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Date :  2003-06-06
langue :  Français
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Politiques d'intégration régionale et conflits entre modèles économiques et désir de diversité culturelle en Afrique de l'Ouest


Ayons en mémoire deux assertions fortes de deux grands intellectuels africains :

- Joseph Ki-ZERBO, corédacteur du rapport sur l'Education pour tous, après la conférence mondiale de Jomtien donne à l'ouvrage un titre provocateur et pertinent : " Eduquer ou périr ".

- Léopold Sédar Senghor dont on découvre de plus en plus que les aphorismes qu'il répétait comme une litanie traduisaient et traduisent toujours une vision profonde de la réalité et du devenir du monde. " La culture est au commencement et à la fin du développement ".

La situation géographique et l'histoire du continent africain lui donnent aujourd'hui une configuration politique, économique et culturelle qui est le résultat d'un long processus de désintégration/intégration encore inachevé. Les frontières héritées de la colonisation, les turbulences politiques post-indépendance, notamment les menaces de résurgence des micro-nationalismes, mais aussi les ondes de choc de la globalisation économique et financière donnent du continent l'image et la réalité d'un espace plus proche de la désintégration que de l'intégration sous-régionales.

Toutefois le parcours qui nous a conduit de l'OUA à l'Union Africaine et dans un contexte de mondialisation à la fois désiré et redouté, prouve que les dirigeants africains ont dès les années 60 compris la nécessité de l'intégration pour donner à l'Afrique les chances de maîtriser les difficultés que nos Etats à des degrés divers rencontrent séparément et qui les fragilisent chacun et collectivement.

En Afrique de l'Ouest, des initiatives, des expériences en cours comme la CEDEAO, l'UEMOA, constituent des exemples d'efforts de réalisation prudente et progressive d'intégration par le biais d'Accords et Traités entre Etats membres et couvrant un grand nombre de domaines.

La communication que je propose porte sur quelques expériences révélatrices d'effort d'intégration dans le secteur des ressources humaines ; la culture et l'éducation. L'importance de la question tient d'abord au fait que les projets d'intégration sous-régionale ambitionnent de réaliser l'unité africaine par " cercles concentriques " pour reprendre l'expression du Président L.S. Senghor. Ensuite, et de plus en plus, l'intégration sous-régionale et continentale apparaît comme moyen de contrer les forces dissolvantes de la globalisation et comme atout pour capter les facteurs de progrès générés par la mondialisation. Posés en ces termes l'intégration sous-régionale et continentale permet de prendre la pleine mesure de la réalité de l'Afrique dans le monde : un continent plongé dans des turbulences et des difficultés susceptibles de l'immerger dans un chaos dont les manifestations ont pour noms : maladies, guerres, faim, sous-éducation perte de repères culturels, menaces d'anéantissement et de marginalisation définitive.

Dans le même temps, le monde, (ce nouvel objet d'un nouveau paradigme qu'on appelle mondialisation et qui est pourtant en construction depuis fort longtemps) ne présente pas forcément un visage plus rassurant en dépit des nombreux progrès engendrés par les sciences, les techniques et les institutions internationales. Le monde révèle en effet de fortes tendances unificatrices mais il demeure encore profondément éclaté, inégal, problématique, et en crise quasi permanente.

Il s'y ajoute que du fait de cette connexion entre le continent et le reste du monde " mondialisé ", une autre tendance néfaste consiste à penser l'unité et l'intégration à travers un modèle économiste comme si l'économie était la panacée et qu'elle n'est pas elle même problématique et d'une problématicité qui trouve ses racines ailleurs qu'en elle-même.

