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Date :  2010-01-28
langue :  Français
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Engagement(s) et Mondialisation(s) - Quelques réflexions sur l’engagement citoyen des jeunes à l’ère des mondialisations

Contribution au Forum Jeunesse « L’engagement des jeunes ici et ailleurs »
organisé par la Fédération nationale Léo Lagrange,
Montpellier, 30-31 octobre - 1er novembre 2009

Source :  Julia Guimier


Je crois que si j’en avais eu l’occasion, j’aurais posé au public des jeunes et moins jeunes qui assistaient à la table ronde consacrée à la solidarité internationale (1), la question suivante : pouvez-vous énoncer une expression ou formule qui vous viendrait à l’esprit si vous deviez mettre en relation les mots « engagement[s] » et « mondialisation[s] » ?

Il y a une forte probabilité pour que dans les réponses, trois formules ou idées reviennent.
La première idée serait que la question de l’engagement par rapport à l’objet « mondialisation » se formulerait en termes d’ « être pour ou contre la mondialisation ». Cette formule, largement véhiculée par les médias comme par les sphères politiques nationales (française en tous cas (2)), est représentative de la manière passionnée et polarisée dont l’objet « mondialisation » a fait irruption dans les débats au début des années 2000 et par le biais de laquelle il continue largement d’être appréhendé.
La deuxième idée serait une identification de cet engagement aux mouvements dits « anti- » ou « alter-mondialistes ».
La troisième idée, enfin, serait celle à laquelle nous avons affaire à travers des expressions telles que « citoyen du monde » et « citoyenneté mondiale » : des expressions hautement métaphoriques qui, bien que l’objet qu’elles désignent donne lieu à une déconstruction critique, semblent « parler » à beaucoup en tant qu’elles feraient signe vers des pratiques et échelle nouvelles d’engagement citoyen. Par exemple, être « consom’acteur » et faire ses courses auprès de producteurs locaux biologiques, signer une pétition en ligne en faveur d’accords internationaux ambitieux dans la lutte contre le changement climatique ou encore, participer à des flash mob (3) seraient autant de figures de ces « nouveaux » engagements.

Tout se passe comme si, dans ce contexte d’enjeux planétaires inédits auxquels répondrait l’émergence de nouvelles figures d’engagement (4), l’engagement citoyen dans ses formes et expressions plus traditionnelles, tel que celles de l’éducation populaire ou de la solidarité internationale, n’avait pas de place dans un rapprochement entre « engagement » et « mondialisation ». Je crois au contraire qu’une approche plurielle du phénomène « mondialisation », telle que le préconise le GERM (5) depuis 1999, permet de mettre ces engagements citoyens plus traditionnels (et en particulier celui des jeunes) en perspective, et d’en resituer le sens dans un horizon plus large. Que vise cette démarche ?
Elle vise, dans ces expériences inhérentes à l’engagement citoyen que sont le doute, le découragement ou le retour réflexif sur sa pratique, la possibilité qu’il y a pour nous, jeunes citoyens d’ici et d’ailleurs, de parvenir à « faire du lien ». Faire du lien entre, d’un côté, notre pratique citoyenne locale et de l’autre, certains des grands défis de notre temps qui se posent aujourd’hui tant à l’échelle de nos sociétés qu’à l’échelle du monde.


1. Sortir de la représentation stéréotypée du phénomène « mondialisation »

Cette représentation partielle, c’est celle que l’on active lorsqu’on parle de « la » mondialisation au singulier comme si on avait affaire à un phénomène bien connu et simple. Appréhender le phénomène de mondialisation au pluriel (les mondialisations) au contraire relève de la refondation conceptuelle et d’un changement de représentation. C’est le chemin pour une approche à la fois plus fidèle des mutations du monde contemporain et plus constructive.

