Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de participer à votre Assemblée générale, comme il y a tout juste deux ans. Nous nous étions rencontrés dans un contexte politique et financier qui était encore en devenir. Aujourd'hui, la politique de cohésion est déployée pour la période 2007-2013. C'est pourquoi je voudrais souligner la place que la politique régionale européenne donne aux régions et le rôle que joue la gouvernance à plusieurs niveaux face aux grands défis auxquels les territoires européens sont confrontés.
L'Union européenne est une union d'Etats membres. C'est sous cette forme qu'elle est née. Mais il n'empêche que le rôle joué par les autorités régionales et locales dans la construction européenne a été progressivement reconnu. Cette reconnaissance s’est traduite notamment par la création du Comité des régions. Mais aussi par l'extension des domaines de la consultation et par les modalités de dialogue et de partenariat mises en place pour certaines politiques, et en particulier, bien sûr, la politique de cohésion. La place des échelons régionaux et locaux a aussi trouvé une traduction dans les récents débats menés dans le cadre du nouveau traité européen. Je veux parler des débats touchant à la reconnaissance du rôle des régions, à un droit de recours du Comité des régions, à la création d'un système d'alerte en faveur des parlements nationaux dans le contrôle de l'application de la subsidiarité, et surtout à la notion de cohésion économique et sociale étendue à la cohésion territoriale.
Le rôle accru des régions relève d'abord d’exigences politiques et démocratiques: les démocraties modernes ne peuvent plus satisfaire les attentes des citoyens par la seule réponse nationale, par nature plus rigide.
Il répond en réalité à un double mouvement de fond:
* d'une part, il est plus difficile pour les États de prendre des décisions isolées dans un environnement mondialisé où les réponses macroéconomiques sont nécessairement collectives;
* d'autre part, les niveaux régionaux et locaux ont de plus en plus de compétences, en raison d’un besoin de plus grande proximité et d'expression des identités à l'égard du politique.
Pour que les citoyens européens se mobilisent et adhèrent au projet européen, il faut que les autorités territoriales et régionales y aient toute leur place. C'est un moyen important de renforcer le lien entre l'Union et ses citoyens. C’est un moyen important de démontrer qu'il est possible d'aller de l'avant ensemble, tout en respectant la diversité et les identités des territoires.
Quant à la forme institutionnelle choisie par chaque Etat membre, la position de la Commission est très claire: ce choix est parfaitement libre. L'intérêt de la politique de cohésion est précisément de mettre à la disposition de toutes les régions les mêmes outils, quel que soit leur statut institutionnel.
D’ailleurs, ce système institutionnel évolue: dans certains des nouveaux États membres, il y a par exemple un lien évident entre les processus de régionalisation ou de décentralisation et l'existence de programmes de développement régionaux.
Si les régions et les autorités locales jouent un rôle accru, c’est aussi parce qu’elles sont reconnues à la fois comme initiatrices et comme bénéficiaires du développement socio-économique.
Dans sa programmation, son approche intégrée et son principe de partenariat, la politique régionale a clairement fait de la région un échelon actif du développement économique, et donc un acteur politique.
C'est aussi dans le cadre de la politique régionale que s'est développé le système de gouvernance à plusieurs niveaux qui associe un grand nombre de partenaires – Commission européenne, Etats membres, régions et villes au niveau vertical – et partenaires socio-économiques au niveau horizontal. La grande nouveauté, pour la période 2007-2013, c’est que la société civile est désormais aussi partie prenante. Toutes les analyses le prouvent, l’association des autorités régionales et locales à la programmation, à la gestion, à l'évaluation et au contrôle des interventions est indispensable au succès de notre politique.
Tous les niveaux d’action sont en outre associés à la stratégie générale de l'Union grâce à notre système de programmation pour la période 2007-2013. Le cap est clair: la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi, qui est la grande priorité de l’Union.
En accordant plus de place aux autorités régionales dans l'investissement public, la politique de cohésion encourage aussi la participation des acteurs régionaux et locaux à la stratégie de Lisbonne par un meilleur partenariat entre la Commission, les Etats membres et les régions.