Les expériences en cours en Afrique de l'Ouest, à travers la CEDEAO et l'UEMOA permettent de voir que les Dirigeants africains ont perçu le risque de cette réduction de la complexité des problèmes du continent à la seule sphère de l'économie. D'où les nombreuses dispositions figurant dans les Accords et Traités pour la promotion d'autres facteurs notamment les facteurs culturels. Les Dirigeants africains qui ont créé ces organismes d'intégration sous régionale et continentale se sont très vite aperçus que si les politiques économiques et financières constituent indéniablement des instruments de régulation du marché qu'ils veulent instituer dans un espace commun à leurs différents Etats, d'autres politiques et d'autres instruments sont nécessaires pour réguler ce même marché, notamment son volet économique.

D'où l'élaboration de protocoles additionnels destinés à mettre en exergue l'importance et la place du développement des ressources humaines à travers la culture, l'Education, la circulation des personnes et statut de celles-ci dans la communauté.

Cette communication comporte trois grandes parties.

Le premier volet est consacré à la présentation des dispositions pertinentes des Traités et Accords (CEDEAO, CEA, UEMOA, UA) relatives à la valorisation et à la prise en compte de politiques culturelles appropriées.

La deuxième grande partie ambitionne de montrer que si la mondialisation créatrice d'une civilisation de progrès, de démocratie et de solidarité doit reposer sur la dialectique entre monde polycentrique et monde unifié, l'Afrique devra jouer sa partition en commençant au niveau du continent et dans ses sous régions par des politiques harmonieuses de décentralisation et d'intégration.

Enfin j'indiquerai pourquoi le modèle économiste demeuré non seulement dominant mais encore aveuglant s'explique moins par une absence de volonté politique que par déficit de capacité à penser le monde pour ce qu'il est réellement et non ce qu'il paraît être : à savoir un monde dont la demande la plus pressante et la plus décisive est celle du pluralisme et de la diversité culturelle.


I - Quelques dispositions pertinentes de traités et accords passés entre Etats de l'Afrique de l'Ouest en vue de leur intégration

De 1962 à 2001, les Etats du continent africain dans son ensemble, ceux de l'Afrique de l'Ouest (qui nous occupe ici plus particulièrement) en particulier, ont conçu et élaboré des Traités, et Accords qui traduisent leur volonté de jeter les bases et de mettre en phase des institutions et des mécanismes au service de leur intégration harmonieuse. Quelques repères :

- 1962 création de l'organisation de l'Unité africaines (OUA, 1962, en Ethiopie).

- 1975 institution du Traité de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), Traité qui sera révisé en 1993.

- 1991. Traité instituant la Communauté Economique Africaine (CEA), Traité " faisant partie intégrante de l'organisation de l'Unité africaine " (P.4 du préambule).

- 1993, Traité de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)

- Juillet 2001, Acte constitutif de l'Union Africaine (U.A)

PREMIERE REMARQUE : Tous ces Accords et Traités affichent de manière claire la détermination à identifier et à résoudre les problèmes économiques et monétaires que les Etats signataires ont en commun. Cette orientation porte la marque d'une conviction : le retard de l'Afrique est dû à un sous développement économique.

DEUXIEME REMARQUE : L'OUA a bien élaboré une charte culturelle de l'Afrique et de nombreuses structures techniques de concertation et de coopération pour la promotion de la culture et de l'Education. Leur impact sur la vie des peuples et des individus est peu perceptible en dépit du grand succès qu'ont connu le 1e Festival mondial des Arts (Dakar 1966) et d'autres rencontres de même niveau à Lagos, à Alger et ailleurs.

TROISIEME REMARQUE : Les Accords et Traités " listés " plus haut, montrent une prise de conscience encore plus nette du retard accusé par les Etats dans le domaine des politiques culturelles et leur volonté d'y apporter des remèdes à travers la coopération sous-régionale. Il est même très significatif de voir que c'est dans des protocoles additionnels que les Etats signataires insistent sur quelques dispositions pertinentes destinées à mettre en exergue le rôle de la culture, des ressources humaines et de la participation des peuples africains au développement comme si, à la longue les Dirigeants africains s'étaient rendus compte que les solutions économiques sont nécessaires mais qu'elles ne se suffisent pas à elles mêmes et qu'elles sont même peut-être impossibles sans une prise en compte suffisante de quelques déterminants culturels.