1.1 Des projets et figures de mondialisation pluriels

En effet, d’abord, l’histoire du monde a connu plusieurs mondialisations au sens où dès l’Antiquité et jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, des « mondes » au sens social ont été créés par des pays et des empires à travers des échanges économiques et culturels. Ensuite, la mondialisation économique et financière (6) que l’on retient souvent comme le plus récent des processus de mondialisation historiques, n’est en aucun cas l’unique figure des processus mondialisés (7) à l’œuvre en ce début de 21ème siècle - comme une utilisation au singulier du terme tend à le faire penser.
Dans cette perspective, parler d’engagement citoyen et de mondialisation ne peut plus s’effectuer à travers le prisme unique du « pour » ou du « contre » « la » mondialisation. Pourquoi ? Car il n’y a rien de contradictoire à nous prononcer par exemple « contre » la mondialisation de l’application des principes de l’économie de marché à l’ensemble des champs de l’activité humaine, « contre » la mondialisation des effets de la dégradation anthropique de l’environnement, tout en adhérant aussi à d’autres projets de mondialisation à l’œuvre aujourd’hui. Pensons par exemple à la mondialisation de l’aide humanitaire, celle du droit international ou encore celle des échanges des biens et expressions culturels.

1.2 Engagement citoyen et mondialisation des solidarités

C’est d’ailleurs cette approche des mondialisations au pluriel qui permet de mieux comprendre la dynamique de ce qui est appelé de nos jours l’« altermondialisation ». Au début des années 2000, probablement en réaction aux opérations coup de poing de contestation opérées par des activistes militants sur des lieux et à des moments symboliques de la globalisation économique et financière (8), le discours politique et médiatique avait stigmatisé les acteurs de cette contestation sans précédent sous le vocable d’ « anti-mondialistes ». Et le terme « altermondialisation » a été forgé au cours de l’année 2001 dans le cadre d’une discussion transnationale menée par des acteurs de la société civile engagés dans l’élaboration conjointe du Forum social mondial (FSM) pour faire face à cette hétéro-désignation. Pour ces acteurs, cette désignation ne rendait compte en effet ni du contenu ni des modalités de cette dynamique de mobilisation prenant pied sur tous les continents, à savoir :
i) que si c’est une « contestation », c’est avant tout celle d’un projet de mondialisation bien spécifique, celui de la mondialisation de l’application des principes de l’économie marchande à l’ensemble des activités humaines, et rarement une contestation d’autres formes de mondialisation émancipatrices pour l’homme (9) et :
ii) que cette dynamique ne se limite pas à une contestation en tant qu’elle constitue aussi et surtout la recherche d’alternatives à travers la mise en œuvre d’expérimentation de nouveaux modèles d’organisation économique, sociale, politique et culturelle (10).

Il me semble alors que pour être vécu aussi comme l’affirmation d’une prise de position dans les débats sur les grands défis mondiaux, l’engagement citoyen des jeunes d’aujourd’hui n’a pas à passer l’épreuve d’une sorte d’« affiliation ». Il n’a pas à s’affilier à ce qui s’apparenterait à un parti politique ou à un programme idéologique unifié puisque l’altermondialisation n’est justement pas cela (11). En revanche, en tant qu’il constitue un acte par lequel le sujet réaffirme l’importance primordiale de la solidarité et du politique dans l’organisation de la vie collective, l’engagement citoyen peut être pensé comme un des principes ou une des valeurs dans lequel l’ensemble des acteurs de cette « mondialisation des solidarités » (12) se retrouveraient, au-delà de leurs différences (13). Penser l’engagement citoyen en dehors du débat « pour ou contre la mondialisation » est donc possible et souhaitable.

Parallèlement, l’engagement citoyen contemporain peut et doit être repensé à la lumière des mondialisations car ses causes et son sens sont en grande part redéfinies par ces dernières.


