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Date :  2011-06-16
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Démocratie, du virtuel au réel

Source :  France Culture

Alors que la révolte se poursuit au Moyen-Orient provoquant des répressions terribles, en Europe est né le mouvement des Indignés. Initiée par la jeunesse espagnole, à la mi-mai, l’aspiration à une « vraie démocratie » s'est propagée sur le vieux continent.
Tous ces mouvements sont relayés par les blogs, les microbloggings et les réseaux sociaux. Quel rôle impartir à Internet dans les soulèvements arabes et dans l’insurrection civique en Europe ? Le web est-il devenu un nouvel espace politique ?


Le jeudi 27 janvier 2011, le président égyptien, Hosni Moubarak, coupe les réseaux Internet de son pays. Par cette initiative, il veut contrer les rassemblements de manifestants qui se déroulent depuis deux jours dans son pays. Erreur.

Si le pouvoir en place n’utilise pas à bon escient l’outil, la population, elle s’organise pour pallier l’absence d’Internet. Le collectif d’internautes Anonymous, qui sévit sur le net contre tous actes liberticides, fournit aux Egyptiens des numéros de modem pour avoir du réseau. La sanction est immédiate : la contestation s’intensifie.
Sans foule pas de révolution

Mais la révolution aurait-elle eu lieu si chaque individu isolé n’avait pas trouvé une communauté de mêmes penseurs par le biais d’Internet ? Créant ainsi une foule virtuelle, qui dans la rue devient réelle. Car, c’est bien les nouveaux outils de communication qui ont permis d’unir les forces individuelles.

Ben Ali piétiné, 19 janvier 2011 Omar Ouahmane©Radio France

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, jeune chômeur diplômé de 26 ans, se voit confisquer par la police son étal de fruits et légumes pour défaut de licence. Il s'immole par le feu devant un bâtiment administratif de Sidi Bouzid, une ville du centre de la Tunisie. Aussitôt, des commerçants rejoints par des jeunes qui dénoncent le manque de travail se rassemblent pour manifester. Les jours suivant, le mouvement, relayé sur internet, prend de l’ampleur dans l’ensemble du pays. La révolte des Tunisiens aura raison de Ben Ali. Le président démissionne le 14 janvier.

Avant même la chute du chef de l’Etat tunisien, des blogueurs égyptiens ont eux aussi lancé un appel à manifester le 25 janvier. Là encore, le mouvement se cristallise autour d’une personne, Khaled Saïd, jeune étudiant battu à mort par la police à Alexandrie. Wael Gonhim, représentant de google au Moyen-Orient, crée une page Facebook, Nous sommes tous des Khaled Saïd. Le ralliement s’opère. La fin du règne de Ben Ali vient d’avoir lieu. Elle fait écho. Le mardi 25 janvier, les manifestants egyptiens sont nombreux, non pas quelques milliers comme l'espéraient les initiateurs, mais dix mille. Le jeudi 27, Hosni Moubarak décide de couper l'accès à Internet. Le vendredi 28 est le deuxième "Jour de colère". Dès lors, « le printemps arabe » commence.

Au Maroc, ce n'est pas la révolution, mais depuis le 20 février, des manifestations ont lieu tous les dimanches, rassemblant 200 à 300 mille personnes dans différentes villes du pays.

Omar El Hyani, marocain vivant à Rabat, rend compte des manifestations sur son blog. Il explique le Mouvement du 20 février :

Selon Omar El Hyani, Internet est "clairement un nouvel outil politique" et le gouvernement est en train d'en prendre conscience :

Mais, c'est aussi un révélateur de conscience. Grâce à la liberté d'expression qu'il permet, et contrairement à ce que la société pouvait penser, Internet a mis en évidence que les nouvelles générations sont loin de ne pas avoir de conscience politique :


Quand l'indignation devient manifeste

Le mouvement né en Espagne, Los Indignados, n'est pas comparable sur le plan politique aux révolutions arabes. Les uns luttent au péril de leur vie pour obtenir la démocratie. Les autres vivent la démocratie mais la revendiquent plus juste, plus participative.

Los Indignados ©Miguel Yarza

Miguel Yarza, un des porte-parole de Democracia Real YA, revient sur les revendications des Indignés, dont le campement Puerta del Sol à Madrid a été levé dimanche dernier :

(Traduction Eric Chaverou)

Mais, à l'origine du premier rassemblement, on retrouve encore Internet. Une plate-forme citoyenne, Pour une Démocratie Réelle, maintenant invite à participer à une manifestation le dimanche 15 mai, une semaine avant les élections municipales. Relayée par les réseaux sociaux, l'invitation circule. Les Espagnols affluent en nombre sur les places centrales des principales villes de la péninsule.

Toutefois, contrairement à Omar El Hyani, Miguel ne perçoit pas Internet comme un nouvel espace politique :

A Toulouse, sur la place du Capitole, Marine participe au mouvement des Indignés depuis un mois, c'est-à-dire dès son origine. Si elle s'est reconnue dans l'initiative espagnole, elle explique pour quelles raisons, en France, il n'y a pas de soulevement :


Les Indignés, place de la Bastille à Paris Florence Pacaud©Radio France

Internet joue donc également un rôle en aval. La plate-forme Démocratie Réelle est devenu un site de contribution pour compiler l'information, la diffuser et par la suite dégager les problématiques primordiales et réfléchir à des solutions. Pour Marine, le net est à la fois un espace médiatique et politique :


La mobilisation tiendra-t-elle sans aucun leader ? Miguel Yarza et Omar El Yyani ne partage pas le même avis :


Miguel Yarza (traduction Eric Chaverou)


Omar El Yyani

Les révolutions ne se font pas avec des téléphones portables, twitter ou Facebook, mais dans la rue. La répression s'exerce sur des hommes et elle est bien réelle dans les pays du Moyen-Orient qui luttent encore pour le droit à la démocratie. Toutefois, il est indégnable que le virtuel a joué un rôle essentiel dans ces mouvements de révolte. Des individus unis par leur volonté de changement se sont retrouvés sur Internet pour ensuite descendre ensemble dans la rue. La contestation a trouvé un nouvel espace. Le cyberpower est bien réel et désormais les gouvernements devront faire avec. Après ces évenements, ces forces virtuelles ont pris une telle importance qu'elles mettent en question les gouvernants, y compris ceux du G8. Pour la première fois à Deauville, les grands de ce monde s'en sont officiellement fait l'écho.


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