La CEA et l'UA (qui s'est substituée à l'OUA) ont nettement pris la mesure de l'enjeu.

La CEA : au CH XII consacré à l'Education, à la Formation et à la culture recommande en son article 69, la promotion des objectifs de la charte culturelle de l'Afrique, la promotion et la diffusion des valeurs culturelles africaines, la mise en œ;uvre de tous les moyens pour préserver et récupérer le patrimoine culturel africain. Cet article exige aussi de veiller à ce que les politiques de développement reflètent de manière adéquate les valeurs socioculturelles des peuples africains afin de consolider leur identité culturelle, de procéder à des échanges de programmes culturels et de partager leurs expériences dans les domaines de l'art, de la littérature, des loisirs et des sports.

Quand à l'Acte constitutif de l'Union Afriacaine (U.A), ses articles 3 et 14 notamment indiquent l'importance accordée aux liens entre développement /Education/culture.

L'article 3 fixe à l'Union Africaine comme objectifs : d'accélérer l'intégration politique et socioéconomique du continent, de promouvoir les principales institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance, de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et des peuples, de promouvoir le développement durable aux plans économique, social et culturel ainsi que l'intégration des économies africaines.

En son article 14 : l'Acte crée des comités de l'Education, de la culture et des ressources humaines.

Examinons à présent les dispositions pertinentes de la CEDEA et de l'UEMOA en matière de ressources humaines, Education et culture.

Ces deux Institutions de coopération sous régionale ouest africaine reprennent à leur compte les recommandations précédentes sur les ressources humaines (CH XI, article 60 pour la CEDEAO et CH I, articles 1 à 4 pour l'UEMOA).

Un accent particulier est également mis dans ces deux Traités sur deux questions d'une très grande sensibilité et dont la résolution peut être décisive en grande partie par le développement sous-régional et continental, dans un monde où la mondialisation est devenue un nouveau paradigme. Il s'agit d'abord du rôle et de la place de la Femme dans les sociétés africaines. Les articles 63 du Traité de la CEDEAO et 2, CH1 de l'UEMOA parlent de l'amélioration des conditions économiques sociales et culturelles des femmes comme conditions sine qua non du développement de la communauté et du continent.

On notera aussi au passage que ces deux Traités soulignent la nécessité d'accorder une place significative au développement des infrastructures culturelles et éducatives, aux échanges de programmes TV et Radio, ainsi qu'au développement des langues africaines.

Arrêtons-nous un instant sur ces dernières. Fait significatif et indice d'un problème de taille, ces traités suggèrent l'étude d'un projet de langue régionale. La CEDEAO et l'UEMOA ayant pour le moment à leur actif des mécanismes d'intégration opérationnels dans le domaine de la sécurité (ECOMOG, pour la CEDEAO) dans celui de la monnaie (FCFA pour l'UEMOA) et celui du droit des Affaires (OHADA), rêvent à juste titre d'une langue d'intégration qui ne serait ni le français ni l'Anglais (langues des colonisateurs). Cette question n'est pas nouvelle puisque depuis assez longtemps, le Swahili et le Peul ont été proposés dans différents cercles d'intellectuels comme langues sous-régionales, voire continentales. Il est vrai que pour ces deux langues le seul critère pris en compte a le plus souvent été celui du nombre de locuteurs de ces langues dans des espaces géographiques qui dépassent les frontières héritées de la colonisation. Question d'autant plus sérieuse et difficile que chacun de ces Etats est constitué d'une mosaïque de langues et de parlers locaux et que de surcroît le Français et l'Anglais sont à la fois langue d'administration, de diplomatie et d'Education formelle dans ces pays.

