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Date :  2009-09-17
langue :  Français
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La mondialisation au service d’une libération de la spiritualité ? Le cas de l’islam

Source :  Stéphane Valter


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La représentation de Dieu dépend de chaque société, c’est-à-dire de facteurs humains : historiques, politiques, économiques, sociologiques, etc. Par ailleurs, le combat idéologique ancestral au nom de la Vérité a pris une ampleur nouvelle dans le cadre de la mondialisation : des théologies contradictoires sont dorénavant en concurrence directe, grâce aux nouveaux médias comme aux échanges de personnes et d’idées, et elles exacerbent souvent les tensions entre individus, groupes ou États. Toutefois, l’offre diversifiée de religion peut aussi atténuer les anciennes barrières dogmatiques, et donc les conflits, en favorisant une nouvelle spiritualité qui serait ouverte et tolérante, relativiste et syncrétique en quelque sorte. Le christianisme sera abordé dans un premier temps pour permettre une meilleure appréhension de l’islam.

Quand les chrétiens inventèrent leur Dieu

Sans prétendre présenter une étude détaillée sur la genèse hésitante de la christologie, nous pouvons quand même fournir quelques repères historiques qui devraient permettre de relativiser le caractère sacré et immuable attribué à la nature de Dieu (s’Il existe !) de même qu’à Sa volonté et à Ses décrets, définitions dont chaque paroisse revendique le monopole. Il devrait alors être possible de reconsidérer les différents dogmes chrétiens et de ne les percevoir que comme le fruit de querelles politiques et de controverses idéologiques particulières déterminées historiquement et culturellement. Et même si la pensée religieuse des premiers chrétiens développa une logique cohérente fondée sur la philosophie grecque spéculative, il serait erroné que nous nous limitassions aux conclusions des premiers théologiens qui inventèrent un Dieu selon leurs espoirs et leurs angoisses. Car même si de nombreuses élaborations théologiques conservent une valeur éternelle, d’autres méritent une déconstruction devant mener à de nouvelles conceptions, ouvertes, tolérantes et adaptées à une ère d’interactions intensives.
Le christianisme fut longtemps persécuté jusqu’à ce que l’empereur Constantin accordât des faveurs aux chrétiens avec l’édit de Milan en 313. Cette tolérance allait donner une incroyable impulsion à l’Église, ou plutôt aux différentes églises comme aux nombreuses sectes (1). Puis vint le concile de Nicée en 325 avec la condamnation de l’arianisme (répandu entre les IVème et VIème siècles) (2). Quand le christianisme devint la religion officielle de l’empire en 380, la pluralité dogmatique ne pouvait plus être tolérée sous peine de graves bouleversements politiques. Le concile de Constantinople (381) décida alors de confirmer solennellement la condamnation de la doctrine de Sabellius, autre hérésiarque chrétien (Cyrénaïque, début du IIIème siècle) (3). Lors du concile d’Éphèse (431), la doctrine de Nestorius, moine hérésiarque d’Antioche devenu patriarche de Constantinople, fut aussi sanctionnée (4). En 451, le concile de Chalcédoine réprouva le monophysisme, ou jacobisme (du nom du fondateur), qui se développa en Égypte (église copte), en Arménie et en Éthiopie (5). Quant à la communauté maronite, elle devint (VIIème siècle) monothéiste (deux natures distinctes dans le Christ, l’une divine et l’autre humaine, avec toute volonté à la première), instaura son propre patriarche puis alla se réfugier dans la montagne libanaise avant d’être rattachée à Rome au XIIème siècle (6).
Ces exemples aux racines anciennes de doctrines proches et à la fois opposées devraient nous faire relativiser toute rigidité dogmatique en matière de foi. Et pourquoi ne pas poursuivre la réflexion christologique avec tolérance et ouverture car, comme le dit le philosophe : « Ce n’est pas un projet étroit et mesquin d’accoucher d’un dieu. Car seul l’homme engendre des dieux. Ces figures de son propre esprit servent donc de supports mythiques aux valeurs morales et intellectuelles dont l’homme est le porteur, le générateur, le parturiant. Les attributs d’un dieu sont les témoins pathétiques de la grandeur et de la misère des hommes. Aussi les maïeuticiens du dieu Jésus ont-ils tracé à leur insu un portrait politique et psychologique saisissant du genre humain (7). »
Plus tardivement, la doctrine de Luther (1483-1546), exprimée dans le Livre de concorde, considérait la Bible comme la seule source de légitimité pour définir la foi (dans un sens, comme les fondamentalistes musulmans qui contraignent l’effort personnel d’exégèse à d’étroites limites scripturaires) (8). La théologie de Calvin (1509-1564), développée dans Institution de la religion chrétienne, considérait elle aussi la Bible comme la source unique permettant de définir la foi (9), restreignant ainsi toute réflexion critique ultérieure. On ne manquera pas de noter les liens entre la propagation du calvinisme et l’expansion du capitalisme, liens expliqués par Max Weber (1864-1920) dans Éthique du protestantisme et esprit du capitalisme, la réussite sociale étant ainsi un signe divin, conception finalement matérialiste qu’encouragent les opportunités d’enrichissement de l’actuelle libéralisation économique, souvent au détriment de la solidarité.
