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Date :  2014-01-27
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Les fossoyeurs de la démocratie


Plus la rivière est trouble, meilleure est la pêche. Ce proverbe définit ce que quelques ex-puissances coloniales (et persistantes puissances néocoloniales) font avec leurs politiques et ambitions très risquées et incendiaires dans le contexte actuel d’un empire US en décadence.

Comme l’ont remarqué diplomates et observateurs, certains pays du champ impérialiste n’acceptent pas que les États-Unis d’Amérique (EU) décident d’adopter la voie de la négociation pour chercher une sortie non militaire en Syrie et puissent entamer un dialogue avec l’Iran, et encore moins que ce « réalisme diplomatique » renaisse par les propositions solides et la persistance de la diplomatie russe.

Pour être francs et objectifs, dans le cas de la Syrie et de l’Iran, la diplomatie russe a épargné au Président Barack Obama d’entrer dans de nouvelles aventures bellicistes coûteuses, dont il n’y a sortie ni rapide ni facile, comme le démontrent les cas de l’Afghanistan et de l’Irak.

Quelques alliés des US, comme le Canada, la France et d’autres pays européens, ainsi que les « gendarmes régionaux » du Monde Arabo-musulman –Israël et l’Arabie Saoudite - n’acceptent pas que le monde cesse d’être unipolaire et moins encore les poussées d’un « réalisme diplomatique » de la part de Washington.

Cela explique en partie la duplicité de l’Administration du Président Barack Obama, qui après être convenu d’un processus de négociation, comme celui de Genève II pour la Syrie, le bloque avec des exigences précédemment mises de côté.

Nous disons en partie parce que nous trouvons la même duplicité dans la politique extérieure de la Maison Blanche dans de nombreux sujets de conflit de la scène internationale, en particulier dans les relations avec la Russie et la Chine.

Dans le cas de Genève II, les blocages ont été l’exclusion de l’Iran, pays sans lequel il est impossible de résoudre durablement les problèmes du Monde Arabo-musulman, et permettre que l’opposition syrienne pose le départ du Président Bashar el-Assad du gouvernement comme premier point à négocier, ce qui a mis le processus au bord de l’échec.

Ce petit jeu, de faire comme si on veut négocier, de créer des expectatives et au moment décisif, de bloquer ou faire échouer le processus, revient à troubler les eaux pour mieux pêcher, et c’est cela qu’ils essaient aussi de faire dans le processus de négociation avec l’Iran.

Et c’est ce qu’ils font avec la crise fabriquée en Ukraine, un pays convoité par les monopoles voraces de l’Union Européenne, et par les US en tant que plateforme idéale pour soumettre la Russie à une action déstabilisatrice à long terme.

Décadence et chaos impérial.

Depuis peu et en se référant au rôle que la France joue en Syrie, le sociologue Immanuel Wallerstein explique que « le problème pour la France est que, bien que la décadence US lui permet une position rhétorique plus forte, le nouveau scénario géopolitique, un peu chaotique, n’en n’est pas un où la France peut réellement remplacer les USA en tant que noyau dur. Il y a d’autres nations puissantes impliquées dans le Monde Arabo-musulman pour que la France joue le rôle un primordial sur ce terrain là. Et la France peut encore moins avoir un rôle en Asie orientale, malgré le fait qu’elle y fut une puissance centrale » (« France’s Aggressive Foreign Policy » Commentary No. 366, Dec. 1, 2013)

Dans un autre article, intitulé « Syria : Intractable Dilemmas for Everyone » (Commentary No. 369, Jan. 15, 2014), Wallerstein revient sur le chaos géopolitique qui a été créé dans le cas de la Syrie et les dilemmes « pour les acteurs non syriens ». Prenons les États-Unis, autrefois fois géant sur la scène, dont la sérieuse décadence est largement reconnue maintenant et qui donc n’a pas de bonnes options. Déjà le fait simple d’admettre cela est en soi quelque chose de controversé aux États-Unis, et le président Obama se trouve, lui même, objet de pressions fortes politiques de la part de quelques sous-acteurs pour qu’il fasse « plus » et de la part d’autres pour qu’il fasse « moins ».

