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Date :  2003-09-30
Language :  French
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Cancun : bilan et perspectives


Le dimanche 14 septembre, M. Luis Ernesto Derbez, Ministre mexicain des affaires étrangères et président de la 5e conférence ministérielle de l’OMC, décidait de mettre fin aux travaux de cette conférence. Compte tenu des commentaires formulés après l’échec, un rappel des faits s’impose.

1. Les circonstances de l’échec

Les officiels européens sont enclins à dire, en aparté, que l’échec de Cancun a été voulu par les Etats-Unis qui ne souhaitaient faire aucune concession alors que commencent les préliminaires des prochaines élections présidentielles. Bush junior a impérativement besoin de l’électorat agricole, lui qui a été élu avec 300.000 voix de moins que son concurrent et uniquement grâce à des manipulations et des fraudes dans l’Etat de Floride. Plus que jamais, en 2004, toutes les voix vont compter et il ne peut être question de respecter les règles de l’OMC si elles sont de nature à déplaire à un électeur américain. Ce raisonnement, qui sans nul doute, recouvre une partie de la vérité, ne doit pas écarter d’autres explications. En particulier, la réalité d’un blocage détaillé ci-après dans l’examen des causes de l’échec. Une brève chronologie permet de resituer le contexte de l’arrêt des travaux et de dégager le rôle des acteurs respectifs.

La conférence est prévue du 10 au 14 septembre.

Elle débute le 10, mais ce n’est que le 12 au soir que se termine la phase de présentation des positions respectives et des réactions au projet de déclaration rédigé par le président du Conseil général. Trois journées entières sans la moindre véritable négociation !

Il est distribué aux délégations le samedi 13 entre 11H et 14H, selon les délégations, soit 28 heures avant la fin annoncée de la conférence. Il est examiné par celles-ci pendant le reste de l’après midi. Pour ce qui concerne les Européens, le Comité 133 est globalement satisfait du texte, mais, sur la suggestion de Pascal Lamy, on décide de taire cette satisfaction et au contraire de critiquer le document afin d’obtenir davantage sur l’agriculture. Les PMA/PED (pays les moins avancés/pays en développement) sont consternés par un texte qui fait fi de l’essentiel de leurs préoccupations. En outre, ils contestent le lien contraignant créé entre l’agriculture, les « nouvelles matières » (investissement, concurrence, marchés publics et facilitation des échanges ou, pour se rendre compte de ce dont il s’agit, le retour de l’Accord Multilatéral sur l’Investissement, cet AMI dénoncé en 1998) et l’accès au marché des produits non agricoles. Les quatre pays d’Afrique de l’Ouest qui ont demandé le respect des règles de l’OMC dans le domaine du coton sont blessés par la fin de non recevoir que contient le texte. Les Etats-Unis considèrent que le texte n’est pas si mauvais que cela, même s’il mérite des améliorations. Ces positions s’expriment lors d’une réunion des chefs de délégation qui se tient de 19H à 01H du matin, le dimanche. L’impression qui en ressort, c’est que tout le monde est mécontent du nouveau texte. Les officiels européens annoncent comme une évidence la prolongation de la conférence jusque lundi, voire mardi. A la veille de la clôture prévue de la conférence, on ne négocie toujours pas !

Dimanche à 01H30 commence la première réunion informelle (green room). Elle réunit 9 délégations (Afrique du Sud, Brésil, Chine, EU, Inde, Kenya, Malaisie Mexique et USA). Elle est consacrée uniquement aux « nouvelles matières. » Elle dure deux heures. L’Union européenne annonce qu’elle ne fera aucune concession sur les « nouvelles matières » si les autres pays n’acceptent pas la proposition américano-européenne sur l’agriculture qui est totalement intégrée dans le nouveau projet de déclaration.

Le ministre Derbez convoque une nouvelle green room à 8 heures, le dimanche matin. Elle réunit cette fois 33 pays. Elle débute par une discussion sur les « nouvelles matières. » Pascal Lamy accepte de faire une concession proposée par la présidence mexicaine : il retire deux des quatre matières (investissement et concurrence). Mais il doit obtenir une modification de son mandat pour ce faire. Une suspension d’une heure est décidée.

