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Date :  2002-08-19
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Développement durable

Développement durable

Source :  Anabella Kaminker


Dans les années 1980, un nouveau concept apparaît qui entend défendre l'environnement tout en inscrivant l’homme au centre de ses préoccupations. Le terme "développement durable" aurait été utilisé explicitement pour la première fois dans Building a sustainable Society, le manifeste du parti écologique de Grande-Bretagne écrit par Lester Brown, du Worldwatch Institute en 1981. Six ans plus tard, en 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement – présidée par le premier ministre norvégien Gro Harlem Brundtland – popularise l’idée dans son rapport Our Common Future [Notre avenir à tous]. Mais ce n’est qu’en 1992 que les gouvernements du monde entier officialisent le concept de développement durable lors du Sommet de la Terre tenu à Rio de Janeiro (Brésil). En août 2002, l’Afrique du Sud reçoit le Sommet Mondial sur le Développement Durable (SMDD). A l'occasion de la plus grande conférence organisée sous l'égide des Nations Unies, la communauté internationale compte faire le bilan de l'état de la planète et de ses habitants, dix ans après les engagements pris à Rio, et définir les politiques publiques globales par lesquels ces engagements peuvent être mis en acte à l'échelle internationale.

Si nous devons le concept de développement durable en bonne part à Lester Brown, celui-ci s’est fondé pour le construire sur les propositions que Ignacy Sachs et Maurice Strong avaient élaborées dans les années 1970 en faveur de ce qui fut alors nommé l’"écodéveloppement". Sachs et Strong prônaient ainsi une approche volontariste afin de réaliser simultanément développement économique, équité sociale et prudence écologique. Dans cette perspective, l’intervention institutionnelle paraissait fondamentale, car elle devait prendre en charge des actions visant à la maîtrise de l’utilisation des ressources, à l’emploi de techniques "propres" de production, et privilégiant plutôt les besoins que la demande dans les habitudes de consommation.

Strong présida la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (Stockholm, 1972), mais l’idée ne parvint pas à s’enraciner, en particulier en raison du rejet par les pays industrialisés et leurs lobbies économiques d’un éventuel contrôle de leurs activités. Au contraire, le Club de Rome réussit à se faire entendre, en particulier via la publication du rapport Halte à la Croissance, où il argumentait que le monde avait connu toute la croissance nécessaire afin de procurer une vie confortable et satisfaisante aux êtres humains. Il déconseillait ainsi de privilégier les politiques orientées vers la croissance, la planète n’ayant pas la capacité d’absorber les suppléments de croissance envisageables... Mais la Conférence s’est finalement close sur un engagement en faveur de la préservation de la nature et de la création de nombreuses agences nationales et internationales – dont le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) – permettant d’atteindre cet objectif.

Le concept est entré dans le lexique des Nations Unies et s’est popularisé grâce au Rapport Brundtland de 1987. Ce Rapport formulait la définition du développement durable la plus courante et encore largement acceptée de nos jours : «un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs». Il établit aussi sept actions stratégiques à mener afin d’y parvenir : (i) approfondir et améliorer la croissance, (ii) satisfaire les besoins essentiels en termes d’emploi, d’alimentation, d’énergie, d’eau et de salubrité, (iii) maintenir la taille démographique à un niveau soutenable, (iv) conserver et mettre en valeur les ressources naturelles, (v) réorienter la technologie pour gérer les risques, et (vi) intégrer l’environnement et l’économie dans les processus décisionnels.

En 1992, lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro — dirigé par Maurice Strong — ce projet de développement est finalement officialisé comme cadre et axe de la politique publique globale. A cette occasion, la communauté internationale, par la voix du plus grand nombre de chefs d’Etat et de Gouvernements jamais réunis jusqu’alors, adopte notamment une déclaration politique qui énumère 21 principes établissant les droits et les devoirs des nations dans la poursuite du développement humain et du bien-être. C’est l’Agenda 21, accompagné d’un plan d’action visant à faire du développement une démarche socialement, économiquement et écologiquement durable. Ce plan d’action constitue un programme qui reflète un consensus mondial et un engagement politique au niveau le plus élevé sur la coopération en matière de développement et d’environnement.

Trois dimensions sont à prendre en compte dans toute stratégie de développement durable. En premier lieu, (1) une telle stratégie pense en termes proprement « humains » : elle fait le choix de l’équité inter-étatique et intergénérationnelle. (2) Elle suppose aussi de reconnaître que les capacités de l’économie industrielle à satisfaire les besoins humains sont limitées par la nature. Pour que le développement soit durable, il est essentiel que les ressources disponibles soient bien gérées, afin de pouvoir continuer à satisfaire les besoins de long terme. (3) C’est pourquoi l’effort de développement durable pose la question des effets des activités économiques sur l’environnement et doit rechercher des moyens de financement et d’amélioration des techniques industrielles permettant de préserver les ressources naturelles.

La clé du succès repose aussi dans l’application de trois principes correspondant à chacune des dimensions : (i) le principe de précaution, qui part du constat que la Terre n’est pas un laboratoire, contraint à prendre des mesures préventives ou d’abstinence lorsque les effets d’une action sur l’environnement ne sont pas connues ; (ii) le principe de solidarité entre les populations du monde et entre générations présentes et futures ; et (iii) le principe de participation de l’ensemble des acteurs à la prise de décisions collectives.

Au Sommet de la Terre de Rio, la communauté internationale a en outre souscrit au principe des responsabilités communes mais différenciées, en vertu duquel tous les pays du monde sont responsables de la santé de la planète, mais ont des rôles différents à jouer à cet égard. Les pays développés, responsables du modèle dominant de développement, doivent faire évoluer leurs modes de consommation et de production, et transférer des ressources, des technologies "propres" et des capitaux aux pays en développement (PED) afin que ceux-ci puissent eux-mêmes trouver la voie d’un développement durable. Les PED, en contrepartie, doivent accepter de transformer leurs économies et leurs modes de production polluants malgré le coût élevé en résultant.

Le concept de développement durable a introduit un sentiment de nouveauté sur la scène géopolitique et intellectuelle internationale. En effet, la poursuite du développement était traditionnellement conçue comme un effort d’industrialisation et de marchandisation de l’économie, seules capables de permettre aux sociétés d’entrer dans la modernité, d’améliorer les conditions de vie de leurs membres et de donner aux êtres humains la possibilité de maîtriser leur destin. De son côté, le développement durable intègre toutes les dimensions de la vie sociale et les met en rapport avec l’environnement naturel dans lequel elle s’insère. Cette approche intégrée propose, en outre, un dialogue interculturel susceptible de réconcilier les différents modèles de développement, lequel devient ainsi un choix politique, que les sociétés feront de manière démocratique et en cohérence avec leurs propres conceptions sociales.

Simon Upton remarquait dans le numéro d’août de Network 2002 qu’après Rio le développement durable – défini aussi largement – paraissait englober le sens même de la vie. En effet, ajoutait-il, l’agenda du développement durable est devenu si vaste que l’on peut se demander ce qui pourrait subsister en dehors de lui. Sous ce parapluie, on voit ainsi aujourd’hui abordées des questions aussi disparates que le rôle des femmes dans la société moderne, le commerce international, l’eau potable, l’allégement de la dette extérieure, la désertification et la déforestation, la réduction de la pauvreté ou la défense des Droits de l’Homme et des valeurs démocratiques… Le catalogue est impressionnant et les idées sont généreuses – mais cela fait-il une politique ?


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