Après le concile dit de Vatican I (1869-1870) qui précisa la doctrine catholique concernant la révélation et la foi, et qui admit le dogme de l’infaillibilité pontificale quand le pape s’exprime ex cathedra, l’Église connut une réforme plus sérieuse avec le concile de Vatican II (1962-1965) : une sorte d’aggiornamento face au monde moderne pour préparer l’unité des chrétiens. Outre la rénovation de la liturgie, les anathèmes réciproques entre les Églises romaine et orthodoxe furent levés dans un esprit œcuménique. Concernant le caractère déicide du peuple juif, si la mention « Oremus et pro perfidis judaeis » fut supprimée en 1959 par le pape Jean XXIII dans la liturgie du vendredi saint, et si le catéchisme de l’Église catholique promulgué en 1991 s’inspire désormais de la déclaration Nostra Ætate (Vatican II) qui réprouve toute accusation généralisée contre le peuple juif, la position de Benoît XVI (telle que perçue lors de son voyage en Terre sainte de mai 2009) semble probablement en régression par rapport à celle de son prédécesseur. De telle sorte, l’acuité de conflits idéologiques peut être, dans le pire des cas, exacerbée par l’amplification médiatique que permet la mondialisation, et la conception du Salut réduite à des intérêts politiques et nationaux étriqués.
« [...] Toute femme qui prie ou prophétise le chef découvert fait affront à son chef [c’est-à-dire son mari] ; c’est exactement comme si elle était tondue. Si donc une femme ne met pas de voile, alors qu’elle se coupe les cheveux ! Mais si c’est une honte pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou tondus, qu’elle mette un voile. L’homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image et le reflet de Dieu ; quant à la femme, elle est le reflet de l’homme. Ce n’est pas l’homme en effet qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ; et ce n’est pas l’homme, bien sûr, qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. Voilà pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion, à cause des anges. [...] Jugez-en par vous-mêmes. Est-il décent que la femme prie Dieu la tête découverte ? [...] » Ce passage misogyne, extrait des épîtres de Paul (10), ferait aujourd’hui bondir tout esprit chrétien ouvert qui serait dans l’obligation de replacer les paroles de l’apôtre dans son contexte historique, relativisant ainsi ses enseignements machistes et discriminatoires. Si les structures religieuses chrétiennes souhaitent élargir leur ministère sur une société laïcisée, il est probable que la permissivité sexuelle (occidentale par exemple), qui est une donnée socioculturelle contemporaine, fasse évoluer la notion de péché originel de telle sorte que la contraception, le remariage (ou polygamie diachronique), l’union libre, etc., trouvent de nouvelles définitions dogmatiques, moins culpabilisatrices. L’attitude complaisante de l’islam pour la sexualité, dans le cadre privé d’une l’union légale, pourrait peut-être stimuler une nouvelle approche (concurrentielle) dans ce domaine. Le poids des comportements pousserait alors certains dogmes à évoluer, et à se rapprocher, dans le sens d’une prise en compte plus grande de l’individualité, dès lors moins liée à un cadre souvent rigide et exclusif. Mais il est vrai que le contraire se produit aussi en réaction à des évolutions considérées comme trop ouvertes, voire déviantes, à l’instar du repli identitaire représenté par le courant traditionaliste à la marge de l’Église catholique.
L’utilisation politique du sacré aux États-Unis, où environ 90% des habitants croient en Dieu, mérite enfin quelques mots. Tous les présidents nord-américains invoquent la bénédiction de Dieu lors des cérémonies officielles et jurent devant Lui de se conformer aux enseignements de la Bible. En ce qui le concerne, Bush fils, qui appartient aux Born again Christians, étudierait un passage de la Bible chaque jour et toutes les réunions ministérielles commençaient par une prière. Les Born again Christians sont des gens dont la « seconde naissance » résulte d’une relation directe avec Jésus. Ils composent l’un des mouvements évangéliques dont la majorité des adeptes ont une vision messianique, revivificatrice, chiliastique et apocalyptique du monde. Les évangélistes seraient environ 70 millions aux États-Unis, soit un tiers de l’électorat. Pour beaucoup d’évangélistes, l’islam est une religion perverse et diabolique, menant organiquement au terrorisme. L’ancien « empire du mal » de Reagan devint ainsi l’« axe de la haine » (Irak, al-Qâ’ida, Hizb Allâh), formule qui évolua finalement vers l’« axe du mal » (Irak, Corée du nord, Iran), jusqu’à la rectification engagée par le président Obama. L’histoire des États-Unis est basée sur l’idée biblique que le peuple américain aurait été élu par Dieu pour établir Son royaume dans le Nouveau monde. De là, cette mission particulière avait naturellement vocation à englober d’autres parties du monde. L’impérialisme américain s’est donc construit sur la Bible et le dollar, mêlant les considérations morales et idéologiques aux intérêts économiques, avec la bonne conscience d’être une nation supérieure. Mais d’une certaine manière, cet impérialisme ne vise pas tant à étendre les frontières que le territoire mythique de la liberté. La doctrine de l’équipe de Bush estimait ainsi que le peuple américain vertueux et élu de Dieu a une mission morale : exporter son modèle de démocratie. Par ailleurs, selon la vision hégémonique américaine, l’Europe aurait négligé l’usage de la force pour vivre dans un monde de lois et d’interdépendances alors que la puissance (justifiée par Dieu) est la condition ultime de la sécurité nationale (11). La mondialisation menée sous la férule dominatrice de la puissance économique et militaire américaine, imbue de mission divine, ne peut alors que renforcer les antagonismes entre cultures, religions et individus.

