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Date :  2002-10-10
langue :  Français
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Le partage critique des mondialisations via une éducation interculturelle appropriée

Contribution à la Conférence du P.E.S. à Copenhague le 10 octobre 2002


«Faire en sorte que «la mondialisation» marche pour tout le monde» ? [Make globalisation work for all ?]

Je ne connais pas de martingale au problème ainsi posé en général, mais j’ai la conviction qu’il est impératif, pour bâtir cette perspective et pas seulement la rêver, de convoquer la dimension éducative, pédagogique et interculturelle, et de mettre en évidence l’importance décisive que revêt cette dimension dans un tel processus.

En effet, le titre proposé pour notre Conférence suppose une fois de plus que «la mondialisation», désignée au singulier par l’article défini, serait quelque chose de bien connu sur quoi il s’agirait seulement d’agir (par la politique et dans l’économie) afin d’en infléchir positivement le sens en faveur du plus grand nombre.

Mais cette perspective gomme complètement un problème qui se situe en amont, et dont la résolution est cependant incontournable. Ce problème est de s’assurer que ce que l’on met sous l’épithète générique de « mondialisation » possède effectivement une valeur (une acception ?) commune et largement partagée, et que l’on peut construire sur la définition ainsi posée. Pourtant, cette idée n’est encore qu’un vœu non réalisé (wishful thinking, dit-on), tandis que ce qui occupe le cœur du prétendu «débat sur la mondialisation» n’est que la confusion sur son concept, sur ses origines et sur ses caractéristiques contemporaines.

Dans ces conditions, il apparaît inévitable de concevoir une véritable éducation aux mondialisations, dont l’objectif minimal serait de constituer un «socle de connaissances» irréfutable à leur propos, ainsi que de forger les outils permettant de mettre ces connaissances au service d’un projet tel que «Faire en sorte que «la mondialisation» marche pour tout le monde».

À cet égard, éduquer aux mondialisations, ce n’est certainement pas élaborer une nouvelle discipline contingente réservée aux experts (un compartiment spécialisé de la géopolitique?), mais c’est au contraire renouer avec l’esprit de l’éducation républicaine (aussi bien populaire qu’universitaire) qui considère que rien n’est possible d’important dans le champ politique (et scientifique) sans une appropriation critique par le citoyen des questions dont il est saisi, et que tout redevient possible dès lors que cette condition préliminaire de formation et d’auto-formation du jugement est satisfaite.

Pour répondre au défi qui est aujourd’hui adressé par cette Conférence, je poserai donc qu’une éducation interculturelle (pensée, revendiquée et mise en œuvre comme telle) apparaît comme une réponse nécessaire, même si elle n’est bien sûr pas «suffisante». Mais comment qualifier une telle nécessité et lui donner la substance et les moyens ad hoc?

Je soumets, dans cette perspective, 10 propositions d’orientations qui pourraient constituer, le cas échéant, si elles étaient relayées sur un plan politique, autant de chantiers à engager de manière résolue à l’échelle européenne (certains de ces chantiers étant déjà en état d’avancement) :

1) Introduire, dès le premier cycle d’enseignement, la problématique des mondialisations dans les écoles, et situer la place et le rôle de l’Union Européenne dans ces mondialisations ;

2) Contribuer, dès le second cycle et par des enseignements appropriés (au sein des classes de philosophie, d’histoire, de géographie, d’économie, de langues…), à une dé-privatisation des concepts de «mondialisation» et de «globalisation» ;

3) Contribuer à faire entendre une autre voix que la voix «morale» d’un débat compromis a priori, celui qui prétend ne laisser le choix qu’entre se déclarer «pour ou contre la mondialisation» ;

4) Apprendre à lire et analyser sur un mode critique «les actualités» d’incidence mondiale diffusées par les médias, et à interpréter les conflictualités qu’elles révèlent (effets d’injustice sociale, de paupérisation, de migrations, de repli identitaire, de dégradation environnementale) ;

5) Procurer au citoyen, à l’écolier, à l’étudiant, aux professionnels de tous les horizons : les repères et les outils critiques d’une réappropriation individuelle et collective du monde en mutation ;

