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Date :  2014-07-07
langue :  Français
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Destruction sociale et chaos mondial (suite et fin): L’anti-impérialisme et « le fait d’être ou « de ne pas être » de la gauche


Dans l’article précédent (« Destruction sociale et chaos mondial, essence de l’impérialisme néolibéral »), nous posions que les processus d’intégration régionale en Amérique Latine et en Eurasie avec la participation active des États et de leurs institutions, même avec les limitations qu’ils supportent après s’être inscrit dans une stratégie qui n’établit pas la sortie du capitalisme, c’est pour l’instant le principal front anti-impérialiste. Et voilà que nous finissions par remarquer que l’autre front anti-impérialiste, que le président bolivien Evo Morales a demandé à la Fédération Syndicale Mondiale, devra être construit par les peuples, par leurs organisations politiques, syndicales et sociales [1]).

Evo Morales a donné dans le clou en demandant l’identification « des instruments actuels de domination du capitalisme, de l’impérialisme » pour pouvoir élaborer « une nouvelle thèse politique pour libérer les peuples du monde » qui dépasse « les revendications sectorielles pour creuser la crise du capitalisme et l’achever, de même les oligarchies et les hiérarchies ».

Cette identification est cruciale parce que l’impérialisme néolibéral est plus que la somme de ses parts connues et visibles, comme l’OTAN et les milliers de bases militaires des États-Unis d’Amérique (US) présentes dans le monde en tiers, ou les accords de libre-échange et de protection des investissements. C’est un système beaucoup plus élaboré, destructif et totalitaire de domination que ce qu’il feint, et qui grâce à la société de consommation, au contrôle des médias et à la promotion de l’individualisme antisocial, possède la capacité de « se glisser » par tous côtés, de contaminer les cultures pour détruire toute capacité d’opposition. Et la liste de ses conséquences néfastes est trop longue pour l’énumérer dans cet article.

C’est pourquoi « l’intelligence sociale » des peuples, et de la gauche, doit être dirigée à penser, à analyser et formuler, dans ses enceintes respectives, les bonnes questions qui nous guident dans la recherche de la vraie image de l’impérialisme néolibéral et qui identifie ses alliés, ainsi que les classes et les groupes sociaux qui en sont les victimes principales et doivent être protagonistes dans cette lutte. Qui désigne les aspects stratégiques qui doivent constituer les objectifs principaux, et à partir de là construire une stratégie anti-impérialiste pour mener les luttes sur différents fronts, que mènent déjà les peuples de la périphérie actuelle ou passée et les extrêmement importantes qui que doivent livrer les peuples des pays centraux de l’empire, et à assurer que les deux confluent dans l’objectif commun de dépasser le capitalisme.

Après avoir entrepris ce travail nous devons comprendre que le « régionalisme » qui inclut l’intervention des États pour développer les forces productives de l’ensemble des économies nationales, celui une propriété étatique, privée ou sociale, permettra de continuer de résoudre les problèmes de retard, de pauvreté et d’exclusion sociale et économique qu’a laissé le sous-développement créé par la dépendance et a aggravé l’expérimentation des néolibérales politiques des trois dernières décennies du 10e siècle, comme c’est le cas dans la majorité des pays de l’Amérique Latine et du Caribe.

Dans le cas de la Russie - et d’autres pays de l’ex-Union soviétique - ce type du régionalisme, et encore plus s’il se complète avec celui qui inclut la Chine et d’autres pays de l’Asie - permettra de développer les forces productives de l’ensemble des économies et la reconstruction des États et d’institutions détruits ou démantelés par l’application des recettes néolibérales à partir des années 90, lesquelles ont provoqué l’appauvrissement massif de peuples qui avaient atteint de bons niveaux de vie, de sécurité et de justice sociale.

La Chine est un cas et un exemple particulier pour le développement du régionalisme planifié parce que c’est un pays qui se proclame socialiste et se combinent la propriété étatique socialiste – dominante dans des secteurs basiques - avec la propriété privée de type capitaliste – prépondérante dans beaucoup de branches de l’économie - et des niches de propriété commune. Telle quelle la Chine a obtenu que l’entrée du néolibéralisme (à travers des sociétés transnationales ou des accords commerciaux) n’affaiblisse pas de manière remarquable les capacités de l’État ou de ses principales institutions et des entreprises, continuant ainsi une politique de défense de l’État central qui dans ce pays millénaire a une très longue histoire.