M. Peter Carl, au nom de Lamy, rencontre le Comité 133 et demande le feu vert pour un changement de mandat. Le Comité 133 n’est pas compétent pour prendre une telle décision qui relève du Conseil des Ministres. Une procédure de consultation des différents ministres européens se met en place interrompue par une décision de tenir une réunion du Conseil.des Ministres.

De leur côté, les ministres africains qui participent à la green room rencontrent les délégations PMA/ACP/UA.(pays les moins avancés/pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, pays membres de l’Union africaine). Conformément aux décisions antérieures de ces groupes de pays, ils reçoivent mandat de refuser les quatre « nouvelles matières » et donc de refuser la concession européenne.

Entre-temps, la green room a repris ses travaux. Les ministres africains font connaître la position des PMA/ACP/UA. La Corée et le Japon veulent que les négociations commencent sur les quatre matières et non sur deux. M. Derbez constate qu’il n’y a aucun consensus. Il lève la séance. Il est 15 heures, environ. Alors que MM. Lamy et Fischler rejoignent le Conseil des Ministres européens où ils obtiennent une modification du mandat sur les nouvelles matières, M. Derbez convoque à 16 heures tous les chefs de délégation. Lorsque les Commissaires européens arrivent, un projet de communiqué se trouve sur les tables. Il annonce la fin de la conférence. Il circule depuis une bonne demi heure.

Pour les Européens, la surprise est totale. Misant sur l’éclatement des alliances entre pays du Sud, ils pensaient pouvoir négocier au finish et arracher dans la nuit à venir ou le lendemain davantage sur l’agriculture après avoir fait cette concession sur les « nouvelles matières. » Ils en sont privés par la décision de la présidence mexicaine de la conférence de respecter l’obligation, décidée à Doha, de réunir un consensus explicite pour l’ouverture des négociations sur les « nouvelles matières. »

2. Les causes de l’échec

« Je veux répéter que l’Union européenne a négocié à Cancun de bonne foi et a ajouté de nouvelles concessions à celles déjà mises sur la table, » déclarait Pascal Lamy au Parlement européen, le 24 septembre. Voilà une explication qui appartient à la technique bien connue de la réécriture de l’histoire quand on se trouve devant la nécessité de dissimuler les responsabilités d’un échec. On pouvait espérer de la part d’un intellectuel aussi brillant une analyse plus fouillée des causes de cet échec. Mais elle aurait débouché inéluctablement sur une mise en cause des choix proposés par Pascal Lamy et approuvés par les quinze gouvernements européens depuis 1999. Impensable de la part d’une Commission européenne aussi intransigeante que le Vatican sur son infaillibilité.

Comme on vient de le voir, ce n’est que le dimanche, soit le dernier jour de la conférence, alors qu’une formidable coalition de 90 pays s’oppose à elle, que l’Union européenne a présenté des concessions par rapport aux propositions qu’elle tente d’imposer depuis Seattle. Elle était restée, du mercredi au samedi, d’une intransigeance absolue, empêchant de la sorte que commencent de vraies négociations.

Je distingue personnellement 5 éléments qui expliquent Cancun et qu’on pourrait résumer d’un titre : la construction du mur de la méfiance.

a) les conditions de l’adoption de la Déclaration de Doha

Il faut se souvenir que la 4e conférence ministérielle à Doha, en novembre 2001, était marquée par l’échec de la précédente, à Seattle, ainsi que par l’instrumentalisation des évènements du 11 septembre 2001. Il était impensable de mettre l’OMC en péril. Il fallait un accord. On alla jusqu’à affirmer qu’un accord à Doha « contribuerait à la lutte contre le terrorisme, » ce qui signifiait, dans la conception de l’actuelle administration américaine – soutenue sur ce point par la Commission européenne – « si vous provoquez un échec à Doha, vous contrariez la lutte contre le terrorisme. »