Le quatrième rapport sur la cohésion publié en mai dernier a dressé un inventaire des grands défis auxquels les territoires de l’Union sont confrontés.
Toutes les villes et les régions d'Europe devront faire face aux défis externes de la mondialisation, du réchauffement climatique, de l'approvisionnement énergétique et de l'évolution démographique.
Mais il faut aussi répondre à la question des disparités territoriales, du cumul des handicaps naturels et géographiques, des conséquences négatives de la concentration urbaine et de la polarisation de la richesse et de la population. Ces évolutions sont d’autant plus préoccupantes qu’elles résultent de notre modèle de développement territorial lui-même.
Ces défis concernent tous nos territoires, bien qu’à des degrés divers, et exigent des réponses efficaces. Ces réponses ne peuvent pas être uniformes. Elles doivent tenir compte des ressources et des compétences locales. Elles doivent aussi s'appuyer sur des coopérations territoriales – transnationales, transfrontalières ou interrégionales – et sur le partage d'expériences.
Ces défis, on le comprend bien, justifient l'importance accordée au territoire, qui est au cœur de la conception de la politique régionale européenne. Pour réussir dans un contexte mondialisé, chaque région doit pouvoir valoriser son potentiel unique de ressources pour contribuer à la compétitivité de l'Union européenne dans son ensemble.
Un nouveau paradigme est en train d’émerger dans les politiques publiques:
celui d'une approche sectorielle qui se déplace vers une approche intégrée;
celui d’un système de subventions uniquement destinées à réduire les disparités régionales qui se déplace vers des investissements dans le potentiel régional.
Seules des actions ciblées, coordonnées au plus près du terrain et intégrées permettront à la fois d’atténuer les effets négatifs de ces défis et de renforcer les atouts de chacun de nos territoires.
C'est tout le sens de l'approche axée sur la cohésion territoriale que consacre le nouveau traité modificatif. Il faut la saluer comme une grande avancée.
Les questions que je viens d'aborder seront au cœur du Livre vert sur la cohésion territoriale que la Commission publiera dans le courant de 2008.
L'agenda territorial adopté par les ministres de l'aménagement du territoire à Leipzig en mai dernier, est une bonne feuille de route, à laquelle la Présidence portugaise du Conseil de l’Union donne aujourd’hui un prolongement opérationnel bienvenu. Il appartient aussi aux collectivités territoriales de faire vivre cet agenda dans leur domaine de compétence.
Pour conclure, je voudrais redire que la politique de cohésion offre le cadre et les outils indispensables pour que les régions puissent jouer leur rôle d'acteurs du développement économique. En ancrant fermement l’action politique dans les territoires, le système de gouvernance à plusieurs niveaux de notre politique régionale européenne est un stimulant essentiel pour renforcer l'avantage concurrentiel de l'Union.
Notre politique a pour ambition de mobiliser les ressources vers les secteurs où les dépenses devraient avoir le plus grand impact possible et apporter la plus grande valeur ajoutée. Elle stimule la croissance et l'emploi. Elle encourage une approche intégrée et des échanges d’expériences entre les régions pour miser sur ce qui marche. Son objectif principal est de doper le potentiel de croissance à long terme de toutes les régions et de leur permettre d'atteindre durablement un niveau de développement plus élevé.
Pour moi, la question des performances relève avant tout des régions. Dans le contexte actuel de réexamen du budget communautaire, il appartient aux autorités de gestion et aux régions de rendre visibles les résultats de la politique de cohésion sur le terrain. Et c'est la preuve de l'efficacité de cette politique qui constituera le meilleur argument pour la poursuite d'une véritable politique de cohésion européenne.
J'invite donc tous les acteurs régionaux et locaux à contribuer non seulement à la consultation publique sur l’avenir de la politique de cohésion qui vient d’être lancée, mais aussi à la consultation ouverte le 12 septembre par la Commission sur le réexamen budgétaire 2008-2009. La politique de cohésion est et doit être l'affaire de tous.