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Date :  2015-11-06
langue :  Français
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Le changement climatique va-t-il provoquer une augmentation des maladies ?

Le changement climatique a un impact majeur sur l’habitat des animaux, mais quels risques pose-t-il pour la santé de l’homme ?


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Issa Davies / IRIN

Les scientifiques estiment que près de 75 pour cent des maladies émergentes (et réémergentes) qui ont affecté l’homme au début du 21ème siècle ont été transmises par les animaux. Le SIDA, le SRAS, la grippe aviaire H5N2 et la grippe porcine H1N1 figurent parmi ces maladies, dites « zoonotiques ».

Barbara Han, du Cary Institute of Ecosystem Studies (institut Cary pour les études de l’écosystème), dit que les chauves-souris, les porcs et les oiseaux sont des « cuves de mélange » pour les virus Ebola, Hendra, Nipah ainsi que les grippes aviaire et porcine qui peuvent se transmettre à l’homme. A mesure que les animaux sauvages perdent leur habitat en raison de la déforestation, ils entrent en contact plus étroit avec les animaux domestiques et l’homme. Les phénomènes climatiques extrêmes et le réchauffement climatique perturbent aussi l’habitat des animaux, leurs cycles de reproduction et leurs mouvements migratoires.

Les maladies à transmission vectorielle telles que le paludisme, la maladie de Lyme, la dengue, la fièvre du Nil occidental et le chikungunya offrent les exemples les plus manifestes de l’effet du réchauffement climatique sur la propagation des maladies, selon les scientifiques. A mesure que la planète se réchauffe, les moustiques et les tiques porteurs d’agents pathogènes se déplacent plus au nord et favorisent la propagation des maladies dans les pays et les régions jusque-là épargnés, comme les Etats du nord des Etats-Unis, le Canada, la Suède et certaines régions de l’Europe. La dengue touche près de 400 millions de personnes chaque année et jusqu’à cinq ou six milliards de personnes pourraient être infectées par la maladie d’ici 2080, à mesure que les températures continuent d’augmenter, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Outre le déplacement de ces vecteurs vers des régions de latitude et d’altitude plus élevées, certains éléments tendent à prouver que les conditions climatiques plus extrêmes et irrégulières et les événements climatiques catastrophiques tels que les inondations contribuent à la propagation de ces maladies, explique Mme Han.

Augmentation ou baisse des cas de paludisme ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) explique que « la mesure des effets du changement climatique sur la santé ne peut être que très approximative », mais l’agence prévoit qu’environ un quart des 250 000 décès supplémentaires provoqués chaque année par le changement climatique seraient dû à la propagation du paludisme dans de nouvelles régions qui étaient jusqu’ici épargnées.

Il est cependant difficile de dire si le nombre de malades augmente en raison de l’évolution des schémas pathologiques, explique Richard Ostfeld du Cary Institute. « Certains éléments tendent à montrer que lorsque que les maladies à transmission vectorielle se propagent dans les régions du Nord, elles disparaissent aussi des régions très chaudes où les températures deviennent trop chaudes. Par ailleurs, d’autres éléments montrent que le paludisme va régresser ou disparaitre dans les régions qui deviennent trop chaudes ou trop sèches », ce qui pourrait vouloir dire que « il n’y a pas de variation nette du nombre de personnes exposées aux risques », selon M. Ostfeld.

L’équation contient tellement de variables qu’il est extrêmement difficile pour les scientifiques d’établir des liens entre le changement climatique et les maladies. D’une part, il n’y a pas de laboratoire reproduisant l’environnement de la Terre et permettant de réaliser des essais contrôlés. D’autre part, il est difficile de distinguer les informations relevant du changement climatique et celles relevant de la destruction de l’habitat des animaux par l’homme, car les deux phénomènes sont étroitement liés et ont souvent un impact l’un sur l’autre. La déforestation et la plantation d’espèces exotiques ont un impact profond sur l’habitat des animaux, mais l’urbanisation croissante et le développement contribuent également au réchauffement de la planète.

« C’est bien plus compliqué que ce que les gens imaginent », dit Mme Han. « Une partie de la difficulté rencontrée pour informer l’opinion publique sur le changement climatique tient au fait que lorsque l’on aborde la complexité, on risque de perdre l’attention de l’opinion publique. Le fait de simplifier le discours suscite des débats polarisés dans différents agendas », explique-t-elle.

Ebola ?

C’est pour ces raisons que certains chercheurs ont abordé les entretiens avec méfiance. Quelques-uns ont dit sans ambages que l’on ne pouvait pas établir de lien direct entre la récente épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest et le changement climatique – contrairement à ce que certains médias ont rapporté.

D’autres scientifiques ont émis l’hypothèse que les conditions climatiques extrêmes auraient pu jouer un rôle dans l’épidémie : les périodes de sécheresse suivies de fortes précipitations ont favorisé l’apparition des fruits, ce qui a pu provoquer un rapprochement des chauves-souris et des singes et contribuer à la transmission des maladies entre espèces. La déforestation a également pu encourager les chauves-souris à se rapprocher de l’homme pour se nourrir. Une autre hypothèse est que le changement climatique a provoqué un tarissement des sources de nourriture traditionnelles et a contraint les populations à manger de la viande de brousse (une voie de transmission de la maladie), ce qui a favorisé la propagation d’Ebola.

Cependant, Peter Walsh, anthropologue en biologie de l’université de Cambridge, indique qu’il existe très peu d’informations soutenant l’affirmation selon laquelle le changement climatique et l’urbanisation ont pu contribuer à l’émergence d’Ebola, « et bon nombre d’informations la contredisent ».