Pour parvenir à leurs fins, les pays occidentaux ont fait bloc. On sait qu’ils ont usé de procédures violant les règles de l’OMC pour imposer un texte de leur cru agrémenté de promesses à l’égard des PMA/PVD sur lesquelles toute l’attention médiatique a été concentrée. Ils se sont heurtés, pour la première fois, à une véritable résistance des PMA/PVD. Ceux-ci attendaient le respect d’engagements pris en 1994 et jamais tenus depuis lors. Mais les Occidentaux disposaient des moyens de briser cette résistance et ils ont seulement dû concéder un report de l’ouverture des négociations sur les « nouvelles matières. » Ceci a été décrit à plusieurs reprises (voir le site de l’URFIG).

A Doha, les PMA/PVD, n’ont pas voulu, dans le contexte de l’après 11 septembre, porter la responsabilité d’un échec. Les pays riches, la suite l’a très largement confirmé, ont annoncé des négociations sur des matières pour lesquelles les PMA/PVD étaient demandeurs uniquement pour amener ces derniers à accepter un accord à Doha qui avait pour vertu première de relancer la mécanique OMC après l’échec de Seattle.

L’adoption de la Déclaration de Doha est dès lors intervenue avec des arrières pensées diamétralement opposées de la part des uns et des autres. Ce qui était concédé de part et d’autre n’avait guère de chance d’être accepté dans l’avenir. Dès son adoption, la réalisation du programme de Doha, dont Cancun devait enregistrer les progrès à mi-parcours, était compromise.

b) le fonctionnement de l’OMC

Je ne conteste pas un seul instant qu’il soit impossible de décider à 146 et, sous peu, à 148. Mais la manière avec laquelle les pays riches ont contourné cette difficulté comme ils ont contourné les contraintes de la décision par consensus et celles du principe « un Etat–une voix » ont transformé l’OMC en instrument au service des pays les plus riches et de leurs entreprises au mépris de l’objectif annoncé d’encadrer et de réguler le commerce mondial. L’OMC est devenue l’outil privilégié de la globalisation.

La direction de l’OMC, les représentants des Etats-Unis, de l’Union européenne, du Canada et du Japon n’ont pas cessé de marginaliser les pays qui ne s’alignent pas sur leurs propositions. Les propositions avancées par ce quadrumvirat sont presque systématiquement transformées en documents officiels servant de base aux négociations. Ce n’est jamais le cas pour les documents déposés par les PMA/PVD.

Lorsqu’en avril 2002, un groupe de pays en développement a déposé un ensemble de propositions modérées de réforme de l’institution (WT/GC/W/471), elles ont été rejetées avec fracas par les Européens et les Américains. Des propositions allant dans le même sens déposées en août de cette année (WT/CG/W/510) ont reçu le même accueil. Chaque fois, l’Union européenne invoque la nécessaire flexibilité pour justifier le statu quo.

L’OMC est une institution oligarchique et opaque. Les PMA/PVD, qui sont les plus nombreux, y sont, en permanence, victimes de manipulations et de pressions très précisément décrites dans un livre récent (JAWARA Fatouma & KWA Aileen, Behind the Scenes at the WTO. The Real World of International Trade Negotiations, London, Zed Books, 2003). Ce qu’ils subissent à l’OMC est en totale contradiction avec le discours convenu sur l’importance du commerce pour le développement. Ils ont cessé de croire aux promesses quand elles viennent des Occidentaux. De plus en plus, ils pratiquent ce proverbe latin : « je crains les Grecs, surtout lorsqu’ils font des cadeaux. »

c) les blocages du prétendu « Programme de Doha pour le Développement » (PDD)

Comme je l’ai longuement décrit dans la brochure consacrée aux « Enjeux de Cancun », aucune des échéances fixées par le PDD n’a été respectée. Ni sur les modalités de la réduction des subventions agricoles, ni sur l’accès aux médicaments essentiels, ni sur le traitement spécial et différencié, ni sur la mise en œuvre des accords existants, ni sur l’ouverture des marchés aux produits non agricoles, ni sur la réforme de l’organe de règlement des différends. Or, sur plusieurs de ces dossiers, les PMA/PVD attendaient la concrétisation des promesses de Doha. Rien, absolument rien, n’est venu après vingt-deux mois de négociations.

