Le Président de l’APCE, Lluís Maria de Puig, a aujourd’hui invité l’Assemblée interparlementaire des pays membres de la Communauté des Etats indépendants ( AIP CEI) à participer au lancement d’ une ‘Journée européenne de l'intégration et de la tolérance interculturelle’. « C’est un signe clair et visible de notre engagement commun de faire de cet objectif une priorité politique de l'Europe, » a expliqué le Président. Il a souligné que « cette initiative conjointe de l’APCE et du Parlement européen pourra ainsi devenir un symbole de l'ensemble du continent eurasiatique » et constituerait « une excellente contribution à l'année 2008, année européenne du dialogue interculturel».
Dans son intervention devant la conférence interparlementaire « la mondialisation des processus migratoires et les problèmes de régulation juridique », organisée le 4 avril à St Petersburg par l’APCE et AIP CEI, le Président a également rappellé que pour l'Assemblée des « 47 » les priorités en matière de migration consistent à :
– renforcer les droits fondamentaux des migrants, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des personnes déplacées et assurer la mise en place d'un cadre légal qui respecte pleinement ces droits ;
– promouvoir le dialogue interculturel, encourager la tolérance et assurer l'intégration des communautés d'immigrés dans la société qui les accueille ;
– gérer les migrations en respectant les besoins différents des pays d'origine, de transit et de destination.
----
Discours de Monsieur Lluis Maria de Puig, Président de l'Assemblée parlementaire, à l'occasion de la conférence interparlementaire: "Mondialisation des processus migratoires et problèmes de régulation juridique" (St. Petersburg, vendredi 4 avril 2008)
Monsieur le Président,
Excellences,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Les conférences communes organisées par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) et l'Assemblée interparlementaire des pays membres de la Communauté des Etats indépendants (AIP CEI) sont maintenant devenues une tradition.
Notre première conférence, qui date de 2002, était consacrée à la lutte contre le terrorisme.
Ses conclusions restent valables encore aujourd'hui. Par la suite, nous avons tenu des conférences sur d’autres sujets importants tels que le rôle essentiel du parlementarisme ou le dialogue interreligieux et interculturel.
Le thème de la conférence de cette année "mondialisation des processus migratoires et problèmes de régulation juridique" est un choix excellent.
C'est un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur. Je suis très heureux de pouvoir prendre la parole devant vous aujourd’hui et de le faire, pour la première fois, en qualité de Président de l'Assemblée parlementaire.
Mesdames, Messieurs,
Notre première tâche de responsables politiques est de reconnaître les opportunités et les avantages formidables que les migrations peuvent offrir à nos sociétés et de persuader l'opinion publique que nous pouvons en tirer des bénéfices.
Les migrations offrent davantage d'occasions de dialogue et d'échanges d'idées. Dans le même temps, elles renforcent la compréhension et le respect mutuels. De plus, elles peuvent améliorer les perspectives sociales et économiques de nos sociétés en apportant des compétences qui manquent.
Cependant, pour transformer ces opportunités en avantages il convient d’aborder la question en définissant clairement des politiques basées sur le respect des droits fondamentaux de la personne.
Pour l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ces politiques doivent viser à :
– renforcer les droits fondamentaux des migrants, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des personnes déplacées et assurer la mise en place d'un cadre légal qui respecte pleinement ces droits ;
– promouvoir le dialogue interculturel, encourager la tolérance et assurer l'intégration des communautés d'immigrés dans la société qui les accueille ; et
– gérer les migrations en respectant les besoins différents des pays d'origine, de transit et de destination.
Renforcer et protéger les droits des migrants
Etant donné que la régulation des flux migratoires est une priorité politique relativement récente dans la région eurasiatique, il est capital de définir des normes communes en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants et de leurs familles et de sensibiliser l'opinion à la situation des migrants clandestins qui vivent en Europe et à la nécessité de respecter leurs droits fondamentaux.
A cet égard, le Conseil de l'Europe joue un rôle capital en matière de définition de normes, notamment par le biais de trois instruments juridiques principaux : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Charte sociale européenne et la Convention du Conseil de l'Europe relative au statut juridique du travailleur migrant.
