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Date :  2013-03-08
langue :  Français
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Santé cardio-vasculaire : Quelle est la vérité pour le cholestérol ?


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Depuis quelques semaines, une polémique scientifique se développe, après la publication de la thèse pour le moins controversée et contestable du Professeur Evin sur l’inutilité des statines dans la prévention du risque de décès par maladie cardio-vasculaire et sur la soi-disant absence de lien scientifique entre taux de cholestérol et risque cardio-vasculaire.

En science, il n y a pas de dogme et toute théorie, toute hypothèse, aussi solide soit-elle, est contestable et doit inlassablement être testée par des confirmations expérimentales toujours plus poussées, comme l’a magistralement montré le grand philosophe des sciences, Karl Popper.

Mais encore faut-il que cette remise en cause se fasse elle-même de manière rigoureuse et scientifique et sur des bases épidémiologiques et méthodologiques solides, car on ne peut comparer que ce qui est comparable !

Or, ce qui est gênant dans cette « affaire » des statines et du cholestérol, ce n’est pas l’hypothèse tout à fait respectable de son auteur mais le fait que, pour la justifier à tout prix, celui-ci balaie d’un revers de main toutes les études scientifiques très solides et sérieuses, publiées au cours de ces dernières années, dès lors qu’elles ne vont pas dans le sens de sa thèse qui est celle d’une inefficacité générale des statines en matière de prévention et du réduction de la mortalité cardio-vasculaire.

Sans vouloir alimenter cette polémique quelque peu surréaliste, on a pourtant du mal à croire que toutes les études montrant l’efficacité, sous certaines conditions, des statines en matière cardiovasculaire (études réalisées par des laboratoires et universités multiples et publiées dans les meilleures revues scientifiques mondiales) sont contrôlées par les laboratoires pharmaceutiques et sont, soit fausses, soit biaisées !

S’agissant de la prétendue absence de lien entre taux de cholestérol et risque cardio-vasculaire, il existe de nombreuses études convergentes, très solides et portant sur de vastes populations, qui montrent l’existence d’un lien incontestable entre un taux élevé de Cholestérol et le risque coronarien.

Deux études d’une ampleur considérable, l’étude MRFIT (356 222 Américains suivis pendant 10 ans) et l'étude Interheart, réalisée dans 52 pays sur 29 000 personnes et publiée en octobre 2008, ont formellement identifié 6 facteurs de risque cardio-vasculaire, parmi lesquels figure en bonne place l'élévation du taux de « mauvais » Cholestérol qui représente à lui seul 52 % du risque cardio-vasculaire !

S’agissant des statines, une récente étude, publiée par la revue Cochrane, publication indépendante qui ne reçoit aucun financement de l'industrie pharmaceutique, est venue fort à propos rappeler, sans en faire la panacée, l’efficacité indiscutable des statines, y compris en prévention primaire, c'est-à-dire avant la survenue d’un accident cardiaque (Voir article).

Cette méta-analyse, portant sur 18 essais contrôlés randomisés, conclut à une réduction de la mortalité, toutes causes confondues, par les statines et à l’absence de preuves de préjudice grave causé par une prescription de statine.

Cette étude confirme que les statines en prévention primaire diminueraient la mortalité toutes causes de 14 %, les événements cardio-vasculaires et les accidents vasculaires cérébraux de 22 %.

Selon ce travail rigoureux, « Les données scientifiques disponibles à ce jour montrent que la prévention primaire avec des statines est efficace et peut améliorer la qualité de vie des patients, y compris chez les personnes à risque faible et quel que soit le taux de cholestérol en début de traitement ».

Mais cette étude, prudente et mesurée, ne fait nullement des statines le traitement miracle et unique dans la prévention des maladies cardio-vasculaires et ce travail souligne fort justement « Qu'il serait utile de comparer l'ampleur de l'effet des statines et celle des interventions sur l'alimentation et l'exercice physique. »

Cette étude renvoie donc, à juste titre, dos à dos les deux positions extrêmes qui consistent à affirmer que les statines ne présentent jamais aucune utilité ou qu'il faut prescrire massivement ces médicaments à toutes les personnes en bonne santé ayant une élévation de leur taux de cholestérol.

Ce travail rappelle également de manière fort judicieuse l’importance majeure des choix de vie dans ce domaine de la santé cardiaque. A cet égard, il y a quelques jours, une étude espagnole très intéressante est précisément venue apporter de l’eau au moulin des scientifiques et médecins de plus en plus nombreux qui pensent que l’alimentation et le mode de vie constitue le premier facteur de protection et de prévention en matière cardio-vasculaire (Voir NEJM).