Par contre, avec une insistance extrêmement agressive, l’Union européenne poussait les feux pour créer les conditions d’un démarrage, à Cancun, des négociations sur les « nouvelles matières. » Sur le dossier agricole, Américains et Européens ont déposé une proposition qui réécrivait autrement l’engagement de Doha, mais n’incluait aucune obligation de résultats chiffrée et datée.

C’est alors qu’une réaction structurée des PMA/PVD est apparue, conduite par le Brésil, la Chine et l’Inde. Elle a pris la forme d’une contre-proposition appuyée par un groupe de pays décidés à se constituer en une coalition permanente qui représente 52% de la population mondiale. Ce refus de s’incliner devant les manœuvres et les propositions occidentales a provoqué la colère de M. Peter Lang. Le représentant de Pascal Lamy n’a pu dissimuler son dépit. Il a donné libre cours à sa grossièreté. Le néocolonialisme européen montrait son vrai visage. Les masques tombaient. Pour les PMA/PVD, c’était une clarification supplémentaire. Le test était concluant : le programme de Doha pour le développement n’était que de la poudre aux yeux.

Ce n’est que dix jours avant Cancun qu’un accord a minima intervenait sur l’accès aux médicaments, accord très largement impraticable qui ne fournit donc aucune solution au problème posé. Les larmes de certains délégués africains, forcés par leur gouvernement soumis aux pressions européennes de renoncer à se battre pour un texte applicable, expriment alors une immense rancœur et une terrible frustration qui ne seront pas oubliées à Cancun.

d) l’arrogance impériale des pays riches

Nul mieux que Jim Wolfensohn, président de la Banque mondiale, n’a indiqué la principale cause de l’échec : "Ce qui s'est passé à Cancun doit être un signal d'alarme, car les pays en développement - plus de 3 milliards d'êtres humains - ont trouvé inacceptable une conception des négociations dans laquelle on attend d'eux seulement qu'ils répondent à des propositions des pays riches."(Dubaï, 23 septembre).

Tout au long des négociations qui ont précédé Cancun comme pendant la conférence elle-même, les pays riches, les instances dirigeantes de l’OMC et les animateurs de la conférence ont traité par le mépris les points de vue exprimés par les pays du Sud.

Alors que ces derniers venaient de répéter leurs points de vue, déjà amplement explicités à Genève, la nouvelle mouture de projet de déclaration déposée le samedi 13 septembre constituait une véritable gifle pour ces pays. On ne pouvait pas manifester avec plus d’éclat un dédain absolu pour leurs préoccupations.

Les Etats-Unis affichait leur plus total mépris pour les millions de paysans d’Afrique de l’Ouest, producteurs de coton dont le prix n’est pas compétitif face au coton US, puisque le gouvernement américain verse des subventions à ses 25.000 planteurs de coton.

L’Union européenne manifestait son arrogance en maintenant son exigence de voir les négociations sur les quatre « nouvelles matières » commencer, fut-ce en deux temps (voir Nouvelles de Cancun 5). Alors que les PMA lors d’un sommet tenu à Dakha en mai dernier, avaient dit leur refus de telles négociations , alors que les pays de l’Union Africaine (UA) avaient fait de même à Maurice en juin et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) à Bruxelles en août, alors que ces positions avaient été répétées à Genève pendant les réunions préparatoires à la conférence, alors que le 12 septembre, dans un document officiellement enregistré par l’OMC (WT/MIN (03)/W/19), ces trois groupes de pays répétaient leur position et soulignaient l’absence du « consensus explicite » requis par la Déclaration de Doha, le projet de déclaration passait outre.

