L'industrie de l’habillement s'étend partout dans le monde.[1] Les vêtements sont principalement fabriqués dans des usines en Asie, en Europe de l'Est, en Amérique latine ou en Afrique. C’est là, au Bangladesh ou en Roumanie par exemple, que des femmes et des hommes les ont fabriqués quelques semaines avant que les consommateurs les achètent en Europe occidentale, en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde.
L’opacité des filières d'approvisionnement empêche les consommateurs de savoir où et par qui sont fabriqués leurs vêtements. L’étiquette d’un T-shirt peut mentionner « Made in China », mais dans quelle usine a-t-il été fabriqué ? Et dans quelles conditions de travail?
De plus en plus d’entreprises d’habillement font preuve de transparence sur leurs filières d’approvisionnement.[2] Elles publient les noms, les adresses et d'autres informations importantes sur les usines fabriquant leurs produits. Cette première étape vers plus de transparence constitue un outil puissant pour soutenir le respect des droits des travailleurs de l’habillement.
La transparence permet par exemple d’identifier les enseignes et marques qui s’approvisionnent auprès d’une usine dont les employeurs ne respectent pas les droits des travailleurs. Les travailleurs de l’usine, leurs organisations syndicales et d’autres organisations de défense des travailleurs peuvent dès lors interpeller les entreprises clientes afin qu’elles mettent fin aux abus chez leur fournisseur et contribuent à réparer les dommages causés.
La publication d’informations sur la filière d'approvisionnement permet de créer un climat de confiance avec les travailleurs, les consommateurs, les organisations de défense des travailleurs et les investisseurs. Par sa transparence, l’entreprise signale qu’elle ne craint pas d'être tenue responsable des violations des droits du travail perpétrées dans sa filière d'approvisionnement. L’engagement de l’entreprise à respecter les droits des travailleurs dans les usines de ses fournisseurs devient alors plus crédible.[3]
La publication d’informations sur les sites de production impliqués dans la filière d’approvisionnement d’une marque ou d’une enseigne est devenue une nécessité absolue au regard des catastrophes qui ont touché l'industrie de l’habillement ces dernières années.
Le 24 avril 2013, l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh a tué plus de 1 100 travailleurs et en a blessé plus de 2 000 autres. L’année précédente, deux incendies d'usine - Ali Enterprises au Pakistan et Tazreen au Bangladesh - ont tué plus de 350 travailleuses et travailleurs et en ont blessé gravement des centaines d’autres. Ces femmes et ces hommes subissent depuis des invalidités permanentes et des handicaps graves.
Un homme transporte des vêtements fabriqués dans l’un des ateliers de confection de l’immeuble « Rana Plaza » à Dhaka, au Bangladesh, suite à l’effondrement de ce bâtiment le vendredi 26 avril 2013.
©2013 Jeff Holt/Bloomberg via Getty Images
Lors de ces catastrophes, aucune information publique ne permettait d’identifier les entreprises clientes des usines concernées. La seule façon de les identifier pour leur demander des comptes fut d'interviewer les survivants et de fouiller les décombres à la recherche d’étiquettes.
Ce système qui, pour identifier les responsabilités, impose de retourner des gravats à la recherche d’étiquettes d’entreprises clientes est l’exact opposé de la « transparence ».
Au cours de la dernière décennie, un nombre croissant d'entreprises d’habillement ont publié en ligne des informations sur les usines qui fabriquent leurs produits. Depuis plus d'une décennie, adidas, Levi Strauss, Nike, Patagonia et Puma publient des informations sur les sites de production de leurs fournisseurs. Au fil du temps, de plus en plus de marques de vêtements et d’enseignes ayant une marque propre leur ont emboité le pas.[4]
Petit-à-petit, les marques et les enseignes commencent à se rendre compte que la publication d’informations sur les sites de production impliqués dans leurs filières d’approvisionnement est la pierre angulaire d’un business responsable.
Petite histoire récente de la transparence dans l’industrie de l’habillement
Jusqu’il y a moins de 20 ans, aucune marque ni enseigne d’habillement ne publiait la liste des unités de production impliquées dans son réseau d’approvisionnement. Ces entreprises considéraient qu’il s’agissait d’une information commerciale sensible dont la publication pouvait nuire à leur compétitivité.