La politique chinoise de faire respecter les contrôles étatiques pour les filiales des sociétés transnationales dans le pays a réussi, comme le remarquaient les sociologues Giovanni Arrighi et Beverly Silver, qui aux US doutaient de la « fidélité » de ces filiales envers les intérêts usaméricains (Chaos et ordre dans le système-monde moderne. Giovanni Arrighi et Beverly Silver, les Éditions Akal, 2001 - (En anglais : « Chaos and Governance in the Modern World System » - ISBN 978-0816631520)). En ce sens on peut interpréter les objectifs de l’insertion de pays socialistes avec une longue et fidèle tradition anti-impérialiste, comme le Viêt-Nam ou Cuba, dans les processus d’intégration régionale qui impliquent une ouverture au marché et au capital étranger.

Plusieurs analystes estiment que les négociations récentes entre la Russie et la Chine pour augmenter la coopération, le commerce et les investissements, ainsi que pour faire les échanges dans leurs monnaies nationales pour échapper à la domination du dollar – objectif qui figure dans l’agenda du BRICS - créera une masse critique pour l’expansion du régionalisme avec une intervention robuste étatique vers des pays comme l’Iran, l’Inde et le Pakistan, en créant ou en renforçant les liens avec l’intégration régionale en Amérique Latine et aux Caraïbes, et peut-être en favorisant quelque chose de similaire en Afrique, comme c’était l’objectif du leader libyen Mouammar Kadhafi, et probablement la raison de son renversement et assassinat en 2011 par les forces combinées de la France, de la Grande-Bretagne et des US.

Néanmoins, tout cela dépend du fait que ces expériences de régionalisme concrétisent et montrent des résultats dans la vie concrète des peuples, et résistent aux torpilles quotidiennes des agents de l’impérialisme néolibéral dans ces pays et aux agressions économiques, financières, subversives ou militaires de l’impérialisme et de ses Forces Alliées depuis l’extérieur.

Un aspect essentiel de toutes ces expériences d’intégration régionale, qui mérite d’être souligné, est l’intérêt manifeste – visible dans les discours de beaucoup de gouvernants, dont ceux de Vladimir Poutine - de « réincruster » ou de maintenir « incrusté » les économies dans les sociétés ou bien que les économies recommencent à être ou se maintiennent subordonnées aux sociétés, et dans ce sens c’est une attaque à un aspect central de l’impérialisme néolibéral que la Première ministre britannique Margaret Thatcher a défini avec clarté en 1987 quand elle a dit que « there is no such thing as society », soit en tant que telle la société n’existe pas, condition requise pour rendre effective la devise néolibérale qu’ « il n’y a pas une autre alternative » à ce système, aussi énoncée par madame Thatcher.

Mais il faut clarifier que la garantie de ce que ces intégrations régionales seront quelque chose de plus qu’une « résistance épisodique anti-impérialiste » dépendra de la participation et de la pression sociale et politique pour que le développement se dirige vers les objectifs sociaux les plus vastes possibles, pour que se développent les démocraties participatives qui permettent de défendre et d’approfondir les anti-impérialistes politiques, tache que, par intérêts de classe, doivent réaliser les organisations sociales, de travail et politiques du peuple travailleur, les étudiants et tous les secteurs sociaux qui ont été, sont ou pourront être les victimes principales de l’aplanisseuse néolibérale.

L’anti-impérialisme dans les pays centraux du capitalisme.

Avec l’impérialisme néolibéral est resté dans un espace hors de la discussion que l’ensemble des classes qui vivent d’un revenu du travail aux US, DANS les pays de l’Union Européenne (UE) et d’autres pays du champ impérialiste, perdent rapidement ce qui a été conquis pendant la brève ère (1945-1975) de l’État-bienfaiteur.

Le chômage et l’exclusion sociale augmentent, pratiquement plus personne n’a la sécurité de l’emploi et le travail à temps partiel et mal payé est la norme. Et voilà que nous n’assistons à un phénomène jamais vu, celui d’une génération de jeunes avec des niveaux élevés de connaissances qui grande partie restera en dehors du marché du travail, et des retraités dont les pensions baissent ou sont menacées de disparition.

C’est le résultat de politiques appliquées dans les pays du capitalisme avancé pour continuer à accumuler la richesse sociale dans très peu de mains, ce qui provoque la disparité obscène de revenus que nous connaissons, tandis que dans la pratique n’a jamais été aussi grande la capacité de produire les biens et les services socialement nécessaires, grâce à l’énorme développement des forces productives.

