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Date :  2009-09-02
langue :  Français
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Les quatre missions du FMI


Le Fonds monétaire international (FMI) est l'un des quelques gagnants de la crise économique mondiale. Il y a seulement deux ans, il fonctionnait au ralenti et des gens sérieux appelaient même à sa suppression. Depuis, on fait à nouveau appel à ses prêts. Les pays membres ont décidé de tripler son budget et il a été autorisé à lever des fonds supplémentaires en vendant ses propres obligations. Le FMI bruit maintenant comme une ruche en pleine activité.

Mais la crise ne va pas durer éternellement. Les adversaires du FMI n'ont pas disparu, ils se sont fait temporairement silencieux. Le Fonds alimente leurs critiques en ne définissant pas ses missions. Pourtant, il serait bien inspiré de le faire tant qu'il dispose de la bienveillance de la communauté internationale.

Sa première mission est d'aider les pays qui en raison de problèmes intérieurs font face à une crise de la balance des paiements. Leurs gouvernements n'ont d'autre choix que d'emprunter au Fonds. Pour préserver ses ressources - autrement dit veiller à ce que ses actionnaires rentrent dans leurs fonds – le FMI doit exiger des ajustements douloureux à ses emprunteurs.

Le problème est qu'il donne raison à la rhétorique de ses critiques en acceptant d'uniformiser ses conditions de prêt. Quand l'origine d'une crise tient à des questions de structure, il doit effectivement exiger des changements structuraux en échange de son aide. En paraissant donner raison à ses adversaires sur ce point pour accroître sa popularité et son influence, il crée une confusion inutile.

Sa deuxième mission est de servir de réserve monétaire mondiale. Certains pays ont accumulé d'énormes réserves à titre de protection contre les crises, ce qui est coûteux pour les pays pauvres qui utiliseraient mieux leurs ressources à investir et à stimuler la consommation. Malheureusement, la récente mise en évidence de la volatilité des marchés financiers mondiaux incite à accumuler des réserves.

Il serait plus efficace de constituer un pool avec les réserves des pays qui risquent d'y avoir recours à des moments différents. Le FMI a fait un pas dans cette direction en créant un mécanisme de liquidité à court terme (STLF) duquel les pays qui appliquent des politiques économiques fortes peuvent retirer jusqu'à cinq fois leur quota sans condition. Mais le processus permettant d'accéder au STLF est très lourd et jusqu'à présent seuls le Mexique, la Colombie et la Pologne s'y sont engagé.

Cela présentait un intérêt tant que les ressources du FMI étaient limitées, le processus de demande de prêt lui permettant de limiter son passif. Mais avec un budget qui a triplé, cet argument devient sans valeur. Le FMI devrait dire clairement quels pays peuvent avoir accès au dispositif, ce qui les rendrait automatiquement membres du pool.

Sa troisième mission est d'effectuer un contrôle macro-prudentiel. Les événements récents ont montré qu'il faut une institution qui anticipe et averti des risques qui peuvent menacer la stabilité du système financier international. Le G20 suggère que le Conseil de stabilité financière (FSB) constitué par les autorités de contrôle des différents pays prenne l'initiative dans ce domaine, le Fonds n'y tenant qu'un rôle secondaire avec ses exercices d'alerte précoce et son dispositif commun FMI-Banque mondiale d'évaluation du climat secteur financier.

Mais on ne voit pas très bien pourquoi c'est le FSB qui devrait mener ce processus. Le FMI, avec ses membres issus de l'ensemble de la communauté internationale est plus représentatif et dispose de davantage d'expertise.

Les contrôleurs nationaux peuvent être réticents à abandonner cette responsabilité à une organisation multilatérale. Si c'est le cas, ils font preuve de myopie. Les marchés financiers et les institutions d'envergure internationale ont besoin d'un régulateur macro-prudentiel, et pas seulement d'un collège de contrôleurs peu structuré. Il se peut également que les responsables politiques nationaux ne fassent pas confiance au FMI du fait qu'il n'a pas prévu la crise financière. Si c'est le cas, il doit regagner leur confiance.

Cela nous amène à la quatrième mission du FMI, à savoir l'utilisation de sa position d'autorité pour avertir des risques que peut engendrer la politique des grands pays. Ainsi que n'importe quel Letton peut en témoigner, les petits pays sont disciplinés par le marché. Mais si les grands pays dont la devise est utilisée un peu partout ont besoin de davantage de ressources, il leur suffit de faire tourner la planche à billets. La discipline de marché s'applique donc moins fortement à eux, de même que celle du FMI, puisqu'ils n'ont pas besoin de s'adresser à lui pour emprunter.

Mais comme l'a montré la débâcle des prêts immobiliers à risque, la politique des grandes puissances peut mettre en danger le système financier international. Dans un tel cas, le Fonds ne voulant pas s'en prendre à la main qui le nourrit, hésite à élever la voix. Pourtant, s'il veut préserver son avenir, ses dirigeants devront lancer des avertissements clairs lors du prochain déficit américain des comptes courants d'une envergure dangereuse, lors de la prochaine bulle dans l'immobilier ou de toute autre situation à risque dans un grand pays. Il devra alors parler haut et fort.

Enfin, il devra coordonner la réforme du système financier international. Si à long terme une devise supranationale, les Droits de tirage spéciaux, devait remplacer les devises nationales dans les échanges au niveau mondial, le Fonds devrait conduire cette évolution. Si des mesures s'avéraient nécessaires durant la période transitoire, ce serait aussi à lui d'en prendre l'initiative.

Jusqu'à présent, les idées novatrices pour réformer le système financier international sont venues de l'ONU, du 10 Downing Street et de la Banque populaire de Chine, tandis que le FMI s'est fait remarqué par son silence.

On n'a pas encore oublié la crise, mais la fenêtre se ferme. La prochaine réunion du Conseil des gouverneurs du FMI aura lieu début octobre à Istanbul. Si d'ici là le Fonds ne dessine pas une vision claire de son avenir, il sera trop tard.


Barry Eichengreen est professeur d'économie à l'Université de Californie à Berkeley.

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(Berkeley)

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Copyright: Project Syndicate, 2009 - www.project-syndicate.org
URL: http://www.project-syndicate.org/commentary/eichengreen8/French


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