A ce propos les dispositions du Traité de la CEDEA sur cette question des langues traduisent le malaise des Dirigeants africains, désireux de promouvoir les valeurs culturelles africaines mais se heurtant concrètement aux difficultés de donner corps à des mécanismes qui demandent des moyens et qui supposent résolus des préalables politiques et culturels : quelles langues choisir et comment ?

L'article 87 du CH XXII de la CEDEA parle des langues officielles et des langues de travail de cette communauté et de ses Experts.

Citons les deux alinéas de l'article 87." 1. Les langues officielles de la communauté sont toutes les langues ouest africaines déclarées officielles par la conférence ainsi que le français, l'anglais et le portugais.

2. Les langues de travail de la communauté sont l'anglais, le français et le portugais ".

Il ne fait pas de doute dans ces conditions, que l'anglais, le français et le portugais ont toutes les chances d'être à la fois et pour longtemps, à la fois les seules langues officielles et les seules langues de travail, tant que l'idée d'une langue régionale ne sera pas concrétisée.


II- Des expériences d'intégration encourageantes


A- En matière de circulation des personnes, des idées et des œ;uvres d'art.

a) l'article 59 de la CEDEA sur l'immigration : " 1-Les citoyens de la communauté ont le droit d'entrée, de résidence et d'établissement et les Etats membres s'engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de la Communauté sur leurs territoires respectifs.

2. Les Etats membres s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées en vue d'assurer aux citoyens de la communauté la pleine jouissance des droits visés au paragraphe précédent.

3. Prendre au niveau national les dispositions nécessaires pour l'application effective des dispositions du présent article ".

COMMENTAIRE : La référence à la citoyenneté et l'institution du passeport de la CEDEAO vient légaliser ou " régulariser " une pratique que les populations ont entamée de longue date à travers les frontières et dans des échanges multiformes, avec des succès variables dans l'espace et le temps.

En outre la notion de citoyenneté est plus riche et plus conforme au mécanisme d'intégration contrairement à celle de nationalité qui est une réalité sous-tendant parfois des formes des résistance à l'intégration.

b) l'article 58 de la CEDEA porte sur la sécurité régionale. Il y est en effet question de paix, de stabilité, de mécanisme pour la prévention et la résolution des conflits inter et intra-Etats. L'ECOMOG dans le cas de la CEDEAO s'est déjà illustrée positivement dans la résolution des crises libérienne et ivoirienne dont l'ampleur a mis a nu la complexité des questions ethniques, la porosité des frontières, la circulation des armes et la vulnérabilité des Etats. Il est heureux que dans les mécanismes de prévention l'article 58 ait insisté sur les consultations périodiques, les commissions conjointes, les échanges et la coopération entre communautés, municipalités, et régions administratives, ainsi que la création d'observatoires régionaux de paix et de sécurité. L'expérience montre hélas que ces recommandations restent lettre morte et ne sont activées ou réactivées qu'une fois les conflits déclenchés.

Même s'il est juste de noter que c'est souvent faute de moyens que leur mise en œ;uvre effective n'est pas effectuée, les évaluations permettent de voir aussi que la multiplicité des Institutions et des dispositions dans des traités et accords différents liant les mêmes Etats entre eux ou avec d'autres Etats du monde et du continent, met à nu l'impossibilité d'honorer tous ces engagements.

Il s'y ajoute qu'en matière de sécurité et de prévention, l'on ne prend pas suffisamment en compte des données culturelles comme la coexistence pacifique des ethnies, l'existence de mécanismes de préservation de la paix que l'on tend à ranger aux musées des antiquités alors qu'ils servent quotidiennement aux populations et aux groupes dans l'organisation de leurs relations (exemple les conseils des sages, l'institution de la parente à plaisanterie etc..).

