Selon un nouveau rapport publié par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), le nombre de personnes recevant un traitement antirétroviral (TARV) contre le VIH/SIDA dans les pays en développement a considérablement augmenté puisqu’il a plus que doublé, passant de 400 000 personnes en décembre 2003 à environ un million en juin 2005. Toutefois, l’accès au traitement reste loin de répondre à des besoins croissants et les progrès d’ensemble ont peu de chances d’être suffisamment rapides pour que l’objectif fixé par l’OMS et l’ONUSIDA, consistant à traiter 3 millions de personnes d’ici fin 2005, puisse être atteint.
Le rapport de l’OMS/ONUSIDA montre que le nombre de personnes sous antirétroviraux augmente dans toutes les régions du monde et que le taux d’extension du traitement s’accélère également. En Afrique subsaharienne, la région la plus durement touchée par le VIH, quelque 500 000 personnes sont actuellement sous antirétroviraux – soit trois fois plus qu’en juin 2004 et près de deux fois plus qu’il y a six mois. De même, en Asie – deuxième région la plus touchée – le nombre de personnes ayant accès au TARV a triplé depuis juin 2004 pour atteindre environ 155 000 aujourd’hui. Plus de 50 % de cette augmentation est survenu au cours des six premiers mois de cette année.
Le rapport de l’OMS/ONUSIDA publié aujourd’hui recense les facteurs qui ont aidé certains pays à réaliser des progrès importants dans l’accès au TARV et les obstacles qui ont ralenti les progrès dans certains champs d'activités. Les progrès accomplis jusqu’ici ont été rendus possible grâce aux efforts concertés de nombreux pays et des donateurs, avec l’assistance technique de l’ONUSIDA, de l’OMS et d’autres partenaires. Le rapport formule une série de recommandations visant à accroître encore les progrès en matière d’extension du traitement, y compris en adoptant des méthodes thérapeutiques simplifiées et normalisées susceptibles de faire bénéficier un nombre accru de personnes de traitements antirétroviraux de qualité, et d’aider à renforcer les capacités des systèmes de santé en général.
« Le mouvement visant à élargir l’accès au traitement contre le VIH progresse de façon remarquable, » a déclaré le Directeur général de l’OMS, le Dr LEE Jong-wook. « C’est la première fois qu’un traitement complexe contre une affection chronique a été introduit à une échelle aussi importante dans le monde en développement. Les problèmes que pose la fourniture de soins sur la durée dans les milieux manquant de ressources sont considérables, et nous le savions. Mais chaque jour nous montre que ce type de soins peut et doit être dispensé. »
« Il est impératif de continuer à accélérer l’accès à des traitements salvateurs contre le VIH, non seulement pour traiter les millions de personnes qui en ont besoin aujourd’hui, mais également pour aider à prévenir des millions de nouvelles infections, » a déclaré quant à lui le Directeur exécutif de l’ONUSIDA, le Dr Peter Piot. « En augmentant l’offre de traitement, on voit augmenter aussi le nombre de personnes ayant accès aux services de prévention essentiels tels que le dépistage et le conseil : c’est l’une des principales conclusions de ce nouveau rapport. »
L’objectif des « 3 millions d’ici 2005 », entériné par les 192 Etats Membres de l’OMS, s’entendait comme une étape intermédiaire vers la réalisation de l’accès universel au traitement contre le VIH pour tous ceux qui en ont besoin. L’objectif reposait sur les résultats qui pouvaient être atteints si les pays, les donateurs et les organismes internationaux réussissaient pleinement à mobiliser une plus grande volonté politique et davantage de fonds et à développer les infrastructures sanitaires et les systèmes de santé. Le rapport publié aujourd’hui souligne que si l’appui politique, financier et technique en faveur de l’extension du TARV a dans certains cas répondu aux attentes ou les a même dépassées, dans d’autres, les préalables au succès ne sont toujours pas pleinement mis en place.
