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Date :  2020-04-15
langue :  Français
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La crise du COVID-19 : Pas de retour à la "normalité" du capitalisme !

Déclaration de membres du Conseil Scientifique d'Attac Allemagne

Source :  Attac Deutschland


L'épidémie de COVID-19 n'est pas seulement une catastrophe humanitaire, mais le plus grand choc pour le capitalisme depuis la Grande Dépression de 1929 et ses suites. Si les populations du Sud sont depuis longtemps confrontées au chaos, perte de contrôle et à l'état d'urgence, maintenant c’est au tour des pays riches de découvrir toutes ces situations. Si face au déchaînement de l'épidémie en Chine l'Occident a fait preuve d’une méconnaissance et d’une suffisance confinant à la fatuité, cette épidémie le confronte aujourd'hui à une vulnérabilité, voire à une impuissance qu’il n’avait jamais connues.

Avant le COVID-19, le monde était déjà sous l’emprise d’innombrables crises : la catastrophe climatique et environnementale, la militarisation et le danger croissant de guerre, la montée des forces de droite, la fracture entre riches et pauvres, et tous les autres ravages de la mondialisation néo-libérale, particulièrement visibles dans les retombées de l'austérité et de la privatisation des services d’intérêt général, en premier lieu
dans le secteur de la santé.

La faillite du capitalisme néolibéral se révèle quand les dogmes s’effondrent l’un après l’autre dans la gestion de la crise. La « règle d’or » est morte. L'argent n’est plus un problème, on déverse des milliers de milliards pour des plans de sauvetage. Les banques centrales ont ouvert les vannes sans aucune limite. Ce qui était hier diabolisé - nationaliser ou rétablir la souveraineté nationale sur certains secteurs économiques
- devient une nécessité qui va de soi.

Cette situation offre des chances de ne plus penser seulement en termes de gestion de crise à court terme, mais d’aborder aussi les grands problèmes sociaux, les questions d'avenir et les grandes alternatives. L'ampleur de la catastrophe n'est pas encore prévisible. Mais le pire est sans doute encore à venir. En Inde, au Brésil et dans les pays africains, l'épidémie pourrait prendre des dimensions apocalyptiques. Elle s'ajoute
maintenant aux crises déjà existantes et les rend infiniment plus aiguës. Les marchés réagissent de manière irrationnelle : des entreprises nécessaires à la vie de tous les jours font faillite, et parallèlement les cours de la Bourse montent. À tous les échelons, depuis les municipalités jusqu’à l'ONU, la crise phagocyte la capacité de la politique à résoudre les problèmes, et hypothèque des ressources et un temps précieux qui font défaut ailleurs.

La société civile de gauche, y compris Attac, doit à la fois trouver des moyens d'intervention à court terme pour gérer la crise et élaborer des perspectives viables pour la période post-épidémique. Pour les dominants, le mot d’ordre est clair : « Tout changer pour que rien ne change. » Nous devons au contraire nous battre pour qu'il n'y ait pas de retour à la "normalité" néolibérale du statu quo ante.

Répartition inégale du fardeau de la crise
Dans la société de classes, le fardeau des crises est très inégalement réparti. Il est déjà clair qu'il y aura de graves déséquilibres sociaux. Les salariés, et parmi eux des groupes particulièrement vulnérables comme les travailleurs précaires, les pauvres, les sans-abri et les réfugiés, sont particulièrement touchés. Le chômage monte en flèche. La survie économique d'innombrables petites et moyennes entreprises et de prétendus auto-entrepreneurs est en jeu. Les syndicats, les associations, la Linke et le SPD, ainsi que divers groupes
d'Attac, ont déjà formulé beaucoup de revendications pertinentes visant à atténuer les conséquences sociales de la crise.(1)
Les choses se compliquent avec les mesures macro-économiques et financières, dont certaines sont controversées même au sein de la gauche, comme les euro-bonds. Il serait judicieux de formuler en ce domaine des critères permettant de juger si ces mesures ne font que se conformer aux marchés (financiers) et/ou à la croissance classique – et dans ce cas elles auraient un effet stabilisateur sur le système - ou si elles ont au contraire un potentiel de transformation, c'est-à-dire sortent de la dynamique des marchés (financiers) et de la croissance illimitée.