c) Un autre exemple d'expérience réussie en matière d'intégration : les rendez-vous culturels biennales : Le MASA d'Abidjan (Marché africain des Arts du spectacle, le FESPACO de Ouagadougou (cinéma et télévision) et le DAK'ART (biennale de l'Art plastique africain de Dakar). Ces rencontres mobilisent les créateurs du continent et tous les spécialistes de ces questions en provenance des différentes régions du monde. L'Afrique y est perçue comme pôle potentiel significatif de développement d'une différence culturelle dans le concert des Nations dialoguant à travers la culture. Ces rencontres commencent à recevoir le sceau du marché, perçu d'ailleurs comme indice de crédibilité par les artistes eux mêmes, leur problème par dessus la question de leur statut étant celui de leurs moyens de survie et de compétitions internationales.

A ce niveau, les politiques culturelles des Etats sont partagées entre volonté de promotion de la créativité et des créateurs par des subventions significatives et des mesures fiscales incitatives d'une part et d'autre part les contraintes budgétaires et la peur de voir des privilèges accordés aux artistes susciter chez d'autres producteurs de biens et d'idées, des revendications similaires.

d) Enfin dans les secteurs de l'enseignement supérieur différentes initiatives concrètes destinées à rationaliser et à améliorer la formation professionnelle se sont traduites par des actions communes des Etats membres de la communauté (CEDEAO) comme par exemple : l'Ecole Inter Etats de médecine Vétérinaire, l'Ecole Inter Etats des télécommunications le CESTI (journalisme) etc. De même la reconnaissance mutuelle des diplômes sanctionnant les formations dispensées dans ces Instituts, la coordination des programmes d'enseignement.

Mais l'exemple phare dans ce domaine est incontestablement la création et le fonctionnement du CAMES : Conseil africain Malgache et Mauricien de l'Enseignement Supérieur. Dans ses objectifs le CAMES souhaite couvrir l'ensemble des pays francophones, arabophones, lusophones et anglophones du continent. Pour le moment il ne touche que les pays francophones que sont : le Burundi, le Cameroun, République Centre Africaine, R.P.Congo, Côte d'Ivoire, Bénin, Gabon, Burkina Faso, Madagascar, Mali, Maurice, Rwanda, Sénégal, Tchad et Togo.

Parmi les principaux résultats qui sont à l'actif du CAMES on peut citer : le transfert en Afrique du système d'évaluation et de promotion des enseignants du supérieur et des chercheurs africains alors que des indépendances aux années 1971-72 ce système de contrôle était installé dans une des Universités de France ; le CAMES s'est également accompagné d'une convention générale relative à la validité de plein droit des diplômes d'enseignement supérieur dans les Etats membres.


III- La décentralisation : moyen et condition d'une bonne intégration régionale. Moyen et condition de réalisation d'un monde polycentrique

Penser la diversité et l'unité du monde c'est se convaincre d'abord que la planète n'est pas et ne devrait jamais être un système global. De ce point de vue il ne devrait y avoir ni politiquement ni culturellement un centre unique. Et c'est travailler ensuite à l'émergence d'un monde de solidarité seul capable de donner un sens à l'unité culturelle de l'humanité.

Sous ce double rapport, la construction de l'intégration sous-régionale en Afrique de l'Ouest concomitamment avec les expériences des autres sous-régions du continent constitue un pas important, pour d'anciennes colonies, encore largement connectées à leurs anciennes métropoles, de rompre avec le seul point de vue occidental autocentré.

C'est donner corps à l'idée Senghorienne d'intégration continentale par cercles concentriques et c'est préparer également une nouvelle approche de l'intégration de l'Afrique à la mondialisation qui ne soit pas sous les espèces d'un simple nivellement /assimilation aux codes et modèles occidentaux.

Aussi est-il nécessaire de penser l'intégration comme processus indéfini qui va du local au global, un processus de changement d'échelle qui ne s'accompagne pas de l'anéantissement de l'enracinement dans le local. C'est de cette façon qu'il faut comprendre la place et la fonction de la décentralisation dans une perspective d'intégration.