Poursuivre l’élargissement de l’accès au traitement
Les progrès dans l’élargissement de l’accès au TARV varient considérablement d’un pays à l’autre. A ce jour, 14 pays à revenu faible et moyen ont atteint l’objectif des « 3 millions d’ici 2005 » en dispensant des TARV à au moins la moitié des personnes qui en avaient besoin et plusieurs se dirigent vers un accès universel. L’expérience de nombre de ces pays a servi à infléchir les recommandations du rapport en faveur de l’accélération des progrès dans tous les pays.
« Au cours des 18 derniers mois, nous avons beaucoup appris sur l’extension de l’accès au traitement contre le VIH dans les milieux les plus pauvres, » a déclaré le Dr Jim Yong Kim, Directeur du Département VIH/SIDA de l’OMS. « Nos principales préoccupations demeurent l’offre de médicaments à des prix plus abordables et un accès accru aux nouveaux médicaments grâce aux flexibilités autorisées par l’Accord sur les ADPIC. Reste que nous savons désormais avec certitude qu’il est possible de dispenser ce traitement dans les pays en développement de façon efficace et à un coût de plus en plus abordable. Nous avons également constaté dans tous les cas que la clé du succès réside dans un savant dosage d’appui politique, technique et financier, investi de façon à renforcer les capacités globales de prestation de services de santé essentiels. »
Les recommandations de l’OMS/ONUSIDA pour accroître le rythme d’élargissement de l’accès au TARV dans les pays en développement sont les suivantes :
* Engagement politique : sur les 49 pays cibles de l’OMS/ONUSIDA, 40 ont établi des objectifs nationaux pour l’accès au traitement et 34 élaborent ou ont élaboré des plans d’exécution. Ces plans sont une première étape vers une accélération rapide de l’accès au TARV. Le rapport de l’OMS/ONUSIDA demande aux pays qui n’ont pas encore établi de plans concrets de les mettre en place rapidement.
* Des approches normalisées et des moyens accrus : les pays qui réalisent les progrès les plus importants en dispensant des TARV de qualité au plus grand nombre sont ceux qui ont adopté des schémas thérapeutiques normalisés et des procédures de surveillance clinique. Ces pays se sont également attaqués aux problèmes d’achat et de gestion de la chaîne d’approvisionnement, ainsi qu’aux ressources humaines – en formant des agents de santé non médecins à administrer efficacement et en toute sécurité le TARV. Davantage de pays devraient s’inspirer de cet exemple.
* Soutien technique : l’OMS et les autres organismes des Nations Unies accroissent actuellement leur assistance technique aux pays désireux de développer leurs programmes de TARV et de renforcer leur secteur de la santé en général. Une initiative clé de l’OMS utilise un nouveau logiciel de cartographie pour aider les pays à recenser les besoins les plus grands pour toute une gamme de services de santé, afin de mieux cibler l’utilisation des ressources disponibles. Dans l’ensemble, il faut que les organismes d’assistance technique coordonnent mieux leur action entre eux et avec les donateurs. La nouvelle équipe spéciale de l’ONUSIDA vise à promouvoir ce type de coopération améliorée.
* Financement durable : Les donateurs ont engagé au total US $27 milliards pour les trois prochaines années en faveur de la prévention, des soins et du traitement concernant le VIH/SIDA. Toutefois, tous ces engagements n’ont pas été concrétisés et compte tenu du montant total des contributions annoncées, le déficit projeté s’élève à au moins US $18 milliards pour la période 2005?2007. Les donateurs devraient accélérer le décaissement des fonds aux pays, accroître leurs engagements et promettre des fonds à long terme sur lesquels on puisse compter. Les pays en développement devraient continuer à investir leurs propres ressources. La nouvelle proposition d’allégement de la dette formulée par le G8 offre l’occasion à un certain nombre de pays de réaffecter des ressources importantes au VIH/SIDA.