Conséquents et cohérents, les pays en développement ont surmonté leurs divergences d’intérêt pour faire face. Grande nouveauté de Cancun, ils ont constitué des alliances. La plus connue continuait la démarche commencée à Genève pour réagir aux propositions agricoles américano-européennes. C’est le groupe dit des 21 (qui compte aujourd’hui davantage que 21 pays et qu’on appelle désormais G 20 +). L’alliance PMA/ACP/UA s’est elle aussi consolidée face à la volonté d’imposer tout ou partie des « nouvelles matières. »

Ces coalitions ont suscité mépris et sarcasmes de la part des Américains et des Européens. Dans sa lettre quotidienne envoyée de Cancun, Pascal Lamy, le 13 septembre, ironisait sur ces groupes dont il préférait souligner les divergences internes que reconnaître les motifs stratégiques de leur démarche. S’il est vrai que ces pays ont des intérêts contradictoires, s’il est vrai que leurs propositions agricoles tendent davantage à privilégier un agrobusiness local plutôt que la petite paysannerie, ils expriment cependant un sentiment de solidarité entre pays du Sud qui est respectable et mérite d’être pris en considération. Ce que l’Union européenne a refusé de faire.

Au matin du dernier jour de la conférence, ulcérés par le contenu totalement orienté du nouveau projet de déclaration, alors que s’était tenue, pendant la nuit, une de ces réunions informelles où les pays riches usent de tous les moyens pour arriver à leurs fins, des parlementaires africains ont publié le communiqué suivant : « Nous, parlementaires africains, nous dénonçons les négociations en cours à l’OMC qui ont été caractérisées par des manipulations flagrantes de la part des pays développés et par un total mépris pour les intérêts et les opinions des pays d’Afrique. Nous dénonçons le manque total de transparence pratiqué à travers un processus de green room [réunions informelles réservées à certains pays] organisé de telle sorte que nos ministres soient contraints d’accepter des solutions qui protègent les intérêts des pays développés tandis qu’elles ignorent totalement les préoccupations importantes relatives au développement de nos pays. »

L’Union européenne surtout, les Etats-Unis dans une moindre mesure, n’ont pas compris que les frustrations et les humiliations si longtemps imposées aux PMA/PVD avaient atteint le seuil où elles provoquent le sursaut et la résistance. Une nouvelle réalité politique s’est exprimée à Cancun. Ni Lamy, ni Zoellick ne s’en sont rendu compte. Et les Européens ont continué à user des mêmes recettes, à préparer leurs pressions et leurs marchandages comme si de rien n’était. Leur arrogance a rencontré ses limites. Cancun, c’est la victoire de ceux qu’ils n’ont cessé d’humilier depuis Marrakech.

e) l’iniquité de règles « égales pour tous »

Si, en matières de droits (droits humains fondamentaux, droits sociaux, environnementaux, etc.) l’égalité est un impératif absolu, dans le domaine des relations commerciales, soumettre des pays de niveaux de développement différents à des règles identiques, c’est créer une inégalité automatique, puisque c’est imposer une compétition entre acteurs inégaux en force. D’où la demande insistante des pays en développement pour des mesures qui, dans chacun des domaines traités par l’OMC, légaliseraient un « traitement spécial et différencié. »

Le refus d’accéder à cette demande, jamais formulé mais toujours constaté (puisque aucune suite sérieuse ne lui a été donnée depuis 1994), amène les PMA/PVD à refuser toute extension des règles de l’OMC qui se traduisent automatiquement par une exposition de ces pays à de nouveaux traitements inégaux.

Cette question est au centre de la formidable résistance de ces pays à Cancun. Elle est cardinale pour l’avenir de l’OMC et des accords qu’elle gère. Le problème le plus important auquel l’OMC est désormais confrontée, c’est la disparité croissante entre les niveaux de développement de ses membres. Disparité encore accrue avec l’entrée de nouveaux PMA (Cambodge et Népal). A telle enseigne qu’avec des propositions comme celles avancées avec insistance et agressivité par l’Union européenne sur les « nouvelles matières, » on atteint l’aberrant.