En matière de droits de l’homme, l'Assemblée estime que les instruments internationaux dans ce domaine, et par conséquent la Convention européenne des droits de l'homme, sont applicables à toute personne, relevant de la juridiction d’un Etat membre du Conseil de l’Europe, indépendamment de sa nationalité ou de son statut. Les migrants, et en particulier les migrants clandestins, ont des droits fondamentaux, qui doivent être protégés. Ainsi :
– Ils ont droit à la vie, qui est une exigence fondamentale ;
– ils doivent protégés contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, notamment contre l'esclavage et le travail forcé ;
– les victimes de la traite doivent jouir de droits spécifiques conformément à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ;
– la détention des migrants clandestins doit être autorisée par la justice ;
– en cas d'expulsion, le respect de la vie privée et familiale est d'une pertinence particulière ;
– les migrants clandestins doivent pouvoir gérer ou céder leurs biens, notamment par des transferts bancaires de leurs revenus et de leurs économies ;
– le droit d'asile et de non-refoulement doit être respecté ; et
– il ne doit jamais y avoir de discrimination pour des raisons de race ou d'appartenance ethnique en cas d'octroi ou de refus d'autorisations d'entrée, d'autorisation de séjour ou d'expulsions.
En matière de droits sociaux, la Charte sociale révisée du Conseil de l'Europe constitue un texte de référence fondamental sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles. Elle précise que leur traitement ne doit pas être moins favorable que celui dont bénéficient les ressortissants en matière de conditions de rémunération et de travail, d'appartenance à un syndicat, de jouissance des avantages de conventions collectives et d'hébergement.
En matière de statut juridique, la Convention du Conseil de l'Europe relative au statut juridique du travailleur migrant couvre les principaux aspects de la situation juridique des travailleurs migrants, notamment dans des domaines comme l’emploi, les voyages, les permis de séjour et de travail, le regroupement familial, les conditions de travail ainsi que les questions de sécurité sociale, d'assistance médicale, etc.
Ces trois instruments juridiques, pourraient aussi servir de source d'inspiration pour les pays de la CEI qui ne font pas partie de l'Organisation.
J’aimerais maintenant aborder la question de l’intégration et du dialogue interculturel
Selon moi, l'un des plus grands défis à relever pour tirer profit des migrations est l'intégration.
L'éducation des migrants de tous âges est donc capitale pour qu'ils comprennent et qu'ils acceptent nos sociétés et leur système de valeurs.
Pour être efficaces, l'éducation et l'intégration doivent être poursuivies dans le cadre d'un processus bidirectionnel ; elles ne doivent jamais suivre une approche coercitive, arrogante ou paternaliste.
Il est donc essentiel pour la société hôte de comprendre l'origine culturelle des migrants, leurs appréhensions et leurs aspirations.
Il arrive trop fréquemment que ce soit la deuxième génération de migrants qui se sente aliénée et qui se radicalise en raison de discriminations et d'une absence d'ouvertures sur l'avenir.
Il ne faut pas qu'on puisse nous accuser d'être hypocrites ou de faire un politique de « deux poids deux mesures « : que ce soit en paroles ou en actes, il faut montrer que nous défendons les valeurs que nous demandons aux migrants de respecter.
L'Assemblée parlementaire a organisé une conférence sur les migrations et l'intégration en novembre 2007 à Aix-la-Chapelle (Allemagne).
La Conférence a notamment proposé de lancer une Journée européenne de l'intégration et de la tolérance interculturelle : signe clair et visible de notre engagement commun de faire de cet objectif une priorité politique de l'Europe. L'Assemblée œuvre maintenant avec le Parlement européen pour élaborer les modalités concrètes d'une réalisation de cette idée. Permettez-moi de saisir cette occasion pour inviter votre Assemblée à envisager de s'associer à cette initiative de façon que cette Journée devienne un symbole de l'ensemble du continent eurasiatique. Ce serait une excellente contribution à l'année 2008, année européenne du dialogue interculturel.
Mais mon intervention serait incomplète si je n’abordais pas la question de la situation des migrants clandestins
Il y a probablement 13,5 millions de migrants clandestins qui vivent et travaillent en Europe, donc 5,5 millions d'entre eux résident dans l'Union européenne.
