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Date :  2017-01-13
langue :  Français
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L’éthique est-elle extérieure à la science ?

Discours de Christian Byk


S’exercer à réfléchir à cette question suppose de préciser le contenu des notions d’éthique et de science mais aussi de s’interroger sur leurs limites et leur proximité car la vraie question est, me semble-t-il, de savoir s’il existe ou non une interaction possible et souhaitée entre éthique et science.

Pour l’éthique, nous ferons nôtre la distinction de Paul Ricoeur « réservant le terme d’éthique pour la visée d’une vie accomplie et celui de morale pour l’articulation de cette visée dans des normes » (Soi-même comme un autre, lectures I, Ethique et morale, 1990)

Et de la science, nous dirons « en bref, qu’elle est à la fois un travail de la pensée et un contenu de connaissance ... mais (que) cette part de sa réalité est inséparable de ses effets, qui très souvent ont nom aujourd’hui technologie et pouvoir » (M.Paty, Problèmes d’éthique et de science, Raison Présente (Paris),1997, troisième trimestre, juillet-août-septembre, p 102).

Activité organisée d’acquisition des connaissances par dépassement des connaissances acquises, la science est sans limite puisqu’elle se nourrit d’une démarche de questionnement perpétuel.

Il n’en est pas autrement de l’éthique puisque « vivre une vie bonne avec et pour autrui dans des institutions justes » (P.Ricoeur,id.) impose à notre conscience de se confronter dans l’action aux normes sociales car « les frontières du bien sont incertaines, alors que les commandements fondamentaux sont clairs » (P.Ricoeur, ibid.).

S’il y ainsi deux démarches de questionnement, celles-ci s’ignorent-elles pour autant ?
Ma réponse est, d’évidence, négative car l’histoire de l’humanité nous montre que les liens entre science et éthique sont anciens mais surtout que la société qui se construit aujourd’hui justifie que cette relation se prolonge et se renforce.

Il n’ y a point de science sans société car la science n’est pas « connaissance absolue, intemporelle et neutre par rapport aux débats des hommes et aux vicissitudes de leur histoire sociale » (Paty,id.p 104). Ne nous méprenons pas cependant sur cette affirmation. Elle ne signifie pas « pour autant que (la science) soit une pure construction sociale, dont les contenus seraient d’importance secondaire et pourraient être ignorés ou dissous dans la critique des conditions d’élaboration des énoncés » (Paty, p 104). Il ne s’agit pas, en effet, de remplacer le scientisme réductionniste par un sociologisme relativiste mais de reconnaître que l’environnement historique et social a une influence sur la manière de penser la science et les conditions de son exercice , notamment au regard du choix de priorités et de la condition sociale du chercheur.

En fait, le rapport entre éthique et science pourrait bien se résumer, à l’instar des rapports entre philosophie et science, à trois figures se présentant sous la chronologie suivante :

1°« comprenant toutes les autres (sciences), la philosophie, à elle seule, mènerait à la connaissance universelle (et) les sciences ne seraient dès lors que des parties, des chapitres de la philosophie ». (E.Durkheim, La science et la philosophie, lecture 3,1884, Cours de philosophie fait au Lycée de Sens, Bibliothèque de la Sorbonne, Manuscript 2351. ),

2° A l’inverse , soutenu par A.Comte, il y a l’idée que « la philosophie n’a pas d’existence propre et n’est que le dernier chapitre des sciences positives, la synthèse de leurs principes les plus généraux » (E.Durkheim ,id.),

3° Durheim (ibid.) nous donne enfin une troisième thèse : « la science qui étudie les lois de la connaissance, c’est la philosophie. Elle se trouve donc ainsi placer au centre auquel viennent converger toutes les sciences, parce que l’esprit lui-même est placé au centre du monde de la connaissance ». En outre, « La philosophie emprunte aux autres sciences un grand nombre de faits sur lesquels elle réfléchit et qui servent à faciliter l’explication de son objet » tandis qu’elle « voit à quelles conditions les méthodes des sciences doivent être soumises pour donner des résultats justes ».

Peut-être découvrira-t-on alors qu’éthique et science ont en commun de conduire une approche apaisée de la vérité. « Une attitude éthique, à cet égard, n’oblige-t-elle pas (en effet) à tenter de tenir ensemble les exigences d’amour de la vérité et de doute intellectuel sur la vérité ? » (M.Paty,

p 104) car « l’idée fondamentale...que le mot de vérité exprime, c’est celle d’une exigence qui nous oblige à dépasser l’immédiateté, la facilité, l’apparence, pour respecter "ce qui est" » (id.p 105).

L’éthique est ainsi une dimension intérieure de la science mais les scientifiques n’étant pas possesseurs de la vérité qu’ils nous transmettent, la question de l’éthique des sciences est aussi une question éminemment sociale.


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