Il est significatif que le Traité de l'Union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA) ait après coup jugé nécessaire d'adopter un Protocole additionnel relatif aux politiques sectorielles et que les chapitres I et II soient consacrés respectivement au développement des ressources humaines et à l'aménagement du territoire. Ce protocole additionnel insiste entre autres sur l'harmonisation des plans nationaux d'infrastructures en vue de l'équilibre des différentes comparantes du territoire communautaire ; sur le désenclavement des zones concernées, sur la politique des transports et des télécommunications. On aura noté que ce sont là des conditions indispensables pour stopper l'exode massif vers les centres urbains, les mirages d'Eldorado africains ou européens etc.

Ces importantes dispositions restent malgré tout dominées par le modèle d'intégration économique. Une véritable décentralisation susceptible d'être une pièce décisive du processus d'intégration et de construction d'un monde polycentrique doit reposer sur d'autres critères. Dans une large mesure la décentralisation participe à l'aménagement du territoire et réciproquement. Une véritable décentralisation à l'intérieur de chaque Etat-territoire doit partir du constat suivant : les difficultés persistantes que rencontrent les Etats africains proviennent de ce que ceux-ci ont voulu demeurer les seuls instances et pouvoirs susceptibles d'opérer les changements, d'assurer l'offre de services publics et de satisfaire les nombreuses demandes des citoyens, des individus et des groupes.

En matière d'éducation, de santé, d'emploi, de loisir, de gestion du cadre de vie, la décentralisation consiste à conférer aux collectivités locales des responsabilités à la fois conceptuelles et opérationnelles. Une politique de décentralisation ne peut être qu'une politique de respect de la diversité dans un ensemble qui fédère ses différentes composantes. En toute rigueur la décentralisation dans chaque Etat aurait dû précéder tout processus d'intégration sous régionale. A défaut d'avoir mis les bœ;ufs avant la charrue, il convient de souligner l'intérêt de la décentralisation en ce qu'elle redonne tout son sens à la notion de terroir conçu comme communauté de base dont les composantes par le voisinage et la solidarité possèdent aussi des référents culturels communs entrant en ligne de compte dans leur entreprise de développement local, national et régional. Pour ce faire, les principes qui doivent guider et accompagner la décentralisation peuvent être réduits à 5 principaux :

- la libre administration des collectivités locales par des conseils élus au suffrage universel ;

- le transfert aux collectivités locales d'un certain nombre de compétences jusqu'alors exercées par l'Etat (avec les ressources financières correspondantes) ;

- la solidarité entre collectivités locales et entre celles-ci et l'Etat ;

- un statut unique pour toutes les régions ;

- un bon équilibre entre Décentralisation et déconcentration.

L'application de tels principes est de nature à révolutionner la pensée et l'organisation des espaces qui composent le territoire de l'Etat-Nation et le territoire de la communauté objet de l'intégration sous régionale et continentale.

La place et le rôle de la culture dans l'imaginaire, les représentations et la vie des communautés de base africaines doivent pouvoir, avec l'effectivité de la décentralisation, donner une nouvelle chance aux politiques culturelles dans un monde polycentrique.

En effet responsabilité et initiative, innovation et créativité sont les adjuvants de toute politique de transfert de pouvoirs aux collectivités locales. Il en résulte que celles-ci auront à cœ;ur de construire leur existence locale et leur intégration à d'autres " cercles concentriques " en sauvegardant leur différence et la diversité sans laquelle il n'y ni terroir ni sens à la notion de solidarité, base de tout processus d'intégration. Dans ces conditions de la décentralisation à l'intégration les politiques culturelles peuvent trouver ou retrouver leur fonction essentielle : être des instruments régulateurs entre le local et le global entre les tendances unificatrices et la nécessaire diversité tant en ce qui concerne l'intégration sous régionale que pour les perspectives de mondialisation de ce nouvel objet du savoir qu'est le monde polycentrique.



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