« La grande majorité des épidémies a été observée dans des régions vraiment isolées et peu densément peuplées », dit-il, avant d’ajouter que s’il existe des preuves d’une « variation saisonnière de la probabilité d’observer une épidémie », il n’existe aucune preuve crédible que « la probabilité d’observer une épidémie a augmenté à cause du réchauffement climatique ».

« La question n’est pas de savoir si, mais comment »

Néanmoins, bon nombre de scientifiques affirment que l’on peut établir un lien entre le changement climatique et la transmission de la maladie à l’homme. Toute la difficulté est d’établir un lien de causalité. Mme Han pense que « il est tout à fait possible d’établir » un lien. « La question n’est pas de savoir si, mais comment », dit-elle.

Il n’est pas étonnant que les chauves-souris frugivores suscitent beaucoup d’intérêt en Australie, où l’évolution de leur mode d’alimentation, qui pourrait être dû au changement climatique, a été liée à la propagation du virus Hendra qui a causé la mort de chevaux et d’hommes. Le virus Nipah, également transmis par les chauves-souris frugivores, a été transmis à des porcs et à l’homme en Malaisie et a provoqué plusieurs décès.

« Nous disposons de preuves solides qui montrent que le changement d’utilisation des terres et la destruction des habitats ont sensiblement modifié le mode d’alimentation des chauves-souris frugivores – les roussettes – en Australie », explique Raina Plowright, chercheuse en écologie des maladies infectieuses à l’université de l’Etat du Montana. Les chauves-souris frugivores qui se nourrissent du nectar des eucalyptus en temps normal se nourrissent désormais de fruits moins nutritifs poussant sur des arbres plantés dans des enclos à chevaux et des zones péri-urbaines et urbaines, explique-t-elle. « Le changement climatique a un impact sur le floraison de l’eucalyptus, mais nous n’avons pas d’algorithmes pour établir un lien direct entre le changement climatique et les modes de floraison ».

Mme Plowright ajoute que l’interaction entre la perte des habitats et le changement climatique compliquent la situation. « Ces deux processus majeurs influencent le comportement de l’animal et la transmission d’agents pathogènes de l’animal à l’homme, mais nous ne comprenons pas très les liens », dit-elle.

Dans un rapport, elle écrit que seule une « coopération interdisciplinaire et systématique » permettra de déterminer le rôle joué par le changement climatique, la pollution et la destruction de l’écosystème dans l’émergence des maladies infectieuses. « Par analogie, dans un procès avec jury, il est souvent nécessaire de présenter plusieurs éléments de preuves pour établir des liens entre le suspect et la scène du crime, l’arme et le mobile, et rendre un verdict ».

Les liens établis

Dans certains cas, il est plus facile d’établir un lien entre le changement climatique et les schémas pathologiques de l’animal, expliquent les scientifiques. Ainsi, les recherches menées sur les papillons monarques aux Etats-Unis ont montré comment l’association entre changement climatique et introduction d’une espèce exotique de laiteron a affecté leur modèle de migration.

Dara Satterfield et Sonia Altizer, deux écologistes de l’université de Géorgie, expliquent que les espèces exotiques de laiterons poussent souvent toute l’année dans le sud des Etats-Unis lorsque les hivers sont chauds, sans trop d’épisodes de gel prononcés. Le changement climatique pourrait aggraver le problème. Les agents pathogènes des laiterons, qui normalement meurent sur les espèces natives de laiterons pendant les hivers rigoureux, peuvent désormais s’accumuler sur les plantes toute l’année et contaminer les papillons.

M. Ostfeld, du Cary Institute, ajoute que d’autres maladies mieux étudiées – comme le virus de la langue bleue qui touche les moutons et les chèvres et est transmis par des moucherons piqueurs – sont en augmentation en raison du réchauffement climatique en Europe.

Un autre excellent exemple, ajoute-t-il, est le paludisme aviaire dans les îles hawaiiennes. Le parasite est transmis par des moustiques qui – à mesure que le climat se réchauffe – commencent à vivre à plus haute altitude et à attaquer des populations primitives et vulnérables d’oiseaux. « Le lien avec le changement climatique est bien établi dans ce cas précis », explique M. Ostfeld.

Une menace croissante

La grippe aviaire, dite H5N1, qui est apparue en Chine en 1997, a provoqué une panique généralisée liée à la possibilité de l’apparition d’une pandémie. Le chercheur Kurt Vandegrift, qui a participé à l’écriture d’un article, intitulé « Ecology of avian influenza viruses in a changing world », dit qu’il considère le changement climatique comme l’un des nombreux « multiplicateurs de menaces » qui pourraient avoir un impact sur les comportements migratoire et qui pourraient favoriser l’apparition de nouvelles épidémies de grippe aviaire.

« Le changement d’utilisation des terres qui se traduit par une plus grande densité de gibiers d’eau, un stress plus important ou une plus grande proximité avec les oiseaux domestiques favorisera probablement une transmission accrue de la grippe au sein des volées et une transmission inter-espèces plus élevée », écrit-il.

La Californie a perdu 90 pour cent de ses zones humides, ce qui a entraîné une réduction des sites de halte migratoire. « Cette réduction des sites de halte migratoire des gibiers d’eau se traduit par une surpopulation et une augmentation des taux de contact qui, si la transmission est liée à la densité, favorisera une prévalence accrue et un risque plus élevé d’évènements de recombinaison de virus comme la grippe aviaire », a expliqué à IRIN M. Vandegrift.

Il explique que le changement climatique pourrait avoir un impact sur « l’épidémiologie de la grippe aviaire », mais que l’on ne sait pas encore comment. « Nous ne pouvons pas mettre des routes de migrations dans des enceintes à environnement contrôlé, donc il est très difficile de faire des prévisions ».


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