2. Engagement citoyen de jeunes : du local au global – un lien à la fois possible et nécessaire

Les représentations multiples de l’engagement citoyen contemporain sont forgées aujourd’hui en partie par nos écrans de télévision, les sites de réseaux sociaux que nous fréquentons, comme par les journaux gratuits des transports en commun très friands d’expressions telles que « citoyenneté mondiale », « village mondial », « action solidaire », « mobilisation pour le respect de la planète ». Ces média ont pour avantage de témoigner de l’émergence de ce qu’on pourrait appeler de nouvelles causes « globales » et modalités d’engagement (14).
Cependant, dans cette hypertrophie de la nouveauté et du global, les engagements citoyens plus « traditionnels » à la fois de par leurs causes (pauvreté, discrimination, illettrisme, etc.) et leurs modalités de concrétisation (le réseau d’éducation populaire, l’échange de jeunes, le chantier de solidarité internationale, etc.) semblent être relégués à l’arrière-plan. Ils apparaissent comme secondaires ; leurs acteurs auraient moins affaire aux défis contemporains de la planète que ceux qui luttent pour la préservation de l’environnement par exemple. Vouloir penser son engagement de volontaire dans un réseau de lutte contre les discriminations à l’école, dans le cadre d’une réflexion personnelle plus large sur les grands enjeux globaux, cela ne ferait pas sens ; ce serait mettre en lien des choses sans rapport. Je pense au contraire que c’est là une démarche légitime et qui fait sens. Pourquoi ?

2.1 Complexification et interdépendance croissante des causes de l’engagement citoyen

Cette démarche fait sens d’abord en ce que les engagements citoyens prennent pour objet de lutte des réalités locales (les discriminations, les pauvretés, la pollution, etc.) dont les causes et les mécanismes de reproduction ne peuvent souvent plus être expliqués uniquement par des facteurs locaux. Ces causes et mécanismes doivent être replacés dans une perspective souvent mondiale.
Par exemple, être volontaire dans un programme de sensibilisation aux discriminations auprès d’écoliers et d’étudiants, ce n’est pas simplement lutter contre le racisme à l’école ou dans les rues de sa ville. C’est aussi s’inscrire dans un contexte régional et mondial caractérisé par plusieurs éléments que sont :
i) le métissage culturel croissant des sociétés et la complexification des appartenances individuelles et collectives,
ii) la complexification et la mondialisation des mécanismes de reproduction des inégalités et des asymétries de toute nature participant aux migrations, que ces dernières soient choisies ou subies (15),
iii) un effort d’analyse et de compréhension grandissant par la communauté internationale (16) de l’enjeu cosmopolitique de la diversité culturelle et du dialogue interculturel.

2.2 Ce qu’affirment nos actes d’engagement : la primauté de l’humain sur le marchand

D’autre part, resituer son engagement citoyen local dans une réflexion plus large sur les mutations contemporaine du monde fait sens aussi parce que ces pratiques citoyennes de jeunes s’inscrivent bel et bien dans la démarche de construction d’un monde habité (et non pas d’un « globe » déshumanisé). Bref, d’un projet de mondialisation qui place l’humain au cœur des évolutions générales.
Que faisons-nous en effet lorsque nous nous engageons en tant que « volontaires » (certains dirons « bénévoles ») sur un projet de solidarité ?
Nous mobilisons et orientons un peu (ou beaucoup) de notre temps, de notre énergie et de nos compétences sans attente de contrepartie financière. Et lorsque nous faisons le choix de ne pas inscrire ces trois ressources dans le processus marchand, nous n’appréhendons pas notre action – ni son résultat - dans la perspective d’un gain économique.
Ce qui est attendu ou recherché est d’une autre nature, de nature qualitative, de l’ordre du social et de l’humain. Il s’agit de tout ce qui ne se plie pas à l’exercice comptable : la transmission et l’appropriation des savoirs, le partage de moments de convivialité et de solidarité, le développement de l’esprit critique et de l’ouverture à l’autre, l’apport d’une présence réconfortante, etc. Ce que l’engagement citoyen vise c’est bien la réduction des fractures et des asymétries de tous ordres que le projet de globalisation marchande ne cesse d’aggraver, voire de démultiplier, à l’échelle locale : à l’échelle même où ces fractures et asymétries ne sont plus des statistiques mais bien des expériences humaines, vécues au jour le jour.
C’est donc dans cette réaffirmation en acte de la primauté du lien social sur le lien marchand, de la primauté de l’intérêt général sur l’intérêt particulier, comme principes d’organisation de la Cité que l’engagement citoyen du jeune peut être appréhendé comme participant d’une démarche de construction d’autres possibles.