Ce chaos géopolitique, poursuit l’intellectuel Us « suppose des manœuvres très rusées de la part de n’importe lequel des acteurs pour ne pas commettre de graves erreurs quant à ses propres intérêts. Dans ce tourbillon d’alliances qui changent constamment, à une échelle mondiale et locale, beaucoup de groupes et de sous-groupes considèrent qu’il est tactiquement utile d’augmenter le degré de la violence ».

Cela a été visible dans ce qui est arrivé au cours de Genève II pour essayer de résoudre pacifiquement la grave situation en Syrie, et avec l’opposition militante de quelques ministres des affaires étrangères européens, ainsi que d’Ottawa, de Riyad et d’autres pays.

S’éclaircir et « démoderniser »

Pour certains pays européens, ce qu’il semble primer dans le cas de la Syrie c’est la même chose qui a mené à l’intervention militaire pour renverser le gouvernement de Mohamed Kadhafi en Libye : détruire une grande partie de l’infrastructure à usage social et de l’économie de ce pays, mais laisser intacts les puits de pétrole et les ports pour pouvoir le sortir de Libye.

Cette agression en Libye a rendu possible la désarticulation de la société, grâce aux luttes sanglantes interreligieuses, tribales et ethniques, pour que la Libye revienne le plus près de « l’Âge de pierre » dont nous rappelons que ce fut la menace de l’Administration de George W. Bush quand elle préparait la criminelle attaque militaire qui a détruit la majeure partie de l’économie et de la société irakienne, la plus sécularisée et avancée du Monde Arabo-musulman.

Les Libyens (et les Syriens, à moins que ne s’arrête l’agression actuelle des groupes islamiques extrémistes) peuvent voir leur avenir dans la réalité quotidienne de l’Irak ou de l’Afghanistan : après la destruction militaire et la désarticulation sociale s’appliquent les recettes pour une « démodernisation » néolibérale, c’est à dire qu’il n’y a pas d’échappatoire . [1]

Les ramener à l’Âge de pierre, détruire leurs sociétés grâce à des guerres civiles provoquées par des intérêts étrangers, pour que ce soient les nouvelles « terres vierges » qui nourrissent l’expansion capitaliste, les monopoles, comme le disait Rosa Luxemburg.

Dans le cas de l’Iran, la politique de « changement de régime » et faire revenir le pays à l’Âge de pierre a trébuché sur le risque d’un conflit militaire régional, et même mondial, par la capacité militaire iranienne et l’opposition déterminée de la Russie, de la Chine et de la majorité des pays du monde.

La position (ambiguë) de dialogue avec les autorités iraniennes qu’ont finalement adopté les USA, a trouvé une opposition pour des raisons de contrôle géopolitique, dans un nombre réduit de pays (dont le Canada, Israël et l’Arabie Saoudite) qui ont une très grande capacité de manœuvre à Washington.

Mais il a l’appui sous condition des pays européens dont les monopoles pétroliers et industriels, ainsi que les entreprises exportatrices, bénéficieront de l’ouverture du marché iranien.

Les interventions « humanitaires » en Afrique, appuyées ou non par le Conseil de Sécurité de l’ONU, font partie du vol organisé impérial. Le sont aussi les marches et les contremarches politiques et diplomatiques pour diriger le cas de la Syrie vers une négociation, et maintenant surgit la tentative de faire tomber le gouvernement de l’Ukraine présidé par Víctor Yanukóvich, où de toutes façons des élections se tiendront en 2015.

Quand les impérialistes nourrissent le fascisme.

Avec ce qui se passe en Ukraine, on constate que la déshumanisation se manifestant à travers la violence extrême dans beaucoup de pays africains, comme dans le Monde Arabo-musulman, peut revenir en Europe.

Le climat de violence et de subversion fasciste qui règne depuis plusieurs de jours dans la capitale ukrainienne, et même dans quelques régions de l’Ouest du pays, révèle très bien les contradictions de l’étape que nous vivons dans ce monde, et en particulier dans l’Union Européenne.

La totalité des pays du champ impérialiste appuient par tous les moyens possibles l’ « opposition » politique en Ukraine, et de facto les groupes ultranationalistes et fascistes qui continuent de démontrer une grande capacité de violence, qui harcèlent et assiègent le gouvernement, provoquent de la répression, et de plus, sèment la destruction et la terreur à Kiev.

