vigueur dans les pays riches. Il recommande des stimulants plus généreux pour le développement de technologies moins énergivores et la création d'un organisme international de surveillance des réductions d'émissions.
Nexus des enjeux urbains et ruraux: la moitié de la population mondiale étant maintenant concentrée dans les villes, le rapport rappelle qu'aucun pays ne s'est jamais industrialisé sans s'urbaniser. Au lieu de voir dans l'urbanisation un effet collatéral désagréable de la croissance, le rapport invite à financer davantage les infrastructures urbaines en donnant des indications précises et des incitations appropriées, en offrant un régime de financement du logement bien réglementé, en suivant des principes de planification cohérents et en appliquant des systèmes rigoureux de droits de propriété.
Il examine aussi d'autres tendances à l'échelle du monde, comme le sentiment protectionniste, la montée en puissance de l'Inde et de la Chine, la hausse des prix des marchandises, les changements démographiques, les déséquilibres mondiaux et la gouvernance mondiale.
Le rapport qualifie les hausses actuelles des prix des denrées alimentaires de menace à long terme et il recommande d'entreprendre des actions pour juguler ces hausses, notamment par la fin des interdictions d'exportation, des mesures de sauvegarde plus efficaces, des mécanismes de redistribution qui protègent les personnes exposées au risque de variation brutale des prix et l'intensification des investissements dans les infrastructures agricoles.
Enfin, le rapport formule des recommandations adaptées à la situation de quatre catégories de pays confrontés à des enjeux spécifiques: les pays africains, les petits États, les pays riches en ressources et les pays à revenus moyens.
Contexte
La commission sur la croissance et le développement est un organisme indépendant créé en avril 2006. Son objectif est de mieux comprendre les mécanismes de la croissance économique à des fins de développement et de réduction de la pauvreté. Elle cherche à dégager des actions politiques susceptibles d'améliorer les perspectives de croissance des pays en développement. La commission se compose de 21 membres, éminents praticiens de la politique et de l'économie, dont 15 représentants de pays en développement, et deux lauréats du prix Nobel, le Professeur Michael Spence et le Professeur Robert Solow. La commissaire européenne Danuta Hübner, Lord John Browne, ancien directeur de British Petroleum, et Mme Carin Jämtin, ancienne ministre suédoise du développement international, représentent l'Europe. La commission est parrainée par les gouvernements d'Australie, de Suède, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, par la Fondation William and Flora Hewlett, et le Groupe de la Banque mondiale.
Pour plus d'informations: http://www.growthcommission.org/