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Date :  2006-09-28
langue :  Français
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Compte-rendu de la table ronde n°4 : "Formes et contributions de la coopération artistique et culturelle interrégionale"

"Formes et contributions de la coopération artistique et culturelle interrégionale"

(29 septembre 2006, thème de la matinée : "Diversité culturelle et développement régional")


Cette quatrième table ronde avait pour objectif de présenter le "fait interrégional" sous ses différentes figures contemporaines dans le domaine des arts et de la culture, ainsi que de souligner en particulier le rôle de la coopération culturelle et artistique dans le développement économique, politique et social des régions et en faveur des différents projets de construction régionale. Une occasion de confronter des expérimentations interrégionales qui avaient pour inspiration commune la promotion de la diversité culturelle comme réponse politique aux désordres du monde. C’est en ces termes que s’est exprimé Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles de Grenoble et modérateur de cette table, en formulant à la fin de son introduction l’interrogation qui suit : est-ce le monde politique qui donne une impulsion à la coopération culturelle, ou les acteurs culturels qui, par leurs activités, invitent le monde politique à se mobiliser en faveur de la coopération culturelle ? Les interventions qui ont donné suite à cette introduction se sont concentrées sur deux thèmes principaux, à savoir : i) la question de la coopération culturelle interrégionale sur le continent européen, et ii) la promotion de la diversité culturelle comme réponse politique aux désordres du monde.

La coopération culturelle des régions européennes : avancées et limites

Se référant aux régions administratives qui composent l’Union européenne, la Présidente de la revue Culture Europe International, Anne-Marie Autissier (1), a présenté un état des lieux du continent européen, rappelant avant tout la grande hétérogénéité qui caractérise les pouvoirs détenus par ces divisions administratives. En effet, il apparaît que les régions situées dans les États à caractère fédéral sont celles qui détiennent le plus grand nombre de prérogatives. Un processus de décentralisation est cependant bel et bien à l’œuvre dans l’ensemble de l’UE, ce qui laisse présager une certaine homogénéisation. Ce constat fait, elle a tout de même signalé que dans la pratique, de nombreuses régions n’avaient pas attendu la fin du processus de décentralisation pour prendre des initiatives, et notamment dans le domaine de la culture et des arts. Ces initiatives ont d’ailleurs été favorisées, au niveau européen, par deux facteurs essentiels