Cette 32e session sera marquée par le retour au sein de l'UNESCO des Etats-Unis qui l'avaient quittée en 1984. Cette décision, annoncée par le Président George W. Bush dès septembre 2002, prendra effet le 1er octobre et sera marquée dès le 29 septembre par une cérémonie à l'issue de laquelle les couleurs nord-américaines seront hissées en présence de Laura Bush aux côtés des drapeaux de tous les Etats membres. Avec ce retour des Etats-Unis et la récente adhésion (juin 2003) de Timor-Leste, le nombre des Etats membres de l'UNESCO est désormais de 190. Parmi les pays qui avaient quitté l'Organisation, seul Singapour n'a pas encore réintégré les rangs des Etats membres.
Les chefs d'Etat qui participeront à cette session de la Conférence générale sont : la Présidente philippine Gloria Macapagal-Arroyo (29 septembre) ; le Président italien Carlo Azeglio Ciampi (29 septembre) ; le Président kirghiz Askar Akaev (6 octobre), le Président français Jacques Chirac (14 octobre) et le Président péruvien Alejandro Toledo (14 octobre).
Lors de cette 32e session, l'UNESCO sera appelée à exercer son rôle normatif puisque plusieurs textes - déclaration, convention ou recommandation - seront proposés pour adoption et que la mise en chantier d'autres textes pourrait être décidée.
Dans le domaine de la culture, la Conférence aura à se pencher sur un projet de convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Complément à la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (1972) qui régit les monuments et les sites naturels, ce nouveau texte traite des traditions et expressions orales, y compris la langue en tant que vecteur du patrimoine culturel, des arts du spectacle, des pratiques sociales, rituels et événements festifs, des connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers, ainsi que des traditions artisanales. Pour défendre ce patrimoine particulièrement vulnérable, le projet prévoit la réalisation par les Etats parties d'inventaires nationaux ainsi que l'établissement par l'UNESCO d'une liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité et d'une autre liste recensant le patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. Les Chefs d'œ;uvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité, proclamés par l'UNESCO depuis 2001, devraient être intégrés dans la première de ces listes.
Un Projet de Déclaration concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel doit également être soumis à la Conférence. Les événements d'Afghanistan et d'Iraq illustrent la nécessité de renforcer l'arsenal juridique que constituent la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (La Haye, 1954) et ses deux protocoles (1954 et 1999), ainsi que certaines dispositions des Protocoles additionnels (1977) aux quatre Conventions de Genève. Bien que non contraignant, le projet est susceptible d'inspirer la pratique des Etats. Il couvre à la fois les situations de paix et de guerre, les conflits de nature internationale ou non internationale, y compris les cas d'occupation.
Les Etats membres devront aussi décider de l'opportunité d'élaborer un instrument normatif international concernant la diversité culturelle. En 2001, ils avaient adopté la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle qui reconnaissait pour la première fois celle-ci comme un « patrimoine commun de l'humanité » et considérait sa défense comme un impératif éthique et concret, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Malgré son autorité morale, cette déclaration semble à beaucoup insuffisante dans le contexte actuel de mondialisation. D'où l'idée d'élaborer un instrument contraignant - une convention - portant sur des domaines culturels spécifiques, par exemple sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques véhiculées par les industries culturelles.
Dans le domaine de la communication et l'information, deux textes seront examinés par la Conférence : le projet de Recommandation sur la promotion et l'usage du multilinguisme et l'accès universel au cyberespace, ainsi que le projet de Charte sur la préservation du patrimoine numérique. La Recommandation vise à mieux garantir un accès équitable à l'information et à faciliter le développement de sociétés du savoir multiculturelles ; elle définit également des orientations pour la promotion de la diversité culturelle et linguistique.
La Charte sur la préservation du patrimoine numérique se présente comme une déclaration de principes susceptible d'aider les Etats membres à préparer des politiques nationales permettant la préservation du patrimoine numérique et l'accès à ce patrimoine. Il grandit chaque jour mais il est très vulnérable car souvent éphémère. Des connaissances et des créations artistiques créées numériquement - des pages de site internet par exemple - sont perdues. Cela peut tenir à l'obsolescence rapide du matériel et des logiciels qui servent à les créer ou à y accéder mais aussi, tout simplement, au fait que, dans beaucoup de pays, rien n'a encore été prévu (législation y comprise, qu'il s'agisse de la législation en matière d'archives et de dépôt légal ou volontaire, ou bien du problème parfois compliqué des droits d'auteur) pour préserver ce patrimoine numérique.
En matière de communication, l'UNESCO privilégie la notion de "sociétés du savoir" - mettant l'accent sur contenus, diversité et participation - plutôt que celle de "société de l'information", trop axée sur la connectivité. C'est autour de ces deux concepts que sera organisée les 9 et 10 octobre une table ronde à l'intention des ministres chargés de l'information et de la communication. Inaugurée par le Directeur général de l'UNESCO, Koïchiro Matsuura, elle comptera notamment avec des interventions de l'ancien président de la Lituanie, Valdas Adamkus, et du Président du Comité intergouvernemental de préparation du Sommet mondial sur la société de l'information (Genève, 10-12 décembre), le Malien Adama Samassekou. Cette table ronde intitulée Vers des sociétés du savoir s'inscrit d'ailleurs dans le cadre de la préparation du Sommet.