Plan Marshall pour le Sud
De même, les conséquences de la crise sont très inégalement réparties entre pays pauvres et pays riches. En période de pandémie, la solidarité internationale ne consiste pas à stocker des ressources exclusivement à l’échelon national (ou européen). Le respirateur est devenu pour de nombreux gouvernements et pour la Commission européenne ce qu’est pour beaucoup le papier toilette. Le caractère global de l’épidémie exige
également des réponses globales. On pourrait commencer par un centre de crise international onusien, avec accès au financement selon le fameux what ever it takes de Mario Draghi, garanti par la FED, la BCE et les autres banques centrales des pays industrialisés, une annulation de la dette des pays pauvres fortement endettés, ainsi qu’une sorte de plan Marshall pour le Sud.

Entre les secteurs économiques, les cartes sont rebattues
Les cartes sont également rebattues entre les différents secteurs du capitalisme. Les grands gagnants sont d’ores et déjà l'industrie pharmaceutique, les technologies médicales, et bien sûr le numérique et Big Data. Seront donc renforcés des secteurs déjà fortement concentrés et qui forment l'avant-garde du capitalisme. Face à cette situation, la crise doit être l'occasion de placer au moins une partie de l'industrie pharmaceutique sous le contrôle de la société et de limiter le pouvoir des multinationales du numérique par le biais d'une
politique anti-trust moderne.
Comme actuellement de nombreux droits fondamentaux sont eux aussi en quarantaine, il ne suffira pas de les rétablir une fois l'état d'urgence levé. Les applications de Corona tracking, par exemple, étant de mieux en mieux accueillies, il faut une réglementation plus stricte des systèmes de données publics et privés. Il est également nécessaire de revoir après coup les pratiques policières illégales.
Sur les marchés financiers, les principaux bénéficiaires sont actuellement les investisseurs institutionnels, dont le business repose sur l'instabilité et l'incertitude, la vente à découvert et les produits dérivés complexes. Dans l'ensemble, cependant, le secteur financier est très vulnérable. Si les chaînes de crédit commencent à rompre par suite de la crise économique, il y a un risque de crash. On peut supposer que dans ce cas les
banques seront sauvées une fois de plus, mais ensuite il sera d’autant plus urgent de réclamer qu’on en finisse avec l’économie-casino.
D'autres secteurs, dont le tourisme, l'aviation et l'industrie automobile, seront parmi les perdants, du moins à court terme. Il est donc d'autant plus important que la crise devienne une occasion d'initier une conversion de ces branches en faveur de la transition sociale et écologique – en promouvant la justice sociale, s’entend.

Le virus comme catalyseur d'un nouvel ordre mondial
D'un point de vue géopolitique, la crise va encore affaiblir la position des États-Unis et de l'UE et donc l'axe atlantique. La Chine en sortira plus forte. Alors que les dirigeants continuent à miser sur les rapports de force et la rivalité, "l’apprentissage de la langue du pouvoir" (Ursula von der Leyen) et la puissance militaire, nous devons nous engager pour un ordre international fondé sur la coopération, la détente et le multilatéralisme,
sans prétentions à la supériorité.
Nous avons avant tout besoin de désarmer. L'humanité ne peut plus se permettre de gaspiller de gigantesques ressources scientifiques, techniques et économiques au service du militarisme. Le désarmement réduit également la consommation de ressources. Les moyens libérés sont nécessaires pour lutter contre cette pandémie et les suivantes et pour la transition sociale et écologique - non seulement dans notre petite paroisse, mais sur toute la planète.

Beaucoup d'efforts d'analyse à faire
Les citoyens de gauche, Attac, nous tous, n'avons pas encore suffisamment analysé cette crise ni celles qui les ont précédées. Nous restons sans réponse face à de nombreuses questions, que nous ne posons pas toujours avec toute la radicalité qu’il faudrait. Dans ce texte bref, nous n'avons sûrement pas non plus abordé tous les aspects pertinents. Nous avons de gros efforts à faire - y compris dans le domaine intellectuel - si la gauche veut jouer un rôle politique à la fin de la crise du coronavirus.


8 avril 2020

Alex Demirović, Ulrich Duchrow, Andreas Fisahn, Birgit Mahnkopf, Thomas Sablowski, Peter Wahl


(1)
https://www.attac.de/was-ist-attac/strukturen/gremien/kokreis/stellungnahmen/corona-2-april-2020/
https://www.attac.de/kampagnen/gemeingut-wohnen/wohnen-und-corona/
https://www.attac.at/kampagnen/die-corona-krise-solidarisch-bewaeltigen


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