La pluralité théologique en islam

La conception de Dieu dans le Coran mériterait une étude approfondie. On dira seulement que les sourates mecquoises (première partie de la révélation) insistent sur le libre arbitre alors que les sourates médinoises (seconde partie) consacrent le pouvoir absolu d’Allâh et l’obligation d’obéir à Son prophète, d’où une impression finale de déterminisme (qui est la dernière tendance laissée par Mahomet à sa communauté) (12). On peut par contre remarquer, dans l’élaboration ultérieure du dogme, certains points intéressants qui montrent qu’une véritable réflexion eut bien lieu en islam sur la nature et la volonté de Dieu. Premièrement, citons la murji’a, c’est-à-dire le courant ancien qui distinguait entre la foi et les œuvres (13). Vint concomitamment la réflexion sur la volonté divine absolue (qadar) et la prédétermination divine (jabar). Car si Allâh a de toute éternité déterminé le cours du monde, les actes des hommes sont-ils compris dans cette détermination ? Influent-ils sur la destinée éternelle de chacun ? Autant de questions fondamentales que peu de théologiens actuels posent.
Quant à la mu‘tazila, ou école de l’état intermédiaire, elle résultait aussi d’une controverse sur la foi et les œuvres : celui qui a commis un péché grave est-il incroyant (kâfir), croyant (mu’min) ou simplement hypocrite (munâfiq) ? C’était là une question théologique très importante en rapport étroit avec la légitimité politique. L’orthodoxie traditionniste, qui défendait souvent un grossier anthropomorphisme, condamna la mu‘tazila comme hérétique (14). Rappelons les spécificités de cette doctrine : la mu‘tazila est rationaliste et utilise des arguments basés sur la raison, mais l’influence de la philosophie grecque réside surtout dans le recours à des moyens spéculatifs, ce qui ne signifie nullement la négation de la révélation. Parmi les éléments du credo de la mu‘tazila, mentionnons la thèse de la nécessité de la justice de Dieu : Allâh ne peut être injuste envers Ses créatures et récompense nécessairement les bonnes actions, l’idée de nécessité appliquée à Dieu entrant ainsi en islam. De plus, il n’y a pas de décret de prédestination car le salut ou la damnation dépendent de l’homme. En ce qui concerne Ses attributs, Sa parole, telle qu’exprimée dans le Coran, n’est pas éternelle : le Coran était donc pour eux créé et non incréé (contrairement à la majorité des théologiens actuels pour lesquels la question du caractère incréé ne se pose plus). Plus généralement, il y a une négation de toute analogie entre les attributs de Dieu et ceux de Ses créatures : la mu‘tazila condamne donc l’anthropomorphisme, admis voire prôné par d’autres écoles et auquel la masse des croyants continue à adhérer.
Il est donc obvie que le consensus des théologiens n’a jamais existé. Et si les anciens purent proposer des représentations si différentes de la divinité, pourquoi devrions-nous aujourd’hui cantonner nos esprits aux vieilles définitions théologiques et refuser de pratiquer de nouveau une réflexion sur la nature de Dieu, adaptée à notre époque ? Quant aux versets du Coran appelant la communauté des croyants à combattre les infidèles (kâfirûn ou kuffâr), ils sont nombreux. Sont-ils seulement conjoncturels ou ont-ils une portée atemporelle ? Comme la racine [kfr] renvoie à l’idée d’ingratitude pour les bienfaits reçus et de reniement d’un pacte (éternel, entre Dieu et les hommes) (15), il faut surtout comprendre les versets à résonance guerrière comme la volonté (humaine) de punir sévèrement des polythéistes qui usent de violence envers la communauté musulmane naissante, la trahison et le meurtre exigeant la peine du talion selon les coutumes locales déterminées par la nécessité de survivre. La situation actuelle de l’islam semble, pour certains, ne pas être très différente même si les ennemis ont changé. Bien que juifs et chrétiens soient considérés comme des gens du Livre, il n’est pas rare de trouver aujourd’hui des musulmans extrémistes pour estimer que ces derniers doivent en réalité être globalement inclus dans la catégorie honnie des mécréants à combattre, de pair avec les musulmans considérés comme apostats.
L’athéisme et l’agnosticisme constituent pour leur part des concepts modernes qui n’existaient pas du temps de la révélation coranique. Cependant, tant la tradition théologique et juridique que la pression sociale les rangent dans la catégorie classique des mécréants contre lesquels il faut lutter. Il est ainsi fâcheux que la pensée musulmane contemporaine ne reconnaisse toujours pas, au niveau du dogme et du droit, ces deux positions philosophiques comme une forme respectable d’approche vis-à-vis de l’existence, voire un type de spiritualité non assimilable au paganisme antéislamique. Le contexte européen, en ce qui le concerne, devrait pousser l’islam à s’ouvrir et à reconsidérer fondamentalement une partie de son dogme et de sa législation religieuse dans le sens d’une nouvelle spiritualité humaniste. En France (comme dans d’autres pays), certains courants de l’Église catholique, pourtant majoritaire, ont déjà fait des efforts notables et parfois douloureux (bien qu’insuffisants) dans le sens de la reconnaissance d’autres formes de religiosité.