L'Europe n'a pas de réponses toutes prêtes sur la manière de faire face à cette masse de migrants clandestins. Elle est profondément divisée sur la question de savoir s'il faut régulariser ceux qui ne sont pas en règle et sur les modalités à suivre pour ce faire.
Cependant les vingt programmes de régularisation qui ont touché quelque quatre millions de personnes aux cours des 25 dernières années ont montré que l'Europe pourrait avoir tiré des leçons à cet égard :
1. La plupart des migrants clandestins finissent par rester en Europe ; rares sont ceux qui reviendront un jour dans leur pays d'origine.
2. Pour régulariser un grand nombre de migrants clandestins, il faut mettre en œuvre des mesures d'accompagnement strictes afin d'éviter d'en attirer d'autres.
3. Si une régularisation a lieu, il faut qu'elle bénéficie du soutien de tous les secteurs de la société.
L'Espagne, par exemple, a régularisé plus de 570 000 migrants clandestins en 2005. Bien que ce programme ait eu ses détracteurs, les autorités ont obtenu un large soutien des syndicats, des employeurs et de la société civile. La nécessité d'un tel soutien devient d'autant plus importante que la population européenne s'inquiète de plus en plus du niveau de l'immigration.
4. La régularisation peut être un instrument efficace pour traiter le problème de l'économie parallèle tout en accroissant les recettes fiscales et les cotisations aux régimes de sécurité sociale.
Ainsi, en Espagne, après le programme de régularisation, 550 000 personnes de plus ont payé leurs impôts et versé des cotisations à la sécurité sociale.
5. Les migrants clandestins risquent souvent de se faire gravement exploiter et de travailler dans les conditions malsaines et dangereuses en exerçant des emplois dont les Européens ne veulent pas. Ils ont donc besoin d'un minimum de protection légale.
Enfin, je voudrais me référer à un problème qui nous concerne tous : la traite des êtres humains
Parfois l'immigration clandestine et la traite des êtres humains se recouvrent, notamment quand des immigrants clandestins finissent par devenir victimes de la traite en raison de la précarité de leur conditions de vie.
La Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains est entrée en vigueur le 1er février 2008. Elle demande aux pays d'origine, de transit et de destination d'adopter une approche commune et une législation cohérente dans ce domaine. La Convention cherche avant tout à assurer la protection des victimes et leurs droits fondamentaux. Elle prévoit aussi des mesures concrètes pour poursuivre les trafiquants (et criminaliser leurs "clients"), améliorer la coopération internationale dans ce domaine, et contrôler le respect de ses dispositions par les Parties.
Pour conclure, je voudrais mentionner le projet de déclaration qui a été élaboré au cours de la période préparatoire de cette conférence et qui nous est soumis pour adoption à la fin de nos travaux d'aujourd'hui.
A mon avis, ce texte est extrêmement équilibré. Il reflète les travaux en cours au sein de nos deux assemblées.
En ce qui concerne l'Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, permettez-moi de rendre hommage à sa Commission des migrations, des réfugiés et de la population.
Elle s'intéresse particulièrement aux processus migratoires de la région eurasiatique et a organisé plusieurs conférences et séminaires à ce sujet.
Les textes adoptés à l’issue de ces conférences ont jeté les bases du projet de déclaration que nous devons approuver aujourd'hui.
La déclaration constituera aussi une contribution au rapport sur les "Migrations et mobilité dans la région eurasiatique", que prépare la Commission, ainsi qu’à la huitième Conférence du Conseil de l'Europe des Ministres européens responsables des migrations et de l'intégration des travailleurs migrants, qui doit se tenir les 4-5 septembre 2008 à Kiev.
En juin 2008, un débat est prévu à l'Assemblée pour réfléchir à la participation des migrants dans une société démocratique. Pour permettre à la société civile de contribuer à ce débat, une conférence se tiendra à la veille du débat avec notamment la participation d'ONG représentant des migrants.
Permettez-moi de conclure en soulignant que je suis très heureux de la coopération existant entre l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et l'Assemblée interparlementaire de la CEI.
Je suis convaincu que la présente conférence conjointe peut jouer un rôle déterminant pour favoriser l'harmonisation de la législation sur les migrations au sein de la CEI.
Je vous souhaite une conférence intéressante, fructueuse et stimulante.
Je vous remercie.