Même le Financial Times, peu suspect de sympathie pour les thèses interventionnistes ou protectionnistes, écrivait il y a quelques jours : « Il est absurde de pousser, comme l’a fait l’Union européenne, à ce que soit imposées des règles dans des domaines aussi complexes que la concurrence et l’investissement à des pays qui sont à ce point pauvres qu’ils n’ont même pas les moyens d’avoir une représentation diplomatique auprès de l’OMC. Si de telles règles ont une quelconque place à l’OMC, seuls les pays riches devraient être libres de choisir de les appliquer ou pas. Refuser cette flexibilité ne conduira qu’à la répétition de l’impasse qui a coulé Cancun. » (23 septembre).

Un authentique système commercial international réclame une nouvelle confiance basée sur de nouvelles règles qui donnent à chaque peuple la possibilité d’utiliser le commerce pour son développement et non pas de subir le commerce au bénéfice du développement de ceux qui sont déjà développés. Cette attente tout à fait légitime, les Etats-Unis et l’Union européenne ne l’ont pas comprise. A moins qu’ils aient tenu à l’ignorer.

3. Les conséquences de l’échec

L’échec de Cancun ouvre une crise majeure pour l’OMC. Cette crise peut être salutaire ; mas elle peut être fatale aussi. Salutaire, si elle débouche sur la réforme de ses modes de fonctionnement et du contenu des accords qu’elle administre. Fatale, si les pays riches persévèrent dans leur volonté d’utiliser cette institution pour asseoir leur domination et surtout celle de leurs entreprises sur le reste du monde et pour modeler les rapports humains en fonction d’un projet néo-libéral et individualiste. Fatale aussi, si Etats-Unis et Union européenne continuent à doubler cette institution par des accords bilatéraux et régionaux qui vont au-delà des accords existants à l’OMC.

3.1 la menace d’un prétendu « retour » au bilatéralisme ou au régionalisme :

Avec leur franchise brutale, qui a au moins le mérite de la clarté, les Américains, par la voix de leur ministre du commerce, M. Robert Zoellick, ont fait savoir qu’ils avaient d’autres possibilités pour faire avancer le libre-échange. Dans des formules alambiquées, typiques du double langage européen, Pascal Lamy « veut vérifier la priorité au multilatéralisme des Européens. » La menace, aussitôt relayée par les commentateurs, est donc brandie d’abandonner le cadre multilatéral prétendument profitable aux pays plus faibles et de privilégier les accords bilatéraux et régionaux.

Mais s’agit-il d’une menace pertinente ? Le cadre multilatéral offert par l’OMC prévient-il contre les abus de pouvoir des pays riches ? L’existence d’accords multilatéraux protège-t-elle contre des accords bilatéraux ou régionaux ? Dans tous les cas, force est de constater que la réponse est négative. La démonstration a été faite à de multiples reprises que ce qui domine à l’OMC, ce ne sont pas des rapports de droit, mais bien des rapports de force. Et que l’égalité des Etats membres de l’OMC est purement formelle. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont transformé les rapports internes à l’OMC en rapports bilatéraux. Il a fallu attendre Cancun pour voir les PMA/PED mettre en place, pour la première fois, une parade efficace.

Et la menace d’un « retour » au bilatéralisme ne peut les surprendre. Car ce bilatéralisme n’a jamais cessé. Depuis la création de l’OMC, on ne compte plus les accords bilatéraux et régionaux qui vont, sur des matières faisant déjà l’objet d’accords multilatéraux, plus loin que ceux-ci. Ni les Etats-Unis, ni l’Union européenne ne se sont privés pour exiger, en matière de droits de propriété intellectuelle ou d’investissement, par exemple, plus que les accords de l’OMC. Les accords bilatéraux de l’Europe avec l’Afrique du Sud ou le Chili ; ses accords régionaux en cours de négociation avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dans le cadre de l’Accord de Cotonou, les négociations avec le MERCOSUR en fournissent la démonstration.

Le multilatéralisme, tel qu’il est pratiqué actuellement dans le domaine du commerce mondial, ne protège pas contre les excès du bilatéralisme.