Considérons maintenant la tradition prophétique (sunna (16)) qui, bien qu’en partie apocryphe, sert de base à l’élaboration de la loi (prétendue) divine (et soi-disant) tirée du Coran : la sharî‘a (17). On doit donc opposer ici la vocation universelle d’un message inspiré aux aménagements élaborés par certains hommes pour répondre à des nécessités sociétales historiquement déterminées. Le cas de la scolastique islamique et de la sclérose de sa pensée juridico-théologique n’est en ce sens pas différent des autres religions (18). Par ailleurs, si Mahomet est présenté dans la sunna comme un modèle, il n’en est rien dans le Coran, à la primauté incontestable, dans lequel le Prophète ne jouit pas du statut de fondateur de société idéale (19), ce qui n’hypothèque aucune évolution religieuse s’émancipant des contingences.
L’œuvre d’un traditionniste et jurisconsulte contemporain, Muhammad Nâsir al-Dîn al-Albânî, montre les imperfections et les limites du courant fondamentaliste qui ne jure que par une vision figée de la loi chariatique (20). Ses écrits suscitent admiration ou critique, voire morigénation, car le personnage est un coryphée du courant salafiste (d’obédience wahhâbite) (21). Les faits et gestes du Prophète et de ses compagnons (salaf), tels que rapportés par la tradition prophétique, sont considérés comme des modèles non contingents, hors du temps et de l’espace. La position fondamentaliste estime ainsi que seuls le Coran et la sunna sont considérés comme les véritables fondements de la religion, ces deux sources scripturaires formant des références intangibles, supérieures au raisonnement. Cet auteur affirme ainsi : « […] Il nous est apparu que la femme, lorsqu’elle sort de chez elle, doit couvrir entièrement son corps et qu’elle ne doit rien montrer de sa parure, excepté son visage et ses mains (si elle veut), et ceci avec n’importe quelle sorte de vêtement, tant qu’il regroupe les conditions suivantes [...] [qui sont celles] du jilbâb : qu’il couvre l’ensemble du corps excepté le visage et les mains ; qu’il ne soit pas une parure en soi ; qu’il soit épais et non transparent ; qu’il soit bien large et pas moulant ; qu’il ne soit pas parfumé ; qu’il ne ressemble pas aux vêtements des hommes ; qu’il ne ressemble pas aux vêtements des mécréantes ; qu’il ne soit pas un vêtement de prestige. »
Nous ne mentionnons que ces quelques points pour montrer que l’auteur perçoit Dieu comme un législateur mâle prohibitif. Un récit prophétique est cité dans le sens d’une réprobation générale du fait, pour la femme, de montrer « ses parures, ses beautés et ce qu’elle doit cacher car cela éveille les envies de l’homme », al-Albânî ajoutant à ce propos, avec anthropomorphisme, que Dieu en personne n’aimerait pas cette exhibition de la féminité même s’Il aime la beauté (en privé). Son opuscule n’étant qu’une accrétion d’injonctions prohibitives, l’islam qu’il propose n’est que formalisme et rigidité. Dieu est ainsi imaginé par rapport à la féminité et en particulier à son affirmation publique vis-à-vis de laquelle se manifeste une préoccupation quasi névrotique. Le dévoilement du corps féminin constituant une véritable phobie, la moindre permissivité face à la femme semble être perçue comme une innovation blâmable. Car dans les sociétés arabes et islamiques de type patriarcal, c’est l’homme qui seul a autorité pour appréhender la cosmologie et, concrètement, définir le rôle respectif de chaque sexe. C’est entre autres choses sur cette question sensible que les musulmans se querellent entre eux et polémiquent sans aménité avec l’Occident, la diffusion de modèles culturels différents — mais aussi séduisants — (par les médias, etc.) jetant souvent de l’huile sur le feu des incompréhensions.
Certains penseurs musulmans avaient pourtant ouvert des voies qui ne furent pas suivies. Ils se caractérisèrent par une méthode nouvelle d’exégèse coranique, par une réflexion religieuse critique et par un raisonnement juridique moderne. On peut citer quelques émules du grand cheikh réformiste Muhammad ‘Abduh (mort en 1905) dont ‘Alî ‘Abd al-Râziq (1888-1966) et Qâsim Amîn (1865-1908) (22).
Le penseur soudanais Mahmûd Muhammad Tâhâ (1908-1985) mérite lui aussi quelques lignes car il soutint, ce qui le conduisit à la potence, que « l’islam n’est ni un idéal réalisé et fini, ni un âge d’or révolu, mais au contraire l’horizon en perpétuel mouvement vers lequel les musulmans doivent s’orienter ». Il percevait ainsi l’islam « comme un appel jamais atteint, et une tension vers un idéal futur ». Pour ce faire, il fallait réinterpréter le Coran et renouer avec l’élan fondateur du message coranique (23). Tâhâ rejetait l’application de la loi islamique qu’il considérait comme inique (par rapport aux chrétiens du sud du Soudan), mal comprise et amendable, et prônait une relecture du Coran à deux niveaux : un niveau proche, accessible aux intelligences de l’époque ; et un niveau lointain, constituant le kerygme de la prédication. Le niveau proche est constitué des révélations médinoises, compréhensibles selon leur sens obvie, alors que le niveau lointain renvoie aux révélations mecquoises que l’on ne peut pleinement saisir que de manière ésotérique. Il y aurait ainsi deux messages de l’islam : un premier message, historiquement défini et de la sorte dépassé, et un second, plus profond, vers lequel l’humanité doit tendre (24). L’adoption de la méthode exégétique de Tâhâ (mais pas de toutes ses idées) permettrait une entrée sereine dans la modernité et une affirmation harmonieuse de l’islamité.
