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Date :  2018-06-11
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Afonso Dhlakama, le légendaire politicien et ex-guérillero du Mozambique est mort

Source :  GlobalVoices

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Afonso Dhlakama en campagne électorale avec la Résistance nationale mozambicaine à Maputo, au Mozambique, pour les élections de 2014. Photographie : Adrien Berbier / Flickr CC BY-SA 2.0


Sauf indication contraire, tous les liens renvoient à des textes en portugais.

Le 3 mai 2018, le Mozambique et le monde ont appris qu’Afonso Dhlakama [fr], l'un des politiciens les plus influents du Mozambique, n'est plus.

L'ancien combattant de la guérilla et leader de la Résistance nationale du Mozambique [fr] (RENAMO), le plus grand parti d'opposition, est mort des suites de problèmes de santé à un des moments les plus importants de l'histoire du pays : les négociations de paix.

Pendant plus de 40 ans, Dhlakama a dirigé la RENAMO, une organisation de guérilla armée fondée en 1977 et soutenue par les gouvernements anti-communistes de Rhodésie voisine (maintenant le Zimbabwe) et d'Afrique du Sud, qui a combattu dans une guerre civile qui a dévasté le Mozambique pendant 16 ans.

En 1992, la plupart des membres du groupe ont déposé les armes et ont constitué un parti politique qui, jusqu'à présent, n'a jamais réussi à gagner une majorité parlementaire à l'Assemblée du Mozambique ou à battre le Front de libération du Mozambique (FRELIMO) pour le poste de président.

En 2012, les tensions croissantes avec le gouvernement ont conduit la RENAMO à reprendre les armes et à se déplacer vers les forêts des monts Gorongosa (dans la province de Sofala) où Dhakama s'était réfugié depuis 2015.

Parmi les principales revendications de la RENAMO, il y a la décentralisation du pouvoir qui nécessite, entre autres, l'élection des gouverneurs de province, actuellement nommés par le président. Ce projet a déjà progressé avec l'approbation de la révision constitutionnelle tenant compte de la proposition de la RENAMO.

Un cessez-le-feu a été annoncé en décembre 2017, mais la mort du dirigeant de la RENAMO laisse l'avenir du pays incertain, étant donné qu'il était la seule personne à négocier directement avec le président Filipe Jacinto Nyusi [fr].

L'absence d'un successeur évident pèse maintenant sur le parti, une conséquence du style autoritaire du défunt leader. Le général Ossufo Momade [fr], député au parlement et actuel chef du Département de la défense de la RENAMO, a récemment pris la tête du mouvement.

La RENAMO et le FRELIMO semblent tous deux déterminés à poursuivre le processus de paix. Le président Nyusi a précisé que tout continuerait comme prévu dans le cadre des négociations de paix. Momade a déclaré que la meilleure façon d'honorer Dhlakama serait de conclure les négociations et de décentraliser le pouvoir.

Le jour de la mort de Dhlakama, une message du président Nyusi indiquait que celui-ci avait fait tout ce qu'il pouvait pour prolonger la vie d'Afonso Dhlakama, notamment en demandant l'aide des pays voisins d'Afrique du Sud et du Zimbabwe pour organiser un éventuel séjour médical.

Dans son éloge funèbre, le 9 mai, dans la ville de Beira, Nyusi a déclaré :

« Il doit être clair que je continuerai le processus de paix avec la nouvelle direction du parti de Dhlakama, en respectant toujours le cadre légal et constitutionnel. Nous honorerons sa mémoire si nous parvenons à conclure de manière responsable et rapide le dialogue politique désormais centré sur le processus de décentralisation, la démobilisation et la réinsertion sociale des combattants de la Renamo. »

La présence du président de la République aux funérailles de Dhlakama et la tenue d'une cérémonie officielle ont reçu des louanges de divers côtés, comme de la part de Manuel de Araújo, membre de la troisième plus grande force politique du Mozambique (MDM) :

« Son discours a été impeccable, respectueux et digne non seulement pour lui personnellement, mais aussi pour la fonction qu'il exerce. Le Mozambique, notre patrie commune, est sorti gagnant. Devant un public hostile, Nyusi a pu obtenir, si ma mémoire ne me trahit pas, trois moments d'applaudissements, tous se référant au grand homme et patriote qu'était Afonso Dhlakama ! »

Héros ou méchant ?

Les opinions divergent sur l'héroïsme de Dhlakama, dans un débat amplifié par le fait que presque tous les héros nationaux actuels viennent du FRELIMO, le parti au pouvoir.

Ce fait a été souligné par la journaliste et commentatrice politique Fátima Mimbire :

« Le leader de la Renamo, Afonso Dhlakama, était un héros pour certains et un méchant, peut-être même le diable, pour d'autres. Les raisons de le considérer comme l'un ou l'autre sont justes.

Certains le détestaient parce qu'il a déclenché une guerre qui a tué des milliers de Mozambicains. D'autres ont vu leurs maisons détruites, des proches tués. J'ai moi-même eu des proches qui sont morts, des cousines ​​ont été violées. Ce sont des choses qui arrivent dans une guerre, où les droits sont suspendus. Certains ressentent toujours cette douler et c'est juste. D'autres ont tourné la page et ont tout laissé au jugement de Dieu.

D'autres l'aiment, l'admirent et le voient comme un héros, non pas pour les armes qu'il brandissait, mais pour la capacité qu'il avait à affronter le système oppressif du FRELIMO. Oui, oppressif. Il a réussi à plusieurs reprises à mettre le FRELIMO à genoux et peut-être que notre situation n'est pas pire dans ce pays en raison de sa capacité à défier l'establishment. »


Juma Aiuba, un commentateur influent sur Facebook, a déclaré que Dhlakama resterait dans les annales de l'histoire du Mozambique :

« Dire que la mort d'Afonso Dhlakama est une régression pour la démocratie est une grande ingratitude. Dhlakama a déjà semé, arrosé et la plante a poussé. Si demain la plante mourait, la faute ne sera pas la sienne. C'est maintenant que le vrai leadership de Dhlakama se montrera, parce qu'après tout, les vrais leaders se rendent inutiles. C'est-à-dire que le travail d'un grand chef se manifeste lorsqu'il s'absente. Autrement dit, l'oeuvre d'un grand chef ne meurt pas avec le chef. L'« ouvrier » ​​meurt, mais l'oeuvre reste et continue. Le messager meurt, mais le message reste et se propage. »

Bitone Viage, étudiant et faiseur d'opinion sur les médias sociaux, a soutenu l'idée que Dhlakama mérite le statut de héros national :

« Dhlakama a été victime d'une histoire racontée par des pseudo-historiens.

Dhlakama était une légende, les plus grands criminels ont été ceux qui ont écrit notre histoire, coupables de blanchir les faits afin de sauver les intérêts de ceux qui leur ordonnaient de dire les faits à la lumière de leurs intérêts. Les pseudo-historiens ont déformé notre histoire et avec la mort de Dhlakama, il est devenu plus difficile de savoir qui mérite vraiment le statut de héros.

L'héroïsme de Dhlakama a été nié par la façon dont notre histoire a été racontée et par conséquent la définition de l'héroïsme a été faite pour accommoder les intérêts de ceux qui ont été glorifiés comme les vainqueurs d'une histoire mal racontée. »


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