La Commission européenne a publié aujourd’hui son analyse des quelque 150 000 réponses à la consultation en ligne sur la protection des investissements et le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dans le cadre du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). La Commission avait invité le public à donner son avis sur une approche qui pourrait être adoptée afin de protéger les investissements et faciliter la résolution de litiges en matière d’investissement opposant des investisseurs privés aux pouvoirs publics. Une question centrale de la consultation était de savoir si l’approche proposée par l’UE dans le cadre du partenariat transatlantique permettrait d’atteindre un juste équilibre entre la protection des investisseurs, d’une part, et la sauvegarde du droit et de la capacité de l’UE à réglementer dans l’intérêt général, d’autre part.
Le rapport de la Commission contient une analyse détaillée de l’ensemble des réponses. La Commission s’apprête maintenant à discuter de la voie à suivre avec le Parlement européen, les États membres et d’autres parties prenantes, dont des ONG, des entreprises, des syndicats, des organisations de consommateurs et des milieux universitaires.
«La consultation montre clairement l’existence d’un énorme scepticisme par rapport à l’instrument RDIE» commente Cecilia Malmström, commissaire chargée du commerce.
«Nous devons mener une discussion franche et ouverte sur la protection des investissements et le règlement des différends dans le cadre du partenariat transatlantique avec les gouvernements des pays de l’UE, le Parlement européen et la société civile avant d’émettre toute recommandation politique dans ce domaine. Ce sera la première chose à faire après la publication du rapport. Je note aussi qu’il y a eu des propositions constructives au cours de la consultation concernant les domaines pouvant être réformés. Nous les examinerons attentivement au cours du dialogue. Nous devons en outre réfléchir à la façon de gérer le fait que les pays de l’UE ont déjà 1400 accords bilatéraux de ce type, dont certains datent des années 50» ajoute la commissaire.
«La grande majorité de ces accords ne contiennent pas les garanties qu’aimerait voir l’Union européenne. Ce sera également un élément important à prendre en compte dans notre réflexion sur la façon optimale de traiter la question de la protection des investissements dans les accords conclus par l’UE. En effet, si nous ne les remplaçons pas par des dispositions plus abouties, ils resteront en vigueur, et avec eux subsisteront les préoccupations légitimes qu’ils ont soulevées tous ces derniers mois».
«Comprenez-moi bien: le partenariat transatlantique que la Commission européenne négociera et présentera pour ratification sera un accord qui est bénéfique pour les Européens – bénéfique pour la croissance et les emplois ici en Europe. Ce sera un accord qui renforce l’influence de l’Europe dans le monde et qui nous aidera à protéger nos normes de haute qualité. Jamais la Commission européenne – pas plus que les États membres de l’Union ou le Parlement européen – ne pourrait même envisager un accord qui entraînerait un nivellement par le bas ou limiterait le droit à réglementer de nos gouvernements» a déclaré Cecilia Malmström.
Les détails du rapport
Le questionnaire de la consultation expliquait en détail l’approche de l’Union européenne autour de douze thèmes liés à la protection des investissements et au règlement des différends dans le cadre de l’accord de partenariat transatlantique. Cette approche repose sur les améliorations que l’Union entend apporter au système existant. Les douze thèmes abordés dans le questionnaire incluent les garanties du droit des gouvernements à réglementer dans l’intérêt général, la pleine transparence des procédures d’arbitrage, les exigences d’éthique pour l’arbitrage, et une éventuelle instance d’appel.
La grande majorité des réponses, environ 145 000 (soit 97 %), communiquées via des plateformes en ligne de groupes d’intérêts, contenaient des réponses négatives prédéfinies. En outre, la Commission a reçu des réponses individuelles de plus de 3 000 particuliers et quelque 450 organisations représentant un large éventail de la société civile européenne, dont des ONG, des organisations professionnelles, des syndicats, des associations de consommateurs, des cabinets d’avocats et des universitaires. Ces réponses sont généralement plus détaillées (voir le MEMO/15/3202).
Globalement, les réponses relèvent de trois catégories:
• réponses indiquant une opposition ou des préoccupations quant au partenariat transatlantique de façon générale;
• réponses indiquant une opposition ou des préoccupations générales quant à la protection des investissements ou au règlement des différends dans le cadre du partenariat transatlantique;
• réponses apportant des commentaires détaillés sur l’approche proposée par l’UE dans le cadre du partenariat transatlantique, qui reflètent un large éventail de points de vue.