Le cheikh syrien ‘Abd al-Rahmân al-Khayyir (1904-1986) (25) est un exemple différent de personnalité religieuse ouverte appelant à la pratique de la raison en vue d’une entente entre tous les musulmans, et au-delà toutes les créatures humaines. De confession alaouite (une branche un peu lointaine du chiisme duodécimain), le cheikh situe son discours sur un triple plan religieux, politique et humain. La référence au Coran et à la tradition prophétique comme fondements scripturaires ne lui interdit pas d’avoir recours à son jugement personnel pour proposer non sans hardiesse une vision de l’islam basée sur la tolérance et dépassant les limites parfois rigides des rites et des écoles. Il en appelle à une conscience musulmane globale et consensuelle dans un esprit œcuménique qui estime que les divergences doctrinales sont périphériques. Au niveau politique, sa réflexion s’inscrit dans l’histoire récente et tourmentée de son pays que menacent continuellement d’éclatement les diverses appartenances confessionnelles : c’est ainsi un citoyen soucieux de la sérénité de la vie politique et sociale de son pays. Au niveau humain, le cheikh prône une fraternité entre toutes les créatures de Dieu, bien qu’il soit peu probable que sa vision ouverte et tolérante ait les résultats escomptés, ni localement (en raison de l’hostilité du sunnisme) ni en dehors de la Syrie (à cause de faibles moyens financiers).

Les atermoiements de l’islam en France

Les penseurs musulmans laïcs (26), bien que nombreux, sont moins médiatisés que les cohortes d’intégristes qui dominent la scène théologique et juridique. En France, les pouvoirs publics ont laissé des islamistes proches des Frères musulmans faire main basse sur le Conseil du culte musulman de France, de la manière la moins démocratique qui soit (élections indirectes d’avril 2003 et de juin 2008). Même si le choix était difficile devant le peu d’alternatives dans le sens où le réseau des mosquées et des associations cultuelles est surtout tenu par différents groupes intégristes et fondamentalistes, les tendances éclairées de l’islam de France s’en retrouvent néanmoins marginalisées. Cette situation de quasi-monopole du sacré, reconnue par l’État (pour des raisons d’opportunisme politique ?), aura très probablement des conséquences néfastes sur l’évolution du credo islamique de France.
On citera le cas étrange de la revue Le monde diplomatique qui ouvrait régulièrement ses colonnes à Târiq Ramadân, un petit-fils de Hasan al-Bannâ, le fondateur égyptien de la confrérie des Frères musulmans. Sous couvert de lutte contre le libéralisme capitaliste, de défense des minorités, du respect des différences culturelles, d’intégration de la jeunesse issue de l’immigration, etc., cette revue pourtant contestataire a laissé T. Ramadân développer une pseudo-théologie de la mobilisation communautaire au prétexte qu’il était un « interlocuteur social incontournable ». S’il ne semble pas mener de réflexion théologique originale, T. Ramadân reprend à son compte une grande partie de l’héritage juridique classique et conservateur auquel il donne une dimension essentiellement politique. Ce faisant, il corrobore l’idée que l’islam, tel que voulu par Dieu, aurait vocation à dissocier le groupe musulman de son environnement non musulman même si la majorité est tolérante et respectueuse de l’Autre (dans le cadre mesuré de la laïcité). Il revendique ainsi une autonomie de la communauté musulmane, de nature évidemment cultuelle mais aussi culturelle et sociale (et pourquoi pas, à terme, juridique ?), basée sur un soi-disant message divin dont il se prétend l’exégète attitré. Une telle revendication séparatiste est évidemment attentatoire aux règles républicaines, à l’équilibre religieux et enfin à la liberté de chacun : en effet, tout musulman a le droit de ne pas vouloir être associé de force à ses coreligionnaires, avec une préférence pour l’anonymat et un attrait pour la seule spiritualité au détriment du respect formel et aride de prescriptions religieuses autoritaires et dépassées (27).
Pour montrer le littéralisme étroit d’une partie de la pensée islamique, est-il par exemple impératif de ne pas manger de cochon pour être un bon musulman ? L’absorption de viande porcine voue-t-elle automatiquement à la punition divine et à l’exclusion de la communauté des croyants ? Plusieurs versets vont dans le sens d’une interdiction de la viande de porc, seul animal nommément prohibé dans le Coran (28). Cependant, pour distinguer les animaux purs de ceux qui ne le sont pas, le Coran ne semble que se référer aux usages alimentaires en vigueur chez les contemporains de Muhammad ; il condamne de plus la consommation des viandes offertes aux divinités du panthéon mecquois ou celles dont le sang, principe sacré, n’aurait pas été vidé. Le porc était probablement mangé dans l’antéislam, surtout par les tribus chrétiennes, et le sanglier continua à être chassé en islam. Cet animal ne semble donc pas avoir été considéré comme impur en soi. Un motif possible d’interdiction serait la croyance coranique (et donc certainement antéislamique) en une sorte de transformation humaine en animal (29), avec un rejet subséquent de l’anthropophagie (en ce qui concerne le porc). Une explication avancée pour l’interdiction coranique du porc serait ainsi son caractère totémique (avec un lien de parenté, individuel ou générique) ; mais cette thèse reste évidemment contestable (30).