Mais cette participation des jeunes à la construction d’autres possibles ne peut se faire à mon avis qu’à condition que certaines conditions soient réunies. Je propose d’en esquisser trois parmi d’autres.


3. L’engagement des jeunes à la hauteur des enjeux d’un monde en mutation - quelques impératifs

C’est l’engagement « des jeunes » en particulier que le Forum organisé par la Fédération Léo Lagrange mettait au cœur des réflexions et des débats. La cohérence de ce choix avec le public traditionnel et la nature des actions de la Fédération est aisément cernée. En revanche, il me semble que poser la question de ce qui fait la spécificité de l’engagement citoyen de cette « catégorie » de population – plus que cela ne l’a été fait dans le cadre du Forum – n’aurait pas été inutile (17). Bien sûr, l’objet du Forum n’était pas de discuter des critères d’une catégorisation sociologique qui fait l’objet de nombreuses recherches par ailleurs. Mais comment ne pas l’évoquer de manière légitime dès lors :
i) que le contexte mondial actuel est marqué par des défis environnementaux, culturels, socioéconomiques (18) dont les solutions véritablement durables reposent en partie sur la capacité des « générations futures » (19) à en comprendre les enjeux profondément cosmopolitiques, à se les approprier et à en faire des exigences politiques, et :
ii) que la question de la possibilité économique personnelle de s’engager quand on étudie et/ou qu’on vient d’entrer dans la vie active sur un marché de l’emploi de plus en plus difficile, est une préoccupation des jeunes qui revient sans cesse dans les rencontres informelles comme dans les débats sur les statuts et les politiques de jeunesse ?

Il me semble que si la nature politique de l’engagement citoyen reste la même à travers les âges, ses modalités d’actualisation ne peuvent être les mêmes que l’on ait dix-huit, trente ou cinquante-cinq ans. Deux raisons notamment rendent la question de la catégorisation « jeunesse » légitime dans une réflexion sur l’engagement des jeunes à l’ère des mondialisations, dans la mesure où il nécessite la mise en place de politiques (20) capables de le favoriser. Ces deux raisons sont liées à deux traits spécifiques que l’on peut attribuer à cette période transitoire de l’enfance à la maturité de manière relativement consensuelle. D’une part, l’importance qu’acquièrent les connaissances et les expériences de tous ordres pour l’épanouissement des potentialités qui feront l’adulte et le citoyen futur. Et d’autre part, une situation personnelle de « transition » (21) entre la dépendance socioéconomique aux parents d’un côté et l’autonomie économique de la vie d’adulte, de l’autre.
Je propose d’esquisser trois pistes concernant les impératifs de ce qui pourrait être un engagement citoyen de jeune à la hauteur des défis du monde contemporain. C’est-à-dire un engagement capable de saisir les enjeux de son action pour mieux participer à la construction de réponses durables.

3.1 Un devoir d’information et de réflexion critique sur son engagement

Si l’ « action » (intervenir comme volontaire dans un réseau, participer à un chantier international) est essentielle dans l’engagement citoyen (22), elle ne l’épuise nullement. L’exigence d’exercer sa faculté à s’informer et à juger de manière « critique » (23) conditionne l’accès à un engagement citoyen responsable : c’est-à-dire qui parvienne à replacer le sens de son action dans une perspective plus large, celle des dynamiques plurielles (politiques, économiques, culturelles et environnementales) qui transforment le monde d’aujourd’hui.
Dans ce contexte, l’école, les pouvoirs publics et les organisations de solidarité internationale doivent pouvoir offrir aux jeunes non seulement une appropriation de ces outils « critiques » de mise en perspective mais encore des espaces de dialogue et de confrontation constructive.
Je crois par exemple que la démarche de l’éducation par les pairs ou des échanges de jeunes sont des cadres particulièrement propices au développement d’un tel engagement. D’abord, parce qu’elle rassemble des jeunes qui auront des positions politiques et des expériences socioculturelles différentes autour d’un projet commun d’intérêt général qui deviendra espace d’échanges. Ensuite, parce qu’elle propose d’accompagner les jeunes grâce à une pédagogie axée sur l’analyse outillée des pratiques menées ainsi que sur les témoignages et mises en miroir d’expériences.