Cette étude a été réalisée sur 7 500 personnes, âgées de 55 à 80 ans et indemnes de maladies cardio-vasculaires. Ces sujets on été répartis dans trois groupes : un groupe témoin pratiquant un régime classique de prévention, pauvre en graisses, en sucre, en viande rouge et riche en fruits et légumes, un deuxième groupe sous régime méditerranéen avec une supplémentation d'huile d'olive et enfin, un troisième groupe, également sous régime méditerranéen mais avec cette fois une supplémentation de 30 grammes par jour d'un mélange de fruits secs riches en lipides.

Le résultat de cette étude est sans appel : une réduction de 30 % du nombre d'accidents cardiaques dans les deux groupes sous régime méditerranéen, par rapport au groupe-témoin. L’étude précise que cette protection s’ajoute aux effets bénéfiques des médicaments que les patients espagnols recevaient pour soigner leur hypertension et leur l'hypercholestérolémie.

L’étude souligne également que pour bénéficier de cet effet protecteur important, il est nécessaire de pratiquer ce type de régime dans sa totalité, car c’est l’interaction et la synergie positives entre les nombreux aliments, vitamines, minéraux et antioxydants qui permettent d’obtenir ces résultats.

Cette étude confirme donc pleinement les conclusions d’une autre étude publiée en décembre 2009 dans le Journal américain d’épidémiologie et intitulée « Risques cardio-vasculaires et régime méditerranéen » (Voir NCBI).

Cette étude montrait déjà que le régime méditerranéen permettrait de diminuer d’environ 40 % le risque cardio-vasculaire.

Dans ce travail, une équipe espagnole avait étudié pendant 12 ans, une population de plus de 40 000 personnes en bonne santé, âgées de 29 ans à 69 ans. Les chercheurs avaient analysé les habitudes alimentaires des participants et en avaient défini une échelle en 18 points mesurant le niveau d’adhésion aux différentes composantes de ce régime.

Les chercheurs avaient constaté qu’il y avait un lien direct entre ce niveau de respect du régime méditerranéen et la faiblesse du risque de troubles cardiovasculaires : une progression d’un point sur l’échelle d’adhésion au régime méditerranéen entraînait en effet mécaniquement une diminution du risque cardio-vasculaire d’environ 6 %.

Au final, les personnes qui pratiquaient en permanence un régime méditerranéen complet diminuaient de 40 % leurs risques cardio-vasculaires par rapport à celles qui n’observaient aucune des composantes de ce régime.

Historiquement, on sait, grâce aux remarquables travaux que réalisa le grand scientifique américain Ancel Keys de 1952 à 1980, que le régime crétois et, par extension, le régime méditerranéen, riche en acides gras polyinsaturés, en céréales, en fruits et en légumes frais et pauvre en viande et en graisses animales, peut réduire très sensiblement la mortalité cardio-vasculaire.

A la lumière de ces études et des nouvelles connaissances accumulées sur cette question au cours des dernières décennies, je crois donc qu’il est à la fois inutile, simpliste et dangereux, de vouloir à toute force, en matière de pathologies cardio-vasculaires, opposer la prévention, absolument nécessaire et qui passe par un changement radical de nos modes de vie, et la prise en charge médicale par les médicaments, dont les statines, lorsqu’elles sont prescrites avec discernement aux patients présentant un risque cardio-vasculaire avéré.

Il est en effet solidement établi sur le plan scientifique et médical que la prévention par le mode de vie et le traitement, par les statines correctement prescrites, loin de s’opposer, se complètent et se renforcent mutuellement.

L’épidémiologie des maladies cardio-vasculaires est une question complexe, qui implique de multiples facteurs génétiques, biologiques, psychologiques et environnementaux et nous devons apprendre à reconnaître cette complexité et à sortir des positions manichéennes et réductrices sur ce sujet.

C’est à cette condition que nous pourrons faire progresser la connaissance sur cette question essentielle de santé publique de manière rigoureuse, vérifiable et argumentée, en restant dans le cadre d’évaluation et d’analyse que nous fournit la science et sans nous égarer dans des interprétations qui relèvent plus de l’opinion ou de la croyance que d’une connaissance objective et rationnelle, même si celle-ci est, par nature, toujours incomplète et toujours discutable.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

http://www.rtflash.fr/sante-cardio-vasculaire-quelle-est-verite-pour-cholesterol/article

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