À la fin des années 1990 et au début des années 2000, Nike et adidas commencent à publier les noms et les adresses de leurs fournisseurs impliqués dans la production de vêtements et de chaussures destinés à des collèges des Etats-Unis.[5] En échos à une campagne menée sur des douzaines de campus par United Students Against Sweatshops (USAS), il s’agit d’une condition sine qua non imposée par les autorités de certains campus nord-américains pour pouvoir utiliser leurs logos.
En 2005, Nike et adidas, franchissent un pas supplémentaire en publiant des informations sur toutes les usines de leurs fournisseurs, concernant l’ensemble de leurs produits.
Au long de la dernière décennie, un nombre croissant de marques et d’enseignes, dont les nord-américaines Levi Strauss et Patagonia, et quelques européennes, ont rejoint dans cette démarche les deux précurseurs.
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Les entreprises d’habillement ayant publié des informations sur leur filière d’approvisionnement en 2016
En décembre 2016, les entreprises d'habillement suivantes avaient publié des informations sur leurs filières d'approvisionnement :
adidas, C&A, Columbia Sportswear, Cotton On Group, Disney, Esprit, Forever New, Fruit of the Loom, Gap Inc., G-Star RAW, Hanesbrands, H&M Group, Hudson's Bay Company, Jeanswest, Levi Strauss & Co., Lindex, Marks and Spencer, Mountain Equipment Co-op, New Balance, Nike, Pacific Brands, PAS Group, Patagonia, Puma, Specialty Fashion Group, Target USA, VF Corporation, Wesfarmers Group (Kmart et Target Australia, et Coles), et Woolworths.
Cette liste n’est toutefois pas exhaustive.[6]
Ce rapport fait le point sur les engagements des enseignes et marques d’habillement en faveur d’une plus grande transparence de leur filière d'approvisionnement. Nous le publions quatre ans après la succession de catastrophes industrielles au Bangladesh et au Pakistan qui ont dévoilé au monde entier la réalité des conditions de travail dans l'industrie mondiale du vêtement, et l’absolue nécessité de rendre cette industrie transparente et respectueuse des droits humains.
Pour atteindre cet objectif, une coalition composée de neuf organisations internationales a contacté 72 entreprises d’habillement en leur demandant de s’engager à mettre en œuvre des standards minimaux en termes de transparence sur leurs filières d’approvisionnement. Les entreprises qui ont refusé de s’engager ont été invitées à justifier leur choix.[7] Ce rapport explique l’importance et l'urgence de rendre les filières d’approvisionnement transparentes et synthétise les réponses que nous avons reçues de la part des 72 entreprises contactées.[8] Des informations complémentaires sur les entreprises contactées, sur les raisons de le faire, et sur la méthodologie employée par la coalition, sont décrites dans l’Annexe 1 publiée dans la version en anglais de ce rapport, disponible en ligne.
Les informations publiées sur les filières d’approvisionnement varient fortement d’une entreprise à l’autre. Parmi les entreprises les plus transparentes, certaines publient des informations incohérentes.[9] Cependant, la majorité des entreprises d’habillement refusent de publier des informations sur les sites de production de leurs fournisseurs ou fournissent des informations insuffisantes. Certaines entreprises tentent de justifier leur opacité par des raisons commerciales. Mais leurs arguments sont battus en brèche par les entreprises qui publient déjà des informations sur leur filière et démontrent que cette transparence leur procure des avantages qui dépassent de loin les risques envisagés.[10]
En réalité, les entreprises d’habillement doivent faire beaucoup plus que mettre en œuvre un minimum de transparence pour assumer leur responsabilité de respecter les droits humains dans leur filière d'approvisionnement. Néanmoins, ce minimum de transparence constitue la première étape cruciale pour y arriver.
Coalition de la société civile sur la transparence de l'industrie de l’habillement
En 2016, neuf syndicats et organisations de défense des droits humains se sont coalisées pour mener campagne en faveur de la transparence de la filière d’approvisionnement. Ces membres sont :
Fédérations syndicales internationales : IndustriALL Global Union, Confédération Syndicale Internationale, et UNI Global Union.
Organisations internationales de défense des droits humains et des droits des travailleurs focalisées sur le secteur de l’habillement : Human Rights Watch, Clean Clothes Campaign, Maquila Solidarity Network, Worker Rights Consortium, International Corporate Accountability Roudtable et International Labor Rights Forum.
La coalition promeut le « Pacte pour la Transparence » (« Transparency Pledge ») en tant qu’engagement minimum en matière de publication d’information sur les filières d’approvisionnement. Le « Pacte pour la Transparence » se fonde sur des pratiques d’ores et déjà mises en œuvre par des entreprises.
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