3.2 L’engagement citoyen comme aventure formatrice

Deuxièmement, l’engagement citoyen doit pouvoir être pensé et vécu comme l’expérience d’une véritable formation personnelle.
Cette formation, c’est d’abord celle du développement de la personnalité et de l’identité en réponse à l’expérience essentielle de l’altérité. L’expérience de l’altérité, celle de ce qui m’est à la fois étranger et inconnu, est devenue aujourd’hui primordiale pour que le jeune soit à même de vivre de manière épanouie une époque caractérisée, sans doute à un degré supérieur qu’à d’autres périodes de l’histoire, par l’inter connectivité croissante, la complexification des appartenances socioculturelles, les possibilités accrues de travailler et de vivre dans des pays étrangers , etc. On pourrait ainsi parler du rôle du chantier international, des implications dans un réseau de volontaires, du développement d’un projet de vacances solidaires, comme des espaces de développement de compétences « humaines » et « interculturelles » rendues indispensables aujourd’hui pour évoluer de manière sereine et dynamique dans des sociétés multiculturelles et en mutations constantes.
Ensuite, cette formation, c’est aussi celle qui vise le développement de compétences professionnelles. Du point de vue des professionnels, cela veut dire notamment mettre en place une aide à la réflexion sur les pratiques ainsi qu’à la valorisation des compétences développées (en termes d’animation, d’organisation logistique, de plaidoyer, etc.) sur les CV des jeunes volontaires postulant à l’admission d’une formation académique ou professionnelle, à un emploi ou à un stage.

3.3 L’engagement citoyen des jeunes comme priorité politique des collectivités

Enfin, l’engagement citoyen des jeunes doit continuer de faire l’objet d’une priorité politique pour les acteurs publics et en particulier ceux des échelles locales de gouvernance.
Les collectivités régionales et locales s’affirment de plus en plus comme des acteurs incontournables de l’élaboration et de la mise en œuvre de solutions aux défis pluriels de la planète. La pertinence et la légitimité de ces échelles de gouvernance intermédiaires à jouer un tel rôle international reposent en partie dans leur capacité à animer une double dynamique. Celle de la promotion de l’appropriation par les plus jeunes d’enjeux de société globaux ayant un impact local dans la vie de chacun. Et parallèlement, celle de la démocratisation du débat public sur les enjeux contemporains, de la participation politique des jeunes générations à une vie de la Cité dont les enjeux pluriels ne peuvent être aujourd’hui pleinement saisis que dans une perspective à la fois locale et mondiale.
Dans ce contexte, les collectivités locales et régionales doivent impérativement poursuivre, si ce n’est intensifier, leurs politiques de soutien aux organisations diverses oeuvrant en faveur de l’engagement des jeunes dans des projets de citoyenneté active. Il s’agit par exemple, à travers des financements aux associations leur permettant de prendre en charge les frais liés aux formations ainsi qu’aux interventions de terrain, de permettre à l’engagement citoyen de devenir un projet à part entière qui puisse être mené en parallèle aux études ou au travail professionnel. (24)


En guise de conclusion

Tout engagement citoyen de la jeunesse peut et doit être à la fois vécu et pensé comme participant d’une dynamique mondiale de création et d’expérimentation des possibles.
A une époque où les enjeux de société se posent en termes planétaires, où l’aggravation sans précédent d’asymétries anciennes de tous ordres (économiques, culturelles, politiques, environnementales) remet en cause les possibilités mêmes du vivre-ensemble, cet engagement citoyen constitue, pour reprendre l’expression de Stéphane Douailler, un acte « d’affirmation-de-monde » (25).
L’engagement citoyen oppose en effet aux projets de marchandisation et d’uniformisation de tout ce qui est par essence unique et a une valeur per se (les destins singuliers, les aspirations, les créations, les biens de la nature), aux projets qui créent des mondes distincts et d’exclusion, l’affirmation lancinante de l’existence irréductible d’un seul monde. C’est-à-dire d’un ensemble ontologiquement divers se reconnaissant par delà les différences dans un destin commun. Peut-être alors, dans les moments d’abattement, de « à quoi bon ? », dont nous faisons parfois l’expérience en tant que citoyen engagé et libre, pouvons-nous repenser au caractère essentiel de notre engagement dont l’horizon est résolument cosmopolitique.