Quoi qu’il en soit, il est clair que l’interdiction de la consommation de porc est purement contingente au milieu de la révélation et ne doit être comprise que comme telle : la prohibition ne saurait être éternelle. Car en quoi Dieu s’intéresserait-il, par le menu, à ce que mangent Ses créatures ? Si l’on raisonne par rapport à la logique interne du Coran, faut-il considérer qu’en matière de viandes mangeables, certains versets seraient abrogés et d’autres abrogatifs ? Peut-on ainsi prétendre que le verset (tardif) 7/5 de la sourate V, La table servie (31), abroge ceux qui interdisent le porc ? Si oui, un musulman pourrait manger comme les juifs et les chrétiens, conformément au dogme de sa religion. Mais toutes ces considérations exégétiques sont en fin de compte futiles, la seule chose importante étant que les individus se respectent mutuellement malgré leurs habitudes alimentaires différentes, qui ne doivent absolument pas être perçues comme des injonctions religieuses fondamentales, source de suspicion réciproque puis d’exclusion. S’il est douteux que les habitudes de consommation des sociétés occidentales permettent de faire tomber le tabou porcin, des circuits économiques islamiques s’étant mis en place pour proposer une alimentation conforme à la loi chariatique, on peut espérer que les questions de nutrition ouvriront indirectement une fenêtre de tir pour un réexamen juridico-théologique.
Il en est de même du mariage mixte, surtout entre une musulmane et un non-musulman. Ce type d’alliance est perçu comme contraire au Coran et à la Tradition alors qu’il n’existe aucun texte clair sur cette question. Toutefois, tant la jurisprudence islamique que la pratique sociale l’ont réprouvé. Il est donc grand temps que la loi islamique soit réformée pour prendre en compte la réalité d’une minorité musulmane en France (en l’occurrence) qui contracte, par amour, des alliances matrimoniales libres de tout présupposé religieux ou culturel. Dieu serait-il si regardant sur ces liens sociaux et sentimentaux, l’essentiel n’étant-il pas le degré de spiritualité des croyants ? Il est clair que le comportement sexuel relève surtout de données sociales et que les versets coraniques traitant de fornication, de fausse accusation d’adultère, de punition, etc., ne peuvent avoir de portée juridique que dans leur seul contexte. D’ailleurs, ils furent pour la plupart révélés, de manière fortuite, à la suite d’affaires de mœurs affectant directement le Prophète.
Le même raisonnement doit s’appliquer au jeûne car qu’on le fasse ou non, en perd-on sa qualité d’être humain pour autant ? Le carême cessera probablement d’être un critère de différenciation entre les musulmans et les autres, de même qu’entre les musulmans eux-mêmes, devant la force des réalités économiques qui imposent une cadence soutenue de travail. Et à partir de là, une réflexion critique sur l’aspect coutumier des pratiques pourra avoir pleinement lieu.
On peut également dire que l’importance accordée en islam au sanctuaire de La Mecque relève d’une forme d’idolâtrie, même épurée, dans le sens où le culte suprême rendu à la divinité se doit, dans la logique du pèlerinage, d’être topique. Comme si Dieu, créateur des cieux et de la terre, ne pouvait être adoré partout et comme s’Il ne résidait qu’autour de la Ka‘ba ! Le pèlerinage, en tant que pilier de l’islam, montre clairement deux choses : soit Muhammad tenta de rassembler les Arabes autour d’un lieu fédérateur de culte, ce qui relève de l’intelligence politique car le sanctuaire de La Mecque était idoine ; soit il était persuadé que la Ka‘ba était bien la demeure d’Allâh (32), ce qui prouverait non seulement un attachement sentimental à sa patrie d’origine mais aussi une croyance à laquelle un esprit philosophique ne pourrait totalement souscrire. Bien que les deux hypothèses ne soient pas du tout contradictoires, il est clair que la libre spiritualité devrait pouvoir s’exprimer sans entrave géographique, même si elle a souvent besoin de repères matériels partagés. Si cette idée s’enracinait chez les musulmans de France (ou d’ailleurs), la géopolitique de la foi s’en trouverait modifiée car l’Arabie (avec La Mecque et Médine) ne serait plus le pôle essentiel de leurs aspirations dévotes et le modèle mythique de leurs allégeances. Les facilités techniques de déplacement et la transmission immédiate d’images d’un bout du monde à l’autre œuvreraient cependant dans le sens contraire.
Les quelques exemples précédents montrent bien que tout texte sacré doit être soumis à une exégèse scientifique rigoureuse et critique. Pour sa part, le message coranique doit être lu à plusieurs niveaux car ses prescriptions sociales et juridiques ne sauraient raisonnablement toutes avoir de valeur éternelle. La lecture littérale du Coran et de la Tradition, comme de la Bible bien sûr, nous semble donc une ineptie car elle fige les choses dans un passé idéalisé, irrémédiablement éloigné de nos sociétés actuelles, fort différentes. Les différentes idéologies intégristes et fondamentalistes de tous bords doivent être désignées à la vindicte pour leur imitation servile, leur sèche religiosité et leur spiritualité stérile. Ces idéologies, qui utilisent la religion à des fins politiques partisanes, ne visent pas tant à l’élévation de l’âme, ce qui permettrait aux individus de se rencontrer et de se respecter mutuellement, qu’à l’encadrement communautaire liberticide.
La rencontre sans a priori des hommes et des idées, imposée mais aussi favorisée par les différents aspects de la mondialisation, pourra peut-être mener à un rejet des cadres anciens de la religiosité, réducteurs et surannés, en ouvrant les portes d’une spiritualité humaniste et englobante, au-delà des frontières dogmatiques aliénantes.