Elle aura été précédée, les 3 et 4 octobre, par une autre table ronde, destinée, elle, aux ministres de l'Education et portant sur le thème "Promouvoir la qualité de l'éducation". La nécessité d'améliorer la qualité de l'éducation a déjà été réaffirmée à l'occasion du Forum mondial sur l'éducation de Dakar (2000). Dans un contexte où l'on constate à la fois une croissance exponentielle de la demande en matière d'éducation au niveau mondial et l'échec, dans plusieurs régions, des systèmes éducatifs, la question qui se pose avec acuité est : Qu'est-ce qui marche dans les salles de classe ? Qu'est-ce qu'on y enseigne et qu'est-ce qu'on y apprend ? Au cours de trois séances (La qualité de l'éducation : enjeux et dilemmes ; Nécessité d'une définition élargie de la qualité de l'éducation ; Comment induire le changement et améliorer la situation), les participants à la table ronde chercheront les moyens d'améliorer l'accès à l'éducation tout en faisant en sorte que non seulement les enfants fréquentent l'école mais qu'ils y réussissent.
Les compétences de l'UNESCO en matière d'éducation l'amènent à traiter de l'éducation physique et du sport. Suite à une proposition de la Table ronde des ministres chargés de ces deux derniers domaines (janvier 2003), le Conseil exécutif de l'UNESCO a inscrit à l'ordre du jour de la Conférence générale une proposition visant à ce que l'Organisation élabore, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, les organisations compétentes du système des Nations Unies et le Conseil de l'Europe, une Convention internationale contre le dopage dans le sport. Si la Conférence générale confirme ce mandat, un texte - qui se ferait en collaboration étroite avec des instances comme le Comité international olympique, l'Agence mondiale contre le dopage et le Groupe consultatif intergouvernemental contre le dopage dans le sport - pourrait lui être soumis à sa 33e session (2005) et voir le jour avant les Jeux Olympiques d'hiver à Turin (Italie) en 2006.
S'agissant des sciences, l'opportunité d'élaborer un texte international sur la bioéthique sera également débattue par les Etats membres. Aujourd'hui, le besoin de repères éthiques universels couvrant l'ensemble des questions qui se posent dans ce domaine est de plus en plus ressenti tant par les spécialistes et décideurs que par la société civile. Mais certains se demandent s'il est souhaitable de fixer des repères, voire de légiférer, dans un domaine progressant si rapidement et présentant sans arrêt de nouvelles ramifications. Pour sa part, le Comité international de bioéthique (CIB) de l'UNESCO, suivi par le Comité intergouvernemental de bioéthique (CIGB), s'est prononcé en faveur de l'élaboration d'un tel texte tout en recommandant qu'il soit non contraignant.
Dans l'immédiat, un texte au champ plus limité mais dont les implications sont nombreuses tant dans le domaine médical que dans celui de la justice, est soumis pour adoption à cette session. Il s'agit de la déclaration internationale sur les données génétiques humaines. Ces données génétiques - recueillies à travers des échantillons biologiques : sang, tissus, salive, sperme, etc. - apportent déjà des réponses aux questions des juges et des policiers. Du point de vue médical, elles permettent des tests toujours plus nombreux mais elles font surtout miroiter de nouvelles avancées en matière de traitement. Rien d'étonnant donc si les banques de données se multiplient. Mais les données génétiques posent aussi des problèmes : on peut craindre qu'elles n'ouvrent la porte à des discriminations et à des pratiques contraires aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Le texte qui sera examiné par la Conférence générale propose les principes éthiques qui doivent régir la collecte, le traitement, le stockage et l'utilisation de ces données.
Outre cet important travail normatif, la Conférence générale aura à jouer le rôle - déterminer l'orientation et la ligne de conduite générale de l'UNESCO - qui lui est dévolu par l'Acte constitutif de l'Organisation. Elle va donc se pencher sur différents rapports du Directeur général, notamment celui sur l'activité de l'UNESCO en 2000-2001 et celui sur la mise en œ;uvre du processus de réforme de l'UNESCO. La Conférence générale doit aussi examiner et adopter le projet de programme et de budget pour 2004-2005 dont les cinq priorités principales sont : l'éducation de base pour tous ; l'eau et les écosystèmes associés ; l'éthique des sciences et des technologies ; la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel ; l'accès à l'information et au savoir. En ce qui concerne le budget, le Directeur général proposera un scénario marquant une croissance réelle modeste avec un plafond budgétaire de 610 millions de dollars. La Conférence générale débattra aussi des premières orientations du projet de programme et budget pour 2006-2007.
La Conférence générale qui est également chargée d'élire les membres du Conseil exécutif doit, comme à chacune de ses sessions, renouveler la moitié des sièges de cet autre organe décisionnel de l'Organisation. L'élection des membres du Conseil exécutif aura lieu le 10 octobre (deuxième tour le 11 octobre si nécessaire). Le Conseil exécutif, actuellement présidé par Aziza Bennani (Maroc), se réunira après la Conférence générale pour désigner son nouveau Président.
Un Forum des jeunes - L'UNESCO et les jeunes : un engagement réciproque - se tiendra avant la Conférence générale, du 26 au 28 septembre. Ses résultats seront présentés à la Conférence. Une exposition virtuelle se déroulera pendant la Conférence générale. Intitulée Construire les sociétés du savoir, elle sera inaugurée le 29 septembre par le Directeur général. Autour de quatre thèmes - Créer le savoir, Transmettre le savoir, Partager le savoir, Préserver le savoir -, l'UNESCO y montre comment les technologies de l'information et de la communication peuvent contribuer au développement. L'exposition - accessible sur internet (www.unesco.org/webworld/) à partir du 29 septembre - sera également présentée à Genève durant le Sommet mondial sur la société de l'information.