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Date :  2016-05-02
langue :  Français
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Un fédéralisme néolibéral sans contrôle démocratique


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L’Union européenne (UE) est un objet politique sans équivalent dans le monde. Entre autres caractéristiques, il combine des dispositifs très puissants et des éléments de fragilité. Et cela tient pour partie à son caractère inachevé, c’est-à-dire à la tension structurelle – et voulue comme telle par le traité de Rome de 1957 – entre deux logiques institutionnelles, l’une fédérale et l’autre intergouvernementale, dans un rapport de forces entre elles qui varie selon la conjoncture.

En bientôt six décennies, la Communauté économique européenne (CEE) de 1958 – devenue Union européenne (UE) en 1993 – s’est affirmée comme un bloc de plus en plus intégré répondant à l’objectif initial des traités d’une « union sans cesse plus étroite ». Mais cet objectif a pris la forme d’un projet idéologique particulier, et qui aurait pu être tout autre : celui de l’unification par le marché, avec la concurrence « libre et non faussée » (et non pas la coopération), comme principe organisateur. Un projet néolibéral, pour reprendre un terme seulement devenu d’usage courant à la fin des années 1970.

Les traités successifs ont progressivement renforcé ou élargi les pouvoirs des institutions de type supranational de l’UE – la Commission, la Cour de justice et le Parlement européen – sans pour autant diminuer ceux du Conseil où se retrouvent les gouvernements nationaux. Ces derniers demeurent les décideurs en dernier ressort, mais ils ont utilisé leurs pouvoirs pour s’auto-amputer d’une partie croissante de leurs prérogatives au profit des institutions sur lesquels ni eux ni les citoyens n’auront plus aucune prise. Dans des domaines cruciaux (politiques monétaire, commerciale, budgétaire et fiscale), s’est ainsi mis en place un fédéralisme néolibéral, sans aucun contrôle démocratique par les Parlements nationaux, voire par le Parlement européen.

Dans les opinions publiques, le sentiment d’avoir affaire à une forteresse hostile provoque un fort rejet de tout ce qui, de près ou de loin, émane de « l’Europe » ou de « Bruxelles ». Et, faute de véritable espace public européen, ce rejet ne peut qu’utiliser les opportunités qu’offrent les agendas nationaux. C’est ainsi que, lors du référendum consultatif du 6 avril dernier, rendu obligatoire par une pétition ayant recueilli plus de 300 000 signatures, les Néerlandais ont rejeté à 61 % l’accord d’association UE-Ukraine dont le contenu n’intéressait pratiquement personne. Autrement plus lourd de conséquences serait un « non » des Pays-Bas au Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TTIP en anglais) si un référendum avait lieu sur ce sujet. Et la collecte des signatures est en cours… Quant au référendum britannique du 23 juin prochain sur le Brexit imprudemment décidé par David Cameron, et quel qu’en soit le résultat, il témoignera d’une réelle défiance à l’égard de « l’Europe ».

Sur des sujets qui varient d’un pays à l’autre, les gouvernements sont à juste titre considérés comme responsables des politiques européennes – puisqu’ils les ont décidées en Conseil – et sanctionnés par les électeurs. L’argument classique « C’est la faute à Bruxelles » ne convainc plus les citoyens. C’est une bonne chose que le sentiment populaire rejoigne ainsi la réalité des dispositions institutionnelles. En bonne logique, la question européenne devrait donc figurer en tête de tout programme électoral national et le structurer. On n’en est pas encore là, mais on n’y échappera pas. La « forteresse Europe » pourrait bien ne pas en sortir indemne…


Continents : 
- Europe   

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