La Chine a lancé la construction de 22 nouveaux réacteurs sur son territoire. Frederic J. Brown/AFP
• La Russie
Le pays se classe deuxième pour la construction de nouveaux réacteurs (6,5 gigawatts), derrière la Chine, et troisième producteur mondial d’électricité nucléaire. Le nucléaire est l’une des priorités de la politique industrielle russe, et l’une des seules technologies à haute valeur ajoutée exportée par ce pays.
Héritage de l’ère soviétique et du dynamisme scientifique de l’époque, la filière cristallise les ambitions de la Russie, tant pour satisfaire des besoins importants du fait d’un climat rigoureux et d’une faible efficacité énergétique, que pour renforcer son influence sur la scène internationale.
Dans sa dernière stratégie de politique énergétique, elle affiche la volonté de faire progresser la part du nucléaire dans la production d’électricité, de 17 % actuellement à 30 % en 2030, et veut conforter sa position de premier exportateur de technologies nucléaires. La crise économique que traverse le pays depuis 2014 freine néanmoins la poursuite de ces objectifs.
• Les États-Unis
Il s’agit du principal producteur d’électricité nucléaire, et du troisième État en matière de développement des capacités de production (5 gigawatts en construction en 2016). Cette situation résulte de la décision de maintenir une filière favorisant l’indépendance énergétique du pays, d’autant plus du fait d’une demande très élevée : les États-Unis sont le deuxième consommateur mondial d’électricité derrière la Chine.
Les trois quarts des réacteurs américains ayant déjà fait l’objet d’une prolongation de leur durée de vie au-delà des quarante ans prévus initialement, c’est avant tout pour les remplacer que les capacités de production sont renforcées. La décision de relancer les investissements a été prise par le président Bush en 2005, afin de retrouver un savoir-faire en déclin et de faire face aux prix élevés des hydrocarbures.
Si la filière a été fragilisée après Fukushima et avec l’essor des hydrocarbures non conventionnels comme les gaz de schiste, elle a été confortée par les dernières orientations de la politique énergétique américaine. Celle-ci en fait un outil de relance industrielle et vise à réintégrer les États-Unis dans la lutte contre le réchauffement climatique.
• La France
C’est l’un des acteurs majeurs du nucléaire – 76 % de l’électricité produite en France provient de cette source d’énergie – qui, même s’il ne figure pas au premier rang en termes d’unités en construction, participe de la relance à travers l’activité de plusieurs de ses grandes entreprises (Areva en Chine et en Finlande, éventuellement EDF au Royaume-Uni).
Les gouvernements successifs n’ont pas explicitement tranché sur l’avenir de la filière en France, mais son poids économique, avec 125 000 emplois directs, laisse à penser que les investissements devraient se poursuivre au début de la prochaine décennie, au moins pour remplacer les réacteurs ayant atteint leur durée maximale d’exploitation.
Les reports répétés des arbitrages de l’État en la matière témoignent de la situation délicate d’un gouvernement contraint par des promesses politiques difficiles à tenir à l’épreuve du pouvoir. Le nucléaire est un des fondements de la doctrine d’indépendance stratégique de la France et aussi un des rares leviers de politique économique dont l’État dispose encore.
• Et aussi…
Pour terminer, mentionnons ces « champions du nucléaire » qui s’ignorent : si la France consomme une grande partie de l’électricité nucléaire qu’elle produit, elle en est aussi le premier exportateur européen… notamment vers l’Allemagne, l’Italie ou la Suisse.
L’impact des accidents de Tchernobyl et de Fukushima est donc à nuancer lorsque l’on considère le développement d’une filière bénéficiant d’avantages économiques et d’arguments de lutte contre le réchauffement climatique. En revanche, les conséquences de ces évènements sont claires dans le domaine de la sûreté, avec la diffusion de « retours d’expérience », le relèvement des exigences… et des coûts de la filière.
Marie Dégremont, Chercheur en sciences politiques au Centre de sociologie des organisations, Sciences Po – USPC
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.