Notes:

(1) Les mandéens pour qui Jean-Baptiste était le seul vrai prophète (et dont le rite consistait en une immersion en rivière) ; les mariamites et les collydoriens qui faisaient prévaloir le culte de la Vierge ; les antidicomariamites qui, eux, niaient la virginité perpétuelle de Marie ; les judéo-chrétiens nazaréens et ébionites (nazaréen étant le surnom de Jésus qui signifiait « le saint de Dieu » ou aussi « originaire de Nazareth ») ; les anti-juifs marcionites (vers 85-160) qui réduisaient l’Écriture à l’Évangile de Luc et à dix épîtres de Paul ; les carpocratiens (début du IIe siècle), d’influence platonicienne (alexandrine), à l’amoralisme révolté ; les basilidéens gnostiques d’influence alexandrine (première moitié du IIe siècle) ; les valentiniens gnostiques, basés à Rome (milieu du IIème siècle) ; les docètes (IIe et IIIe siècles) pour qui le Christ étant Dieu, il n’avait pu vivre puis souffrir sur terre qu’en apparence (négation de sa nature humaine). Voilà pour les principales tendances.
(2) Arius, hérésiarque chrétien, niait la consubstantialité du Fils avec le Père. Sa doctrine, qui se répandit en Gaule, dans la Péninsule ibérique et parmi les peuples germaniques, donna lieu à des théories opposées après sa mort : substance semblable mais non identique, similitude non substantielle, différence radicale entre le Père et le Fils.
(3) Il avait adopté à Rome le monarchianisme (ou modalisme), théorie selon laquelle le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas distincts mais constituent trois modes de la divinité.
(4) Elle prêchait la négation de l’union des natures divine et humaine dans le Christ. Cette doctrine soutenait ainsi que Marie pouvait être appelée « mère du Christ » (Christotokos) mais non « mère de Dieu » (Théotokos). Cette Église de langue syriaque, bien que condamnée, essaima dans l’ancien empire perse (Iraq et Iran) puis se répandit en Asie centrale, en Inde et jusqu’en Chine (apogée au XIIème siècle).
(5) Cette doctrine insistait sur le fait que la nature du Christ n’était que divine, la nature humaine de Jésus étant fondue dans la première (unité de nature du Christ incarné). Jacques (Jacob) Baradée (mort en 578), moine à Constantinople, se mit à professer le monophysisme alors persécuté puis fut secrètement consacré évêque d’Édesse ; il parcourut ensuite la Syrie, déguisé en mendiant, pour organiser cette église de langue syriaque. La doctrine d’Eutychès, hérésiarque byzantin (environ 378-454) opposé au nestorianisme et favorable au monophysisme, fut elle aussi définitivement condamnée lors de ce concile.
(6) Chrétiens de culture syriaque mais de foi chalcédonienne, originaires de la région d’Apamée (Syrie centrale) et rattachés à un anachorète du IVe siècle.
(7) Manuel de DIEGUEZ, Et l’homme créa son Dieu, Paris, Fayard, 1984, 332 pages, p. 64.
(8) Cette doctrine estimait que l’homme ne pouvait se soustraire au péché originel que par les seules foi et grâce, ne valorisait que deux sacrements (le baptême et l’eucharistie) et rejetait enfin tant la hiérarchie ecclésiastique que les vœux monastiques dans une volonté de retour à une Église primitive mythique.
(9) Mais en admettant les dogmes des cinq premiers conciles. Calvin croyait en la doctrine de la prédestination et de la grâce, et défendait la simplicité primitive du baptême et de la communion eucharistique comme seuls sacrements.
(10) Première épître de Paul, apôtre, aux Corinthiens, « III. Le bon ordre dans les assemblées - La tenue des femmes », in La sainte Bible, traduite en français sous la direction de l’École biblique de Jérusalem, Paris, Les éditions du Cerf, 1961, p. 1519-1520. Voir aussi Première épître à Timothée, p. 1566.
(11) Le chef du renseignement au ministère de la défense déclara que G. W. Bush avait été élu président (en 2000) par Dieu lui-même ; et un célèbre télé-évangéliste révéla (janvier 2004) qu’il avait entendu Dieu lui annoncer la réélection de Bush en novembre 2004.
(12) Voir Jacqueline CHABBI, Le seigneur des tribus. L’Islam de Mahomet, Paris, Noêsis, 1997, 726 pages. Et Alfred-Louis de PREMARE, Les fondations de l’islam. Entre écriture et histoire, Paris, Éditions du Seuil, 2002, 535 pages.
(13) Le nom de cette tendance est tiré du Coran, avec l’idée de remise et de délai. Sourate IX, Revenir [de l’erreur] ou [l’]immunité, verset 107/106 : « D’autres sont dans l’incertitude à l’égard de l’ordre d’Allah : ou bien Il les tourmentera, ou bien Il reviendra [de Sa rigueur] contre eux. Allah est omniscient et sage ». Les passages coraniques en langue française sont tirés de la traduction du Coran par Régis BLACHERE, Paris, Maisonneuve et Larose, 1999 (première édition, 1956), 748 pages. Blachère donne la double numérotation : celle de l’édition de Flügel (1802-1870), répandue en Europe, puis celle de l’édition du Caire (dite de Bûlâq, 1923).
(14) L’on sait que les thèses de la mu’tazila constituèrent la doctrine officielle de 817/202 (sous le calife al-Ma’mûn) à 848/234 (abolition sous le calife al-Mutawakkil.
(15) Voir le grand dictionnaire médiéval, Lisân al-’arab (La langue des Arabes).