Notes :

(1) Ce texte n’a pas l’ambition d’être un article scientifique, ni par sa forme ni par son contenu. Il peut être plutôt lu comme le résultat d’une réflexion qui se fixait pour objectif de faire du lien entre d’un côté une expérience personnelle de « jeune » engagé dans diverses actions citoyennes et notamment comme volontaire du réseau Démocratie & Courage de la Fédération Léo Lagrange et de l’autre, une pratique professionnelle salariée comme chargée d’édition et de recherche au GERM - Groupe d’études et de recherches sur les mondialisations. Cette démarche a été initiée par la préparation d’une intervention sollicitée par la Fédération Léo Lagrange dans le cadre du Forum Jeunesse « L’engagement des jeunes ici et ailleurs » en octobre 2009 à Montpellier. C’est donc sous cette double casquette que je suis intervenue à la table ronde de la thématique « Dialogue entre les cultures – Projet de développement et d’échanges inscrits dans une démarche de solidarité internationale » du Forum et ai écrit ce texte après le Forum.
(2) Rapport sur la France et la mondialisation, par M. Hubert Védrine, septembre 2007 (http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/salle_de_presse/2007/septembre/rapport_sur_la_france_et_la_mondialisation_par_m_hubert_vedrine.79348.html )
(3) Les « Flash mobs » sont des mobilisations éclair comme en propose notamment l’Ultimatum climatique, une coalition de 11 des plus importantes organisations françaises, de défense de l’environnement, des droits de l’homme et de solidarité internationale, à la veille du Sommet international des Nations Unies sur le climat (Copenhague, 7-18 décembre 2009).
(4) Nouvelles figures d’engagement citoyen que l’on peut aisément relier au débat centré sur le phénomène « mondialisation » en raison des enjeux globaux qu’elles prennent pour cause.
(5) Le GERM (Groupe d’études et de recherches sur les mondialisations) est une association française (loi de 1901) fondée en 1999 et présidée par François de Bernard. Le GERM entend dépasser la réduction de « la mondialisation » à l’économie, et s’intéresse aux différentes mondialisations en cours dans tous les champs, en particulier ceux de la culture, de l’éducation et des sciences. Il a pour objectifs de : i) faire progresser la recherche et le débat sur ces mondialisations ; ii) former les citoyens à leur prise en compte dans leurs activités ; iii) élaborer des propositions visant à une meilleure maîtrise des processus concernés par tous. Son site www.mondialisations.org est accessible en 5 langues. Il offre sans péage plus de 25.000 documents essentiels et un dictionnaire critique pour mieux comprendre les différentes figures et enjeux des mondialisations contemporaines.
(6) « Globalisation » en anglais.
(7) Le GERM définit les mondialisations comme des processus et projets « mondialisés », c’est-à-dire : i) diffusés à l’échelle du monde humain, en dépit des barrières d’origine nationale, géographique, technologique, linguistique, etc. ; ii) mettant à la disposition des hommes de toute origine, culture et pays : des idées, des contenus, des services et des produits semblables ; enfin : iii) susceptibles d’avoir un impact "mondial" sur les activités humaines, quelle que soit leur nature.
(8) Par exemple en 1999 au Sommet de l’OMC à Seattle, et en 2001 avec l'autre Davos prenant le contre pied du Sommet du G8.
(9) Telles les mondialisations de l’action humanitaire ou des luttes en faveur des droits de l’Homme.
(10) Cette recherche et expérimentation de nouveaux modèles d’organisation s’appuie aussi sur la mise en perspective critique du projet de mondialisation économique néolibérale à travers des états des lieux et des bilans comparatifs de ces mises en œuvre dans divers champs de l’activité humaine (culture, commerce, enseignement, etc.). Cf. l’entrée « Altermondialisation » rédigée par François de Bernard dans le Dictionnaire critique de la mondialisation du GERM : http://www.mondialisations.org/php/public/art.php?id=22205&lan=FR
(11) Et l’antimondialisation quant à elle demeure une expression incompatible avec un positionnement qui adhérerait à des projets de mondialisation émancipateurs.
