2011 sera l'Année européenne des activités de volontariat pour la promotion de la citoyenneté active". Marie-Christine Vergiat (GUE/ALE, FR), coordinatrice de son groupe à la commission de la culture et de l'éducation présente les enjeux de cette initiative...
1. Pourquoi avoir déclaré 2011 "Année européenne du volontariat"?
En septembre 2008, le Parlement européen a relayé le souhait formulé par un certain nombre d'organisations de la société civile représentant des millions de femmes et d'hommes bénévoles engagés dans leurs structures au sein de l'Union européenne. La Commission européenne, qui a seule l'initiative législative, a repris cette demande, adoptée par le Parlement et le Conseil en novembre 2009.
Cette décision est d'abord une reconnaissance de l'engagement bénévole et volontaire de nombre de nos concitoyens. A tout âge, ils sont des millions d'hommes et de femmes à donner, quotidiennement gratuitement, du temps et de l'énergie dans des secteurs très diversifiés.
Ils sont à l'écoute des besoins de nos concitoyens et particulièrement des plus fragiles ou démunis d'entre eux et inventent souvent des solutions innovantes et adaptées à ces besoins notamment quand ils sont nouveaux.
Le bénévolat est aussi et peut être avant tout un formidable outil d’éducation populaire et d’émancipation personnelle de nos concitoyens. C'est une des pierres angulaires de notre démocratie et il contribue largement à la formation des citoyens européens que le Traité de Lisbonne entend désormais mieux associer aux décisions de l'Union.
Pour moi, c'est donc tout cela que les institutions européennes dans leur ensemble ont voulu reconnaître en proclamant 2011 «Année européenne du bénévolat».
2. En juillet 2008, le Parlement européen avait adopté une déclaration écrite demandant de déclarer l'année 2011 "Année européenne du bénévolat". On sait par ailleurs qu'en anglais "volunteering" signifie aussi bien "volontariat" que "bénévolat". Pourquoi ce changement? De quel type d'activités s'agit-il?
Je ne pense pas que ce changement soit révélateur d'une évolution quant à l'objectif de cette reconnaissance mais c'est par contre très significatif des difficultés de compréhension que nous pouvons avoir sur un certain nombre de sujets
Pour moi, parler de volontariat est une erreur de traduction des termes anglais «volunteering» et «volunteer». En effet, en français, "volunteer" peut se traduire tant par «volontaire», au sens d'acte de volonté que par «bénévole» au sens d'acte gratuit.
Il n'y a aucun doute que, dans l'esprit des uns et des autres, c'est bien d'abord et avant des bénévoles dont on veut parler. Ce n'est pas dramatique en soi mais je crains que cela soit source d'incompréhension notamment dans les pays francophones comme ce fut le cas au moment de l'année internationale du "volontariat" proclamée par l'ONU en 2001 dont cet organisme entend pourtant parallèlement fêter le 10ème anniversaire. Ceci est particulièrement vrai en France où le volontariat correspond à des statuts juridiques très précis mais relativement limités.
J'ai essayé de faire évoluer les choses lors du passage de ce projet en commission «Culture et éducation» en octobre 2009 mais l'amendement proposé a été considéré comme linguistique et n’a donc pas été soumis au vote.
Avec ma collègue Catherine Soullié, nous avons donc saisi Pierre Lellouche, notre ministre des affaires européennes, avant l'adoption de la proposition en Conseil.
Le ministre nous a répondu que la prise en compte de cette «particularité française" avait été intégrée dans le texte adoptée par le Conseil le 27 novembre 2009: «Tenant compte des spécificités de la situation de chaque État membre et de toutes les formes de volontariat, les termes «activités de volontariat» font référence à tous les types d’activités de volontariat, formelles, non formelles ou informelles, qui sont exercées par des personnes de leur plein gré, de leurs propre choix et motivation et sans objectif de gain financier. […]».
Je ne trouve pas cette réponse satisfaisante et j'espère qu'en France nous célébrerons bien «l'Année européenne du bénévolat».
Il nous appartient de profiter de cette occasion pour valoriser l’engagement sans contrepartie de ces millions d'hommes et de femmes qui contribuent au lien social et à la cohésion de notre société, qui développent des activités sociales, éducatives, sportives ou culturelles, accessibles à tous et à toutes, qui organisent les loisirs de nos enfants, prennent en charge les personnes âgées ou handicapées, apportent aide et soutien aux personnes les plus en difficulté ou encore s'engagent en faveur de la protection de l’environnement, de la lutte contre les discriminations ou de la défense des droits fondamentaux pour ne donner que quelques exemples.
3. Quelles seront les actions concrètes de l'Union européenne engagées en faveur du bénévolat?
Cette «Année européenne» a tout d’abord été dotée d'un budget conséquent de 8 millions d'euros en sus des actions habituelles financées par l’Union.
La volonté est de reconnaitre et de promouvoir cet engagement citoyen afin de permettre à un nombre encore plus important de personnes de s'engager.
Des efforts doivent particulièrement être faits pour valoriser les bonnes pratiques et les échanges d'expériences.