(16) La sunna (pluriel : sunan) est initialement le chemin frayé, par extension les usages immémoriaux réglant la vie des Arabes et la coutume des ancêtres. Elle prit ensuite le sens de mode de vie du Prophète (sunnat al-nabîy), rapportant ses dits et gestes. Plus précisément, la sunna est l’ensemble des expressions, pratiques et manières d’agir de Muhammad telles qu’elles auraient été tirées des témoignages de ses compagnons et contemporains. Enfin, elle devint aussi, quoique dans une moindre valeur, les mœurs, les positions doctrinales et la pratique politique des quatre premiers califes puis des compagnons de Muhammad, de même que les usages des deux générations suivantes.
(17) Mohamed-Chérif FERJANI, Le politique et le religieux dans le champ islamique, Paris, Fayard, 2005, 353 pages, surtout p. 72-76.
(18) Ernest RENAN (1823-1892), Vie de Jésus, édition établie, présentée et annotée par Jean GAULMIER, Paris, Gallimard, collection Folio classique, 1974 (première édition en 1863, treizième édition en 1867), 542 pages, p. 251-252 : « [...] Les pharisiens dominaient [à Jérusalem] ; l’étude de la Loi, poussée aux plus insignifiantes minuties, réduite à des questions de casuiste, était l’unique étude. Cette culture exclusivement théologique et canonique ne contribuait en rien à polir les esprits. C’était quelque chose d’analogue à la doctrine stérile du faquih musulman, à cette science creuse qui s’agite autour d’une mosquée, grande dépense de temps et de dialectique faite en pure perte et sans que la bonne discipline de l’esprit en profite. [...] »
(19) Mis à part, probablement, le verset 21 de la sourate XXXIII (Les factions).
(20) Le texte bilingue (arabe-français) permet d’appréhender un certain type de discours produit de l’extérieur à destination des musulmans non arabophones résidant en France (ou en Belgique, etc.). Muhammad Nâsir al-Dîn AL-ALBANI, Le jilbab de la femme musulmane, sans lieu, Éditions al-Sunna, 2003, 77 pages. Le jilbâb désigne une robe ou un manteau de dessus, très ample : probablement une espèce de pèlerine ou de camail.
(21) Sa biographie est fournie par un disciple (www.al-manhaj.com). Né en Albanie en 1914 et mort à ‘Ammân en 1999, il est décrit comme un traditionniste et un jurisconsulte de rite hanafî qui enseigna à l’Université islamique de Médine où il rencontra le grand muftî d’Arabie saoudite, Ibn Bâz. Une autre référence (www.masud.co.uk) indique qu’al-Albânî aurait peu acquis son savoir sous la direction d’autorités religieuses reconnues. Une autre source (www.ummah.net) rappelle la récusation d’al-Albânî par un cheikh philadelphien (de ‘Ammân) savant en droit et en tradition prophétique. Deux dernières sources (www.abc.se et www.livingislam.org) précisent qu’al-Albânî n’est qu’un innovateur wahhâbî et salafî. Ce serait un pseudo-savant, très peu libéral, qui parvint à se faire passer auprès des masses assez peu cultivées de l’immigration ou récemment converties à l’islam, grâce aux énormes moyens financiers dont dispose le wahhâbisme saoudien (par la traduction et la diffusion), pour une référence religieuse.
(22) Albert HOURANI, La pensée arabe et l’Occident, Paris, Naufal, 1991, 415 pages.
(23) Ghassan FINIANOS, Islamistes, apologistes et libres penseurs, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2002, 382 pages, p. 177.
(24) Ibid., p. 179 et suivantes.
(25) Stéphane VALTER, « La réplique à Ibn Bâz (1912-1999) de ‘Abd al-Rahmân al-Khayyir (1904-1986) », suivie du traité « À propos de la thèse selon laquelle les chiites extrémistes (ghulât) n’auraient pas encore [tous] disparu ». Introduction, traduction, notes et annexes, in Bulletin d’études orientales (BÉO, Institut Français d’Études Arabes de Damas), n° LV, 2003, p. 299-383. Et aussi « La chimère d’une pure islamité. L’enquête historique d’un journaliste syrien et la réplique cinglante d’un lettré alaouite. Traduction d’un manuscrit de la fin du siècle, commentaire et notes », 178 000 caractères, à paraître au BÉO en 2010.
(26) Comme Mohamed CHARFI, Islam et liberté. Le malentendu historique, Paris, Albin Michel, 1998, 273 pages. Ou encore Jamel Eddine BENCHEIKH dans un registre plus littéraire.
(27) Voir le Dictionnaire mondial de l’islamisme, sous la direction d’Antoine SFEIR et des Cahiers de l’Orient, Paris, Plon, 2002, 518 pages. Pour l’enregistrement de ses discussions et prônes, voir www.islam-france.com.
(28) II, 168/173 ; V, 4/3 ; VI, 146/145 ; XVI, 116/115.
(29) En l’occurrence le singe dans VII, 166 et II, 61/65, et également le porc dans V, 65/60.
(30) Joseph CHELHOD, Les structures du sacré chez les Arabes, Paris, Maisonneuve & Larose, 1986, 288 pages, p. 199-203.
(31) « Aujourd’hui, licites sont pour vous les excellentes [nourritures]. La nourriture de ceux à qui a été donnée l’Écriture est licite pour vous et votre nourriture est licite pour eux. »
(32) Après avoir cependant exigé que l’on priât dans la direction de Jérusalem, jusqu’à la rupture avec les tribus juives de Médine.


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