Question : Votre rapport dresse un état de la régionalisation en Europe, et souligne les importantes différences qui subsistent d’un pays à l’autre dans ce domaine : faut-il pour autant harmoniser les politiques régionales en Europe ?
Lluis Maria de Puig : Si certains pays comme l’Espagne ou l’Allemagne sont très fortement régionalisés, d’autres ne le sont encore que sur le seul plan administratif, voire pas du tout. Il n’est pas question de développer une vision unique des régions ni de créer des entités artificielles, mais il faut persuader les Etats qui sont encore réticents que la régionalisation est de leur intérêt : elle permet d’éviter les risques de « sécession » et les dangers de conflits au sein d’un même Etat, et garantit leur unité dans le respect des groupes qui les composent. En outre, au niveau européen, la régionalisation peut éviter la création de nouveaux Etats : depuis 15 ans, 15 nouveaux Etats sont apparus en Europe, et la poursuite de cette « escalade » serait très difficile à gérer pour l’ensemble du continent. Mais s’il est impossible d’harmoniser les statuts et les compétences des régions en Europe, il faut par contre leur donner plus de poids vis-à-vis des institutions européennes.
Question : Justement, le Congrès prépare une nouvelle « Charte européenne de la démocratie régionale », et les ministres européens chargés de l’aménagement du territoire se réunissent dans quelques jours à Valence : le soutien de l’Assemblée à la régionalisation s’inscrit-il dans cette perspective ?
Lluis Maria de Puig : Le fait que l’Assemblée insiste sur les avantages de la régionalisation pour l’Europe montre, bien sûr, l’importance qu’elle attache aux travaux du Congrès et à cette charte, mais la proximité de la conférence de Valence n’est qu’un hasard de calendrier, puisque la charte ne figure pas officiellement à son ordre du jour. J’en parlerai néanmoins lors de cette conférence. En fait, mon rapport s’adresse à l’ensemble des institutions européennes, même si cette pratique n’est pas usuelle de la part de l’Assemblée.
Question : En dehors de la notion de stabilité, quels sont, justement, les messages que vous souhaitez transmettre aux institutions européennes ?
Lluis Maria de Puig : Je rappelle que les régions sont bien placées pour promouvoir les valeurs humanistes du Conseil de l’Europe, car dans beaucoup de pays, comme l’Espagne par exemple, elles sont compétentes pour les questions de migrations, de minorités et de respect de leurs droits. Elles offrent aussi des « repères » culturels, historiques et géographiques face à la mondialisation. Je souhaite que les Etats s’engagent pour donner aux régions la représentativité qu’elles méritent dans les institutions européennes, en particulier celles de l’Union : des grandes régions très peuplées comme la Bavière, la Catalogne ou la Lombardie, qui disposent de larges compétences et de parlements élus, n’y ont aucun pouvoir de décision, contrairement à tous les Etats dont certains sont pourtant infiniment moins peuplés, ce qui est très frustrant pour elles. Il faut absolument renforcer l’influence et le rôle des régions au sein de l’Union européenne et intégrer cette dimension dans le futur traité européen. En même temps, nous appelons le Conseil de l’Europe à soutenir les organisations régionalistes européennes, notamment en renforçant le rôle du Congrès.