Les transnationales des pays centraux de l’empire offrent de moins en moins de postes de travail et paient des salaires moindres dans les sociétés où elles transfèrent leurs opérations aux filiales créées dans les pays lointains ou voisins où elles emploient des travailleurs mal payés. De ces opérations provient environ de la moitié des profits de ces entreprises, qui arrivent comme la rente différentielle – la plus-value produite dans un autre pays arrive comme rente différentielle - aux propriétaires des monopoles et aux transnationales. Cela explique l’augmentation des profits des transnationales, et la perte des emplois salariés est la clé de la baisse de la demande finale et de la faible croissance de l’économie réelle les pays centraux.

Il n’est pas nécessaire d’expliquer les drames sociaux que la majorité des gens vit dans les pays du capitalisme avancé. La droite et les gauches le savent et en surface le détaillent fréquemment, mais ce qui étonne c’est le manque d’analyse plus profonde sur le changement structurelle de la manière de produire du capitalisme et de ses effets dans la société, dans le système politique, qu’il y a décennies André Gorz et autres ont décrit et qui ont peu ou influé sur la pensée et les programmes des principales forces de la gauche.

Cependant, c’est dans ces pays où le capitalisme industriel est déjà tombé avec les barrières systématiques qui le « jette en l’air », où il ne peut déjà pas se reproduire en tant que tel et comme société, comme Karl Marx le posait, et où existent déjà les conditions économiques et sociales pour des changements radicaux, pour ne pas nommer ce qui est nommé très rarement, pour réaliser la révolution sociale qui complète la sortie du capitalisme dans toutes ses formes.

Et si d’une révolution sociale on parle, parce que le capitalisme dominant n’a absolument rien à offrir de positif les sociétés et les peuples des pays du capitalisme central, il est grave constater l’absence d’une politique anti-impérialiste claire qui porte un nom et un nom de famille dans les discours et les programmes des partis de la gauche radicale, parce que l’empire néolibéral US a beaucoup d’associés disposés à participer au pillage, comme on l’a vu avec la participation active des pays de l’UE dans les agressions militaires en Libye et en Syrie, avec l’appui de l’UE dans les sanctions et le harcèlement de l’Iran, et maintenant l’appui au coup d’État avec l’aide des néonazis en Ukraine.

Et que dire de l’appui ou du silence complice de partis de la gauche radicale devant ces politiques des pays de l’UE ou directement de l’UE ?

L’UE est un projet néolibéral qui applique le néolibéralisme à outrance dans les pays qui la composent, et fait partie de l’empire néolibéral. Sa politique extérieure, comme celle du Japon et d’autres alliés de l’empire est dirigée à essayer d’adapter la majeure partie du « gâteau » de l’exploitation mondiale, et en poursuivant cet objectif quelques pays de l’UE ou de l’UE elle-même créent ou aggravent les conflits qui détruisent les économies et les sociétés dans de nombreux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique.

Cela, au lieu d’être dénoncé et combattu comme faisant partie d’une politique pour lutter contre les impérialistes politiques « maison », première marche pour le combattre à une échelle internationale, brille par son absence ou n’a pas la place qu’elle devrait avoir dans les programmes et la pratique politique de beaucoup de forces et des partis qui sont définis comme partie de la gauche radicale.

De là l’importance, de définir une stratégie anti-impérialiste qui incorpore cette réalité, qui gomme la claudication honteuse idéologique du passé et assume pleinement les théories révolutionnaires, pour que cette stratégie anti-impérialiste devienne le guide et l’outil qui oriente les luttes politiques et sociales à l’interne et à l’externe, et une solidarité internationale effective fait renaître.

En synthèse, construire une politique anti-impérialiste brillante et radicale qui nomme les choses par leur nom est la question « du fait d’être ou « de ne pas être » pour les gauches et autres forces qui luttent ou disent lutter, dans cette étape cruciale de l’humanité et de notre mère terre, pour mettre fin à l’empire néolibéral avant qu’il ne détruise certainement les sociétés et la planète.

(Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi)

* Alberto Rabilotta est journaliste argentin depuis 1967. Au Mexique pour la « Milenio Diario de Mexico » Correspondant de Prensa Latina au Canada (1974). Directeur de Prensa Latina Canada, pour l’Amérique du Nord (1975-1986) Mexique, USA, Canada. Correspondant de l’Agence de Services Spéciaux d’Information, ALASEI, (1987-1990). Correspondant de l’Agencia de Noticias de México, NOTIMEX au Canada (1990-2009. Editorialiste sous de pseudonymes -Rodolfo Ara et Rocco Marotta- pour « Milenio Diario de Mexico » (2000-2010, Collaborateur d’ALAI, PL, El Correo, El Independiente et d’autres médias depuis 2009.


Notes
[1] Cita del discurso de Evo Morales tomada de la Agencia Boliviana de Información

Destruction sociale et chaos mondial, l’essence de l’empire néolibéral.
(Première partie)


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