3.2 l’avenir du PDD :

Que va devenir le « Programme de Doha pour le Développement » ? L’échéance du 1 janvier 2005 sera-t-elle respectée ?

Rappelons que trois des accords de l’OMC ne sont pas liés obligatoirement par ce programme et sont ouverts à des négociations permanentes : l’Accord sur l’Agriculture, l’Accord Général sur le Commerce des Services et l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle en rapport avec le Commerce. Même si, faute d’une déclaration ministérielle, les négociations sur ces trois dossiers n’ont pas reçu une orientation particulière et une impulsion spécifique à Cancun, la négociation peut continuer. Toutefois, dans le domaine agricole, la clause de paix expirera fin de cette année, puisque la prorogation voulue par l’Europe et les USA a disparu avec le projet de déclaration qui n'a pas été adopté.

On observera l’empressement avec lequel un des plus puissants lobbies dans le secteur des services a tenu à rappeler la possibilité de poursuivre les négociations dans ce domaine. « Nous regrettons qu’une opportunité significative de libéraliser le commerce dans les services comme dans d’autres secteurs a été gaspillée » déclare, dès le 16 septembre, Robert Vastine, président de la Coalition des Industries de Services (Washington). Et d’ajouter : « L’incapacité de la conférence ministérielle de Cancun à atteindre un consensus sur une libéralisation supplémentaire du commerce ne signifie pas que le travail ne peut pas continuer à propos des offres de services. » Soulignant que le texte du projet de déclaration relatif à l’AGCS était très largement accepté par les diverses délégations, M. Vastine rappelle qu’une réunion du Conseil des Services de l’OMC doit se tenir en octobre et que « elle fournira une opportunité pour examiner les offres déposées et pour aller de l’avant. »

Le communiqué final de la conférence, adopté par les chefs de délégation, appelle à une réunion du Conseil Général de l’OMC « à un niveau élevé, » au plus tard le 15 décembre. Il aura à examiner les conséquences de l’échec de Cancun et à prendre des décisions pour la suite à réserver aux autres questions de l’agenda de Doha qui n’ont pas trouvé de solution jusqu’ici. La question des « nouvelles matières », partie intégrante du PDD, reviendra dès lors sur la table. Les semaines qui viennent vont permettre d’apprécier quelles leçons ont été tirées de l’échec de Cancun.

3.3 les travaux à l’OMC :

Suite aux travaux préparatoires à Cancun et au déroulement même de la conférence, assistons-nous à l’émergence d’un nouveau rapport de forces ? On peut, on doit l’espérer. Mais avant de l’affirmer, les prochains mois doivent nous en apporterla confirmation. Et cette question ne présente un intérêt que dans la mesure où tous les acteurs continuent à jouer dans la même pièce.

Si les coalitions apparues juste avant et pendant Cancun se confirment, une situation nouvelle est créée qui force les pays riches à accepter de vraies négociations avec une approche radicalement différente de celle utilisée jusqu’ici.

S’il en est ainsi, alors on peut envisager avec un certain optimisme une réforme de l’OMC et des accords qu’elle gère débouchant sur une authentique régulation du commerce mondial. Mais ne rêvons pas trop vite.

3. Un danger pour l’après Cancun : un autre après-Seattle ?

Pour tous ceux qui aspirent à une société où les pouvoirs publics sont les instruments d’un haut niveau de solidarité ; pour tous ceux qui réclament une Europe effectivement solidaire des autres peuples, les périls demeurent. L’échec de Cancun ne modifie pas les Accords de Marrakech. Il ne modifie pas l’arrogance et le cynisme de la Commission européenne, son irresponsabilité politique et son opacité.

