Pour souligner le premier anniversaire de l’adoption de la Convention de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelles, M. Dorval Brunelle, professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directeur du Groupe de Recherche sur l’Intégration continentale (GRIC), publie dans la revue La Chronique des Amériques , une étude dans laquelle il se penche sur le traitement réservé depuis 1994 à l’enjeu de la diversité culturelle à l’intérieur de trois processus interaméricains : l a Communauté des démocraties, la Confédération parlementaire des Amériques et le Forum interparlementaire des Amériques. Selon l’auteur, ces trois processus, qui sont autant des processus de coordination de rencontres de chefs d’État et de gouvernement des Amériques que de rencontres de parlementaires, ont été mis en place à une seule et même fin, celle de faire avancer un vaste projet d’intégration à grande échelle entre les pays des Amériques.
Cependant, souligne l’auteur, au regard des thèmes abordés dans les trois cas et l’importance accordée à la diversité culturelle par certains partenaires, dont le Canada, les questions liées de près ou de loin à la culture devraient figurer en bonne place dans les déclarations et les recommandations issues de ces rencontres depuis leurs tout débuts. Or ce n’est seulement qu’à compter de 2001 que la diversité culturelle reçoit un traitement de faveur, mais elle disparaît par la suite du processus des Sommets pour n’être évoquée que par les parlementaires. Pour tenter de comprendre cette situation, l’auteur retrace rapidement les circonstances entourant l’adoption de la Convention, effectue quelques rappels concernant les processus interaméricains et, enfin, examine l’enjeu de la diversité culturelle à travers les trois processus.
Soulignant le décalage entre le progrès de la négociation de déclarations et de conventions autour d’enjeux comme la diversité culturelle et les droits des populations autochtones, au niveau mondial, et le traitement qui leur est réservé à l’intérieur des processus interaméricains, l’auteur conclut qu’il subsiste une grande étanchéité entre l’évolution des processus à ces deux niveaux. À son tour, ce décalage renforce encore l’influence que les États-Unis sont susceptibles d’exercer sur le dossier de la diversité culturelle, en particulier, grâce aux négociations d’accords bilatéraux de libre-échange. Ces deux facteurs pourraient avoir pour effet de retarder l’entrée en vigueur de la Convention de l’UNESCO et d’enrayer celle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans les Amériques, et ils pourraient même se faire sentir plus tard encore quand viendra le temps, pour les signataires de ces deux instruments, de procéder à la mise en oeuvre des normes issues de ces instruments dans leur droit interne. C’est pourquoi, soutient l’auteur, en l’absence d’une véritable complémentarité entre le niveau mondial et le niveau interaméricain, d’une part, et en l’absence d’homologie entre les secteurs et domaines protégés aux deux niveaux, d’autre part, le risque se profile que les industries culturelles, de plus en plus isolées de toutes autres manifestations culturelles et linguistiques en tant que vecteurs d’identité, de valeurs et de sens, soient plus facilement réduites à des marchandages et taillées en pièces dans les nombreux accords de libre-échange en cours de négociation dans les Amériques.
· La Chronique des Amériques , no 06-33, Octobre 2006
· Site Web de l’Observatoire des Amériques