John Ruggie, professeur à Harvard et expert des droits de l'homme et des entreprises auprès des Nations Unies, était présent au Parlement européen à l'occasion d'une audition publique jeudi 16 avril. Nous avons pu interroger cet éminent spécialiste sur la responsabilité sociale des entreprises dans les pays en voie de développement.
Pensez-vous que la crise économique menace la responsabilisation sociale des entreprises ?
John Ruggie : A court terme tout a été suspendu et les dépenses relatives à la responsabilité sociale des entreprises ont évidemment été touchées, bien que ce n'ait pas été aussi drastique que l'on aurait pu le craindre. Je pense que sur le long terme la crise aura un effet salutaire sur les relations entre les Etats et les marchés (…), nécessitant plus de transparence, plus de communication et une meilleure surveillance.
Est-ce que les entreprises européennes implantées dans les pays en voie de développement doivent uniquement faire des affaires - ou au contraire fournir des services à la population comme la santé et l'éducation ?
JR : Je ne veux pas paraphraser Milton Friedman mais le but des entreprises est bien de faire des affaires, et non de construire des hôpitaux ou des écoles - à moins qu'elles ne travaillent dans ces secteurs. Elles sont là pour opérer dans le respect des droits de l'homme et d'autres considérations sociales.
Si elles veulent en faire plus, je préfère qu'elles le fassent en partenariat avec les pouvoirs publics pour que leurs initiatives soient renforcées et durables.
Les entreprises ne restent pas éternellement. La philanthropie frénétique peut avoir des conséquences affligeantes. Il suffit de voyager dans certains pays et de voir les ruines d'anciennes écoles ou de cliniques construites par des entreprises et que personne n'a jamais entretenues.
Quel doit être le rôle des entreprises qui sont implantées dans des régions où les droits de l'homme sont régulièrement violés ?
JR : La pire chose qu'elles pourraient faire serait de… devenir complice de la violation des droits de l'homme par le gouvernement local. Elles ont besoin de mesures strictes pour être sûres de ne pas être impliquées.
Dans le même temps elles peuvent apporter une contribution très positive. Nous l'avons vu dans le cas de la liberté d'association par exemple. Même si c'est interdit par la loi dans un pays comme la Chine, de nombreuses entreprises ont permis la formation de comités du personnel en leur sein. De même, de nombreuses compagnies ont essayé de respecter au maximum l'égalité des genres - tout au moins dans leurs locaux.
John Ruggie en bref:
* Né en 1944, arrive aux Etats-Unis en 1967
* Professeur de relations internationales à l'université d'Harvard
* Assistant du secrétaire général des Nations Unies de 1997 à 2001
* Représentant spécial pour la question des droits de l'homme, des sociétés transnationales et autres entreprises auprès des Nations Unies depuis 2005
- En savoir plus :
* Business et droits de l'homme: "changer notre façon de voir les choses" - l'audition publique en détails (17/04/2009)
* Responsabilité sociale des entreprises - définition (Wikipédia)
* John Ruggie (Wikipédia, en anglais)