Un accent tout particulier pourra être mis sur les actions favorisant les liens intergénérationnels, la lutte contre les discriminations ou les échanges interculturels. Le Parlement européen a ainsi notamment souhaité insister sur l'engagement des demandeurs d'asile et des étrangers en situation régulière.
Il sera également important de faire en sorte que l'ensemble des "parties prenantes" puissent être associées. Ceci est vrai pour l'ensemble des institutions européennes mais aussi des autres autorités internationales concernées comme les Nations unies ou le Conseil de l’Europe tout comme des Etats membres, qu'ils s'agissent des Etats nationaux ou des autorités décentralisées, et aussi, bien sûr, des structures qui fédèrent ces bénévoles et notamment les associations.
La mise en place d’un portail électronique sur le site Europa est notamment prévue dans ce but, conçu comme un espace interactif de coopération.
Plus concrètement, il s'agira aussi de favoriser l'exercice des activités bénévoles et volontaires et d'encourager par exemple les Etats membres à réduire les contraintes administratives qui peuvent parfois les entraver.
De même, il sera important de favoriser la mobilité (en faisant y compris mieux connaitre les programmes européens existants) mais aussi de faciliter la reconnaissance des aptitudes acquises ou encore le financement des projets locaux, régionaux et nationaux y compris en reconnaissant juridiquement cet apport bénévoles notamment dans le cadre des financements publics.
Enfin, il ne peut s'agir d'un simple moment de communication sans lendemain, C'est pourquoi le Parlement a souhaité que cette année européenne soit suivi de l’élaboration d’un Livret blanc sur le bénévolat qui favorise la mise en œuvre à long terme d'un environnement favorable au développement des activités bénévoles en Europe.
4. Pensez-vous que le bénévolat puisse jouer un rôle important dans le développement économique, en Europe mais aussi en faveur des pays en développement?
Les institutions européennes ont encore trop tendance à ne valoriser que des activités marchandes au sens strict du terme.
Or les activités bénévoles sont très largement sources de richesses sur le plan culturel, social (on parle alors de plus value socioculturelle) mais aussi économique qu'il faut alors entendre au sens large du terme et non strictement monétaire et utilitariste.
Les activités bénévoles sont d’ailleurs créatrices d’emplois et, même si elles jouent un rôle important en termes d'insertion ou de réinsertion, elles ne peuvent être limitées à cela.
Pour s’en rendre compte, il suffit d’imaginer comment notre société fonctionnerait sans l’ensemble de ces activités réalisées par des bénévoles.
C’est pour cela, qu’au Parlement européen, nous avons demandé le «renforcement de la visibilité de leur apport au revenu national et de leur impact sur la société».
Il en va de même en matière de coopération où le rôle des ONG est considérable. L'Année européenne du bénévolat peut là aussi faire progresser les valeurs de démocratie et de droits de l'Homme en montrant que l'Europe y accorde la même importance qu'aux enjeux économiques. C'est ainsi que nous démontrerons que ces valeurs sont bien universelles et ne sont pas seulement un moyen pour les occidentaux de tenter de sauvegarder leur suprématie.
5. Qu'est-ce qui différencie, selon vous, le volontariat, en tant qu'activité rémunérée, d'un emploi quelconque?
Il convient de préciser que les activités bénévoles au sens strict du terme ne sont la plupart du temps aucunement rémunérées comme un travail salarié. Elles peuvent cependant être indemnisées notamment pour ne pas réserver ce type d'engagement à ceux et celles qui en ont les moyens. Il convient donc de faire en sorte que cette indemnisation soit suffisamment élevée pour recouvrir les frais engagés par les bénévoles.
En France, à côté des activités bénévoles stricto sensu, se sont développées d’autres activités qui sont aujourd’hui juridiquement reconnues sous le terme de volontariat et donnent lieu à une indemnisation d’un montant qui demeurent relativement peu élevé et est plus ou moins équivalent à celui du RMI (ou du socle du RSA). Ces activités volontaires s’exercent le plus souvent exclusivement au profit de structures à but non lucratif sous contrôle des autorités publiques. Elles correspondent à un engagement sur une durée plus courte que les activités bénévoles, limité dans le temps et le plus souvent à temps plein.
Tel est le cas notamment du volontariat européen, du volontariat de solidarité internationale, du volontariat civique ou du volontariat associatif.
Ce sont souvent des jeunes qui s’engagent ainsi au sortir de leur cursus scolaire et avant d’entrer pleinement dans la vie active.
6. Ne craignez-vous pas que la promotion du bénévolat n'encourage le travail précaire?
Dans le cadre de la résolution adoptée par le Parlement européen, nous avons particulièrement insisté sur le fait que les activités bénévoles ou volontaires ne devaient en aucun cas remplacer des activités rémunérées et devaient être exercées dans un but d’intérêt général pour accomplir des activités ayant des objectifs sociaux ou culturels. Pour éviter toute dérive, je pense qu'il est important que toute indemnisation soit strictement encadrée, a défaut, en cette période de crise économique et sociale, il est possible que certains veuillent profiter de cette générosité que je qualifierais d'assez naturelle (puisqu'elle existe partout dans le monde) de nos concitoyens.
REF. : 20100211IPR68847
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