Comment définissez-vous le concept de « diversité des expressions culturelles » ?
Lorsqu’on parle d’expressions culturelles, on vise les contenus, c’est-à-dire le cœur même de la création, quels que soient les supports qui la véhiculent ou les formes qu’elle puisse prendre. La Convention est une réponse apportée à un constat et à un défi nés des effets contrastés de la mondialisation dans le domaine des industries culturelles.
En effet, la libéralisation des échanges commerciaux internationaux et le développement des nouvelles technologies ont bouleversé les modes de production et de diffusion de la culture. Ce phénomène a des conséquences positives et négatives. D’un côté, la concentration des industries culturelles qui en est résultée menace d’appauvrissement l’offre culturelle. De l’autre, cette mondialisation des échanges ouvre des perspectives inédites à la création.
Dans ce contexte, la Convention vise à mettre à l’œuvre une dynamique positive pour que toutes les cultures puissent s’exprimer avec une égalité de chances et que toutes les expressions culturelles aient droit de cité.
Quel est l’objet de cette Convention ?
L’objet et l’objectif de ce texte résident dans l’idée que les œuvres de l’esprit ne doivent pas être soumises aux lois ordinaires du commerce. Cela veut dire qu’on leur reconnaît une spécificité ; la culture ou les cultures expriment l’âme des peuples et ne peuvent se résumer à des produits que l’on échange.
La Convention pose pour la première fois et avec force que les productions culturelles ont une double nature : économique, car il faut naturellement rétribuer les créateurs, mais aussi une nature irréductible au marché et qui relève de l’ordre du sens, du symbole. La Convention s’efforce précisément de mettre en place un cadre juridique qui tienne compte de cette double caractéristique des produits culturels.
Quel bénéfice les artistes peuvent-ils tirer de la mise en œuvre de cette Convention ?
Partout dans le monde, les artistes ont les mêmes besoins. Ils souhaitent pouvoir exprimer leurs talents, trouver leur public et tirer une rémunération de leur travail. Or le marché culturel tel qu’il se présente aujourd’hui ne permet pas cela. Les créateurs ont du mal à trouver les moyens leur permettant de vivre de leur art ; ils sont fréquemment spoliés par les grandes firmes de production culturelle et ils ont du mal à se frayer une place sur le marché mondialisé de la culture.
C’est pourquoi la Convention met en place des principes de régulation internationaux en reconnaissant un rôle aux politiques publiques et en instaurant un cadre de solidarité internationale. Il s’agit par là de créer un environnement qui permette aux artistes de renforcer leur mobilité, favorise un meilleur accès de leurs œuvres aux circuits de distribution internationale et offre une meilleure garantie de leurs droits.
Quel rôle ce texte peut-il jouer pour les pays en développement ?
Les pays en développement sont au coeur même de ce dispositif. Face à la puissance des grandes « major » du cinéma ou de l’industrie du disque, ils risquent en effet de voir disparaître leur culture traditionnelle et de devenir des réservoirs de consommateurs de produits culturels sans lien avec leur histoire et leur diversité. Ils ont donc un besoin urgent de créer des capacités de développement sur le plan local.
Aujourd’hui, il n’existe par exemple plus de cinéma en Afrique et il y est quasiment impossible de trouver de la pellicule. Pour de nombreux pays pauvres, le handicap est tel qu’ils n’ont aucune chance d’exister sur le marché mondial de la culture s’ils ne bénéficient pas d’un traitement préférentiel. Or la Convention offre un cadre de régulation qui permet d’orienter les ressources vers les pays qui en ont besoin. C’est la seule manière qu’un film malien ou tchadien ait des chances de voir le jour et de rencontrer son public.
A quoi les pays s’engagent-ils lorsqu’ils ratifient la Convention ?
En réalité, il existe des formes d’engagement différentes. La première forme d’engagement concerne tous les pays signataires. Elle consiste à favoriser l’épanouissement de la diversité culturelle chez eux tout en soutenant la création culturelle.
En contrepartie, et pour éviter d’assister à un protectionnisme déguisé, les pays s’engagent à ouvrir leur territoire aux autres productions car il est évident que la culture ne peut s’arrêter aux frontières d’un Etat. La seconde forme d’engagement concerne les pays industrialisés ou disposant déjà d’industries culturelles solides.
Il s’agit pour ces pays de mettre en place un cadre de coopération international qui favorise l’équipement des pays moins avancés, notamment par des financements de projets, du transfert de savoir faire ou des coproductions. Mais ces initiatives reposent sur la bonne volonté des Etats. Le succès de la Convention dépendra par conséquent de la volonté politique des Etats à lui donner un contenu.
Propos recueillis par le Bureau d'information du public de l'UNESCO.