Les réponses, très nombreuses, relevant des deux premières catégories montrent clairement que beaucoup de citoyens, dans toute l’Europe, ont des inquiétudes à l’égard du partenariat transatlantique en général mais aussi du principe même de la protection des investissements et du règlement des différends.
Les réponses de la troisième catégorie contiennent des commentaires sur différents aspects de l’approche de l’Union et, dans certains cas, des propositions concrètes sur de nouvelles modifications à apporter. Les avis sont partagés pour la quasi-totalité des thèmes abordés. Comme l’indiquent les commentaires, les répondants semblent attacher une importance particulière à un certain nombre de domaines et notamment:
• la protection du droit à réglementer;
• la mise en place et le fonctionnement de tribunaux d’arbitrage;
• la relation entre les systèmes judiciaires nationaux et le RDIE;
• le contrôle de la régularité juridique des décisions du RDIE au moyen d’un mécanisme d’appel.
Ces quatre domaines thématiques devront être examinés plus avant.
Prochaines étapes
Au cours du premier trimestre 2015, la Commission organisera une série de réunions de consultation avec les États membres, le Parlement européen, les parlements des États membres et des parties prenantes, dont des ONG, des entreprises, des syndicats, des associations de défense des consommateurs et de l’environnement. Le rapport présenté aujourd’hui servira de base à ces discussions sur la protection des investissements et le règlement des différends dans le cadre du partenariat transatlantique. Les résultats de la consultation seront tout d’abord présentés à la commission du commerce international du Parlement européen le 22 janvier. Après ces consultations du premier trimestre, la Commission élaborera des propositions spécifiques en vue des négociations du partenariat transatlantique.
Le contexte
Les États membres de l’UE ont demandé à la Commission d’inclure la protection des investissements et le règlement des différends dans les négociations du TTIP.
Ces directives de négociation (appelées «mandat», que la Commission européenne a décidé de rendre publiques) en vue des négociations du TTIP prévoient d’inclure la protection des investissements et le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) à la condition qu’un certain nombre de conditions soient respectées. Elles indiquent donc clairement que la décision d’inclure ou non le RDIE sera prise au cours de la phase finale des négociations.
Les négociations sur les investissements dans le cadre du partenariat transatlantique ont été suspendues et ne reprendront que lorsque la Commission estimera que ses nouvelles propositions garantissent entre autres que les compétences des juridictions des États membres de l’Union ne seront pas limitées par des régimes spéciaux applicables aux règlements entre investisseurs et États
Compte tenu de l’intérêt public important pour la protection des investissements et le règlement des différends dans le cadre du partenariat transatlantique, la Commission a organisé une consultation publique entre le 27 mars et le 13 juillet 2014. Des avis ont été recueillis sur la question de savoir si l’approche européenne proposée permettrait d’atteindre un juste équilibre entre la protection des investisseurs et la sauvegarde du droit de l’UE et des États membres à réglementer dans l’intérêt général. Le principe d’une résolution des litiges entre investisseurs et États au moyen d’un arbitrage international n’est pas nouveau. Il figure dans plus de 1 400 traités d’investissement conclus par les États membres de l’UE et dans plus de 3 000 dans le monde.
En 2009, le traité de Lisbonne a transféré à l’UE la compétence pour la protection des investissements. Depuis lors, la Commission a fourni des efforts considérables pour réformer le système existant de protection des investissements et de règlement des différends. L’approche proposée par l’UE est sensiblement différente de celle adoptée dans les 3 000 accords qui contiennent des dispositions traditionnelles à ce sujet et dont beaucoup remontent aux années 60, 70 et 80. L’UE a introduit des dispositions modernisées à cet égard dans ses accords commerciaux avec le Canada (CETA) et Singapour. Les dispositions relatives à la protection des investissements et le règlement des différends dans ces accords tiennent compte des exigences les plus élevées en matière de transparence, d’équité et de responsabilité. Cette approche s’appuie également sur les travaux des Nations unies concernant la création du premier système de règles internationales sur la transparence pour le règlement des différends, dans le cadre de la commission pour le droit commercial international (CNUDCI).