* Lier traitement et prévention : Les données dont on dispose montrent que l’offre de TARV entraîne une augmentation de la demande de dépistage du VIH et de conseil et d’autres services de prévention. Dans un district d’Ouganda, l’introduction des TARV a entraîné une multiplication par 27 de la demande de dépistage et de conseil. Le rapport de l’OMS/ONUSIDA recommande aux pays de prendre des mesures pour intégrer le traitement du VIH au dépistage et à la prévention, y compris en utilisant les mêmes dispensaires pour proposer à la fois dépistage et traitement et en formant les agents de santé qui administrent les TARV à la prévention.
Vers l’accès universel au traitement et à la prévention
L’objectif des « 3 millions d’ici 2005 » a largement contribué à mobiliser l’aide internationale et l’action autour d’un effort mondial visant à élargir l’accès au traitement contre le VIH. L’expérience acquise avec le traitement du premier million de personnes a permis de jeter les bases d’une extension accélérée à l’avenir pour aller vers l’accès universel au traitement d’ici 2010, conformément à l’appel lancé par les Ministres des Finances du G8 lors de leur réunion des 10 et 11 juin 2005.
L’un des principaux problèmes posés par l’instauration de l’accès universel au traitement comme à la prévention consistera à fournir un appui financier et technique accru afin de renforcer les systèmes sanitaires et sociaux. Les priorités doivent être réorientées pour faire en sorte que des modules essentiels de prévention, de traitement et de soins soient mis en place district par district, et communauté par communauté. Il est également nécessaire de mesurer les progrès et d’analyser les obstacles à la mise en oeuvre de façon continue afin d’infléchir l’action et de la rendre plus efficace.
L’élargissement du traitement contre le VIH offre aux pays l’occasion d’apporter des améliorations durables à la formation des agents de santé et de mettre en place des systèmes efficaces pour dispenser tout un éventail de soins de santé à ceux qui en ont le plus besoin. Il est également vital d’atteindre un certain nombre d’objectifs de santé et de développement plus généraux. La propagation rapide du VIH et la morbidité et la mortalité liées au VIH entravent directement les progrès dans six des huit domaines clés concernés par les objectifs du Millénaire pour le développement, qui visent à réaliser des progrès spectaculaires en améliorant la santé et en réduisant la pauvreté dans le monde d’ici le milieu de la prochaine décennie.
Estimations de l’accès au traitement établies par l’OMS/ONUSIDA
Les estimations de l’accès au traitement établies par l’OMS/ONUSIDA sont le reflet d’un large éventail d’efforts déployés pour dispenser un traitement contre le VIH dans les pays en développement. Les programmes d’antirétroviraux sont financés et exécutés en grande partie par les pays eux-mêmes, avec l’aide de plusieurs donateurs bilatéraux et multinationaux, dont le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (le Fonds mondial), le Plan d’urgence du Président des Etats-Unis d’Amérique pour le SIDA et d’autres donateurs, un appui technique étant fourni par diverses organisations internationales dont l’OMS et l’ONUSIDA.
Pour établir ces estimations de l’accès au TARV, l’OMS utilise les rapports de pays les plus récents reçus du ministère de la santé, du bureau de l’OMS ou de l’ONUSIDA dans le pays ou d’une autre source fiable dans le pays. Ces rapports sont comparés aux données émanant des principaux donateurs, dont le Fonds mondial et le Plan d’urgence du Président des Etats-Unis pour le SIDA et aux données des laboratoires pharmaceutiques qui fabriquent des antirétroviraux et les expédient dans les pays en développement.
Un rapport complet ainsi qu’une analyse spécifique par pays des efforts menés et des obstacles rencontrés dans l’élargissement de l’accès doit être publié fin 2005.
Rapport [pdf 1.86Mb] , Elargissement de l'accès au traitement antirétroviral dans le monde: le point sur l'initiative « 3 millions d'ici 2005 »