La violence et la haine que distillent les groupes de choc de « l’opposition démocrate » appuyée par Washington et l’UE ne sont pas un problème pour les Ministères des Relations Extérieures occidentaux.

Les objectifs « démocratiques » de l’opposition sont mis en évidence dans les premières décisions adoptées dans les villes qu’ils ont occupées : La télévision ukrainienne TSN a rapporté que les Conseils régionaux d’Ivano-Franovsk et de Ternopol en Ukraine ont décidé samedi (le 26 janvier) d’interdire les activités et l’usage des symboles du parti au pouvoir Parti des Régions et du Parti Communiste d’Ukraine dans cette région occidentale du pays. (http://en.itar-tass.com/world/716313)

Que les groupes fascistes, néonazis et des ultranationalistes fassent régner la violence et la terreur à Kiev et dans d’autres villes pour abattre un gouvernement élu démocratiquement n’est pas quelque chose qui inquiète les gouvernants et les partis politiques de l’UE.

Plutôt au contraire, il semblerait qu’ils veulent faire grossir les files d’hommes politiques et de gouvernants qui sont ou cohabitent avec des fascistes et racistes dans des gouvernements – celui de l’Hongrie et d’autres - et dans les mécanismes de gouvernement de l’UE, sans parler des députés de partis racistes et fascistes dans les parlements nationaux et au Parlement européen.

Il est clair que le gouvernement d’Yanukóvich en Ukraine, qui a en son sein sa part d’oligarques – l’autre part se trouve dans l’opposition - est coupable d’avoir voulu gouverner en s ‘opposant à la destruction industrielle qui accompagnerait l’intégration de l’Ukraine dans l’UE ultra-néolibérale, et de chercher une meilleure intégration avec la Communauté d’États indépendants, où se trouve la Russie.

En 2011, l’UE a imposé des technocrates de la finance à la tête des gouvernements de la Grèce (Lucas Papademos) et de l’Italie (Mario Monti), pour montrer qui a le pouvoir et qu’aucun gouvernement démocratiquement élu n’a, dans l’UE ni dans les pays dominés par le néolibéralisme, l’autorisation pour gouverner en s’opposant aux politiques néolibérales.

L’UE a été créée, nous dit on, pour rapprocher les peuples et pour approfondir la démocratie et les libertés, et pour mettre fin aux guerres commerciales et militaires, et aux nationalismes agressifs et aux persécutions religieuses, ethniques et politiques qui pendant des siècles ont marqué l’histoire de l’Europe.

Mais ce n’est pas cela que l’on vit, que l’on voit ou perçoit dans l’UE, où le néolibéralisme exige maintenant une soumission totale aux « lois du marché » et considère la démocratie, c’est à dire la souveraineté du peuple, comme une gêne qu’il faut éliminer.

Quel est le point en commun entre les extrémistes religieux du Monde Arabo-musulman ou de l’Afrique, les néolibéraux en costume et cravate dans l’UE ou dans les Etats-Unis d’Amérique, et les fascistes, les ultranationalistes et les racistes de toutes sortes et du monde entier ? Le principal point en commun, qui les mène à être alliés dans de nombreux cas et dans d’autres à être de simples compagnons de route, est qu’ils veulent tous enterrer la démocratie pour toujours, et à côté d’elle ceux qui la défendent.

Montreal, Canadá.

* Alberto Rabilotta est journaliste argentin depuis 1967. Au Mexique por la « Milenio Diario de Mexico » Correspondant de Prensa Latina au Canada (1974). Directeur de Prensa Latina Canada, pour l’Amérique du Nord (1975-1986) Mexique, USA, Canda. Correspondant de l’Agencia de Services Spéciaux d’Information, ALASEI, (1987-1990). Correspondant de l’Agencia de Noticias de México, NOTIMEX au Canada (1990-2009. Editorialiste sous de pseudonymes -Rodolfo Ara et Rocco Marotta- pour « Milenio Diario de Mexico » (2000-2010, Collaborateur d’ALAI, PL, El Correo, El Independiente et d’autres medias depuis 2009.





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