6) Enseigner l’histoire des mondialisations et resituer au sein de cette histoire la vague des mondialisations en cours depuis une vingtaine d’années, en particulier celle qui se donne sous la figure dominatrice, exclusive, voire impériale de « la globalisation » économique, financière, industrielle et informationnelle ;

7) Mettre ainsi en perspective les mondialisations, non seulement dans le temps, mais aussi dans l’espace : l’espace des mondialisations diverses (plurielles, sectorielles, et parfois contradictoires) qui adviennent dans un même monde, dont les nouveaux clivages doivent être identifiés ;

8) Eduquer à l’analyse et au partage critiques des mondialisations en cours dans un cadre interculturel, transdisciplinaire et transnational, en particulier à l’occasion de recherches et de projets communs menés par des étudiants et des organismes scientifiques et académiques européens ;

9) Introduire, dans tous les cursus de l’enseignement supérieur universitaire, une «formation [propédeutique] à la prise en compte des mondialisations», qui permette aux étudiants de procéder à une évaluation générale des mondialisations affectant leurs disciplines et métiers d’élection ;

10) Constituer un «centre de ressources pédagogiques multimédia», destiné, en particulier, à satisfaire les besoins des pédagogues et formateurs (et de leurs publics) sur la question des mondialisations : une mise à disposition gratuite, interactive et simple des contenus (informations et analyses), avec accès multilingue et actualisation permanente, sans barrières technologiques ou sociales à l’entrée.

Pour finir, 2 types de réalisations œuvrant dans le sens de ces propositions :


- 1. Le site Web www.mondialisations.org :

Lancé en janvier 2001, ce site offre au public sans aucun «péage» près de 4500 documents essentiels pour comprendre ce que les mondialisations signifient aujourd’hui sous leurs différentes figures. Le site Internet du GERM a pour objectifs, d’une part, d’assurer une diffusion internationale des travaux de son réseau, d’autre part, de stimuler ces travaux par la création d’un espace éditorial et d’outils innovants en rapport avec les problématiques étudiées. Il est accessible en 5 langues (espagnol, anglais, portugais, allemand et français), et propose les rubriques suivantes :

1. Un dictionnaire critique des concepts et expressions liés aux mondialisations, sous forme d’articles rédigés par des membres du GERM (une première édition papier est disponible en français depuis janvier 2002 – traductions à venir) ;

2. Une revue de presse multilingue, offrant déjà près de 1700 articles, originaires de plus de 350 sources internationales différentes ;

3. Des rubriques thématiques sur l’actualité des mondialisations (Union Européenne, Diversité culturelle, OMC, ZLEA, Forums de Davos et de Porto Alegre, Développement durable et Pauvreté), fournissant des « dossiers » composés d’articles, documents et liens indispensables ;

4. Des études, «papers», mémoires, rapports et monographies ;

5. Des annonces de colloques, forums, séminaires, programmes de recherches, offres de partenariat, etc.

6. Des déclarations et documents officiels internationaux (projets de traités, décisions multilatérales, chartes et conventions internationales, etc.).

Ce site, élaboré avec le soutien du programme Leonardo da Vinci de l’UE, sera fortement développé d'ici la fin 2003, dans une perspective pédagogique et d’auto-formation, en direction des établissements d'enseignement secondaire, des universités et des organismes professionnels.


- 2. Le projet de l’Université Européenne de la Culture (UEC) :


Proposée par les philosophes Jacques Poulain et Heinz Wismann, et soutenue par de nombreux intellectuels européens, l'Université européenne de la Culture vise à intensifier l’effort des disciplines philosophiques, littéraires, artistiques et de la communication en forgeant, dans l’espace européen de l’enseignement supérieur, une intelligence de la culture qui accompagne les innovations scientifiques, techniques, industrielles aussi bien qu’artistiques, qui puisse être transmise aux centaines de millions de citoyens européens. L'objectif de cette Université Européenne de la Culture est ainsi de promouvoir l’espace d’une élaboration intellectuelle directement liée aux disciplines de la création artistique et littéraire, de la critique philosophique et d’une diffusion des connaissances et des moyens permettant d'assurer à chacun l'intelligence des conditions d’invention culturelle dans tout l’espace social, bref de permettre à chacun de transformer ses modes de communication en formes de vie (cf. note détaillée).


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