L’après Seattle doit rester présent à l’esprit. Ni l’internationale citoyenne, ni les pays en développement n’ont alors tiré profit de cet échec-là. Nous, militants, avons beaucoup trop célébré l’épopée de Seattle et pas assez préparé la suite. Nous avons aussi surestimé notre influence dans cet échec. La plupart des gouvernements du Sud ont cru, encore une fois, dans les mea culpa des gouvernements du Nord. Ils ont continué à se méfier des aspects folkloriques de certaines initiatives du monde associatif. Et, après quelques vagues formules du style « nous avons compris la leçon, nous allons changer », la Commission européenne a repris sa croisade néo-libérale avec une vigueur sans égal jusque-là. La force des milieux d’affaires, la détermination des gouvernements des pays riches et l’instrumentalisation du 11 septembre 2001 ont fait Doha.

Après Doha, l’euphorie de l’après Seattle était éteinte chez les militants altermondialistes. Les deux années qui ont suivi ont été mises à profit. A Cancun, l’expertise grandissante et un nouveau sens de l’organisation chez les pays en développement associés à une coopération moins prétentieuse, plus discrète et plus efficace de certaines ONG ont permis de bloquer de nouvelles ambitions néo-libérales. C’est sur cette lancée qu’il faut poursuivre.

L’échec de Cancun appelle, de manière incontournable et en préalable à tout autre négociation, une réforme des modes de fonctionnement de l’OMC afin de la rendre transparente et démocratique. Ensuite, cet échec justifie pleinement le respect d’un engagement solennel pris à Marrakech en 1994 et jamais tenu par les pays industrialisés : l’évaluation de l’impact économique, social, environnemental et culturel des accords existants. On ajoutera l’évaluation de l’impact pour la démocratie et les droits humains fondamentaux de certains accords et en particulier de l’AGCS et de l’ADPIC.

Pour nous, Européens, ce triple objectif passe par une décision politique majeure : la révision du mandat accordé en 1999 à la Commission européenne et en particulier à Pascal Lamy pour les négociations à l’OMC. Il réclame aussi, dans l’organisation et le fonctionnement des institutions européennes, une transparence et un contrôle démocratique qui font aujourd’hui totalement défaut.

Il faut ramener les attributions de l’OMC à sa seule raison d’être : la régulation du commerce international. Ce qui signifie, en priorité, réguler les pratiques commerciales et non déréguler les Etats et leurs pouvoirs subordonnés. La régulation du commerce mondial exige aussi des mesures appropriées pour encadrer les activités des firmes transnationales, pour contrôler les paradis fiscaux et pour soumettre aux normes éthiques et sociales ces zones de non droit et d’esclavage que sont, dans beaucoup de cas, les zones franches. L’OMC doit perdre la compétence qu’elle exerce aujourd’hui dans des dossiers comme l’agriculture, les brevets et les services. Une hiérarchie des normes du droit international doit devenir un objectif prioritaire de la communauté internationale.

Les parlements des Etats membres de l’Union européenne ainsi que le Parlement européen doivent être associés, en amont de la ratification, à toute négociation internationale dont les sujets sont susceptibles de définir un modèle de société et d’organiser les rapports humains. Les citoyens doivent disposer d’une législation européenne garantissant l’accès à l’information sur tous les dossiers qui engagent l’avenir de la vie en commun.

Ces changements, en Europe, sont de la responsabilité des 15 gouvernements et des 15 parlements. Il nous revient, comme tâche prioritaire, de les exiger. Et de déployer tous les efforts à cette fin. A nous d’en faire un enjeu pour l’immédiat, mais aussi pour la prochaine élection du Parlement européen et pour l’opinion que nous sommes en droit d’émettre sur le projet de future Constitution européenne.

A nous, associations, ONG, syndicats, de mettre devant leurs responsabilités les partis politiques et les élus. Ils sont comptables devant nous. Ne faisons plus confiance aux propos apaisants et anesthésiants dont les porteurs des intérêts particuliers abusent chaque fois qu’ils nous trompent. Et gardons nous de donner du crédit à leurs chiens de garde qui sévissent dans les média.

Cancun doit nous encourager. Pas nous endormir, ni nous démobiliser. Nous avons pris la bonne voie. L’essentiel du chemin reste à accomplir.

Raoul Marc JENNAR Chercheur auprès d’Oxfam Solidarité (Bruxelles)


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