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Date :  2016-04-15
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Un pont britannique pour une Europe divisée

L'Union européenne n'a jamais été très populaire en Grande-Bretagne. Elle a rejoint l'Union sur le tard et le 23 juin, ses électeurs exprimeront leur éventuelle décision de partir plus tôt. Le résultat du référendum ne sera pas juridiquement contraignant pour le gouvernement. Mais il est inconcevable que la Grande-Bretagne décide de rester si le verdict de ses citoyens est de sortir de l'Union.


L'Union européenne n'a jamais été très populaire en Grande-Bretagne. Elle a rejoint l'Union sur le tard et le 23 juin, ses électeurs exprimeront leur éventuelle décision de partir plus tôt. Le résultat du référendum ne sera pas juridiquement contraignant pour le gouvernement. Mais il est inconcevable que la Grande-Bretagne décide de rester si le verdict de ses citoyens est de sortir de l'Union.

Au cours des années, le centre du débat britannique sur l'Europe s'est déplacé. Dans les années 1960 et 1970, la question était de savoir si la Grande-Bretagne pouvait se permettre de nepas rejoindre ce qui était alors la Communauté Économique Européenne. La crainte était que le Royaume-Uni ne soit coupé du marché qui avait alors la croissance la plus rapide du monde et que son partenariat avec les États-Unis soit également mis en péril : l'alliance occidentale devait se composer de deux piliers, et l'Europe, plutôt qu'une Grande-Bretagne amoindrie, serait l'un d'eux.

Aujourd'hui, c'est l'affaiblissement, plutôt que la puissance de l'Europe, qui est au cœur du débat au Royaume-Uni. Les Britanniques estiment qu'ils s'en sortent plutôt bien, contrairement à l'Europe. En effet, depuis le krach de 2008, l'UE est marquée par l'échec. En dehors de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, il n'y a eu presque aucune croissance économique. Elle ne peut pas défendre ses frontières contre les terroristes (« L'Europe n'est pas sûre » proclame Donald Trump). Ses institutions manquent de légitimité. Composée de 28 membres quasi souverains, elle ne peut pas agir, mais seulement publier ses intentions d'agir. Rien d'étonnant à ce qu'un mouvement se prépare pour reconquérir la souveraineté nationale, où persiste encore un pouvoir décisionnel.

Le sort de l'UE se cramponne désespérément à celui de sa caractéristique la plus vulnérable : la zone euro de 19 membres, la monnaie unique qui est au cœur de la stagnation économique. Pour les fonctionnaires de Bruxelles, la zone euro est l'UE. Seuls la Grande-Bretagne et le Danemark ont été autorisés à se retirer. Les autres membres, dont la Suède, sont censés adhérer s'ils satisfont aux critères. La zone euro devait être le moteur de l'union politique. Mais le moteur a calé.

Certes, la crise de 2008 a commencé avec l'effondrement bancaire aux États-Unis. Mais la plupart des pays du reste du monde ont récupéré, contrairement à la plupart des pays européens. Pour en établir les raisons, un récent colloque sur ce thème au Nuffield College d'Oxford s'est concentré sur l'absence d'autorité souveraine capable de protéger l'économie européenne dans son ensemble, contre les crises contagieuses qui éclatent ailleurs dans le monde. Les pièces manquantes à cette souveraineté comprennent un système de transfert fiscal capable de répondre aux chocs asymétriques ; un actif sans risque (euro-obligations) dans lequel stocker l'argent inutilisé ; un système unique pour la surveillance des banques et des marchés des capitaux ; une banque centrale capable d'agir comme prêteur de dernier recours ; et la possibilité d'organiser un programme de stabilisation/récupération à l'échelle de l'UE.

La zone euro a affaibli les États-nations qui le composent, sans créer un État supranational à même de remplacer les pouvoirs que ses membres ont perdus. La légitimité se situe toujours de ce fait à un niveau d'autorité politique qui a perdu les attributs de la souveraineté (comme la possibilité de modifier les taux de change), dont dérive la légitimité.

En attendant, les promesses d'action continuent d'affluer. Le document intitulé Rapport des Cinq Présidents appelle à « réaliser l'union économique et monétaire de l'Europe » comme un prélude à une « union politique ». Mais est-ce le bon ordre de priorité ? Historiquement, l'union politique précède l'union économique et monétaire. Comme ne se lasse jamais de le faire remarquerOtmar Issing, ancien économiste en chef de la BCE, sans un souverain, le processus de transfert de compétences (y compris la politique monétaire), à des niveaux toujours plus élevés va créer un énorme déficit de légitimité.

L'UE a essayé de réaliser l'union politique progressivement, parce qu'il lui était impossible de commencer par elle. En effet, à peine caché dans le « Projet européen » figurait l'attente que les crises successives fassent avancer l'intégration politique. Ce fut certainement l'espoir de Jean Monnet. L'autre possibilité (que les crises aient l'effet inverse et conduisent à l'éclatement de l'union économique et monétaire), ne fut jamais sérieusement envisagée.

Rares sont les citoyens du Royaume-Uni qui souhaitent une évolution rapide vers une union politique, en supposant que cela revienne à combler les lacunes de souveraineté qui paralysent la zone euro. En effet, dans l'accord que le Premier ministre David Cameron a négocié avec les chefs de gouvernement européens comme condition pour rester dans l'Union européenne, la Grande-Bretagne est spécifiquement exemptée de l'engagement à une « union politique toujours plus étroite ». Pourtant sans une union politique, il est difficile de voir comment la zone euro peut être mise en œuvre.

La zone euro va donc probablement se diviser en parties plus compatibles, après de nouvelles tentatives infructueuses de sortir de la crise. On peut imaginer une zone du Nord à monnaie unique, disposant de suffisamment de souveraineté (menée par l'Allemagne ou, plus vraisemblablement, par l'Allemagne et la France agissant ensemble), pour la faire fonctionner, reliée à une zone du Sud par un libre-échange qui ne serait pas soumis aux règles monétaires et budgétaires du bloc du Nord. Plus précisément, les membres du bloc du Sud auraient des taux de change fixes mais ajustables entre eux et l'union du Nord.

Toutefois, il manquerait au bloc du Sud un membre ayant le poids et le prestige nécessaire pour contrebalancer l'Allemagne. Ce membre ne pourrait être que la Grande-Bretagne. Et c'est le principal argument contre le retrait de l'Union européenne : en restant au sein de l'UE, la Grande-Bretagne serait en mesure d'assurer qu'en cas d'éclatement de la zone euro, le processus ne soit pas trop brutal et préserve de toute manière au moins une partie de l'esprit des fondateurs de l'Union européenne. La Grande-Bretagne a beaucoup à craindre d'un divorce acrimonieux, dont elle subira inévitablement les suites douloureuses.

La Grande-Bretagne a toujours joué le rôle d'un pont entre des mondes différents. Elle peut jouer ce rôle dans les deux Europes à venir, mais seulement à condition de ne pas se couper de l'Europe qui existe actuellement.


Pays : 
- Suède   
- France   

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