(12) Cf. l’entrée « Solidarités » rédigée par Michael Löwy pour le Dictionnaire critique de la mondialisation du GERM : http://www.mondialisations.org/php/public/art.php?id=2927&lan=FR
(13) Des mouvements issus de tous les continents, de formes institutionnelles, de modalités d’action et d’objet de lutte divers et variés : mouvements de paysans, mouvements de femmes, organisations luttant pour le respect des droits humains, organisations environnementales , etc.
(14) Notre propos n’est pas ici de nous interroger si oui (et dans quelle mesure) ou non ces nouvelles modalités de participation aux débats sur les enjeux globaux, de prise de position et d’action (signature de pétition en ligne, consommation bio, etc.) constituent des formes d’ « engagement » au sens socio-politique et philosophique du terme.
(15) Il peut s’agir des conflits alimentés par des motivations fondamentalement économiques et géopolitiques, des politiques macro-économiques décrétées au sein d’institutions internationales, des conséquences du changement climatique et de la multiplication des catastrophes naturelles : bref autant de facteurs dont les mécanismes de reproduction ne sont en rien « locaux » qui expliquent en grande partie l’existence les mobilités individuelles contemporaines.
(16) Et en particulier de certaines organisations internationales ou multilatérales telles l’Unesco ou le Conseil de l’Europe.
(17) Il est inutile de rappeler que depuis très longtemps et dans toutes les sociétés la jeunesse constitue un objet de représentation culturelle, de même qu’un objet d’analyse que différents champs disciplinaires, au premier rang desquels la sociologie, a contribué à forger en tant que catégorie sociologique dynamique. Comme le rappellent Thierry Blöss et Isabelle Feroni, « les modes de catégorisation sociale constituent des objets d’analyse sociologiquement pertinents dans la mesure où, d’une part, ils constituent des instruments de classement des individus et de leurs comportements, et, d’autre part, ils sont au fondement des modes de traitement politique de ces individus. » (Thierry Blöss et Isabelle Feroni, « Jeunesse : objet politique, objet biographique », Enquête, La socialisation de la jeunesse, 1991, [En ligne], mis en ligne le 8 février 2006, http://enquete.revues.org/document147.html).
(18) Ces grands défis mondiaux que sont les mutations climatiques, la persistance de la faim, l’aggravation des asymétries Nord-Sud, les guerres, le retour des crises économiques, ainsi que la multiplication des crispations identitaires de toutes sortes.
(19) C’est-à-dire non seulement des générations qui n’ont pas encore vu le jour mais aussi des jeunes d’aujourd’hui, ceux-là même qui seront les adultes et citoyens de demain.
(20) par les institutions politiques comme par les organisations de la société civile.
(21) « Transition » qui n’est pas forcément linéaire, selon les contextes socioéconomiques collectifs et personnels.
(22) Car sans l’action – la mobilisation du temps, de l’énergie personnelle et de ses compétences autour d’un projet d’engagement plus ou moins long - l’engagement citoyen change de nature, il redevient l’engagement citoyen « passif », celui que confère la naissance en sociétés démocratiques à tout être qui devient sujet politique (droit et devoir de vote, par exemple).
(23) De manière « critique », non pas au sens de « critiquer », mais au sens de mettre à distance, de remettre en question des certitudes, des opinions, des préjugés.
(24) Nous ne visons pas ici les dispositifs de « volontariat » international en entreprise ou de volontariat de solidarité qui s’étalent sur plusieurs mois voire un ou deux ans et prévoient des indemnités pour la vie quotidienne, mais des dispositifs dont les modalités, il y a quelques années encore, auraient été celles du bénévolat pur et dur.
(25) Cf. l’entrée « Monde » du Dictionnaire critique de la mondialisation du Germ : http://www.mondialisations.org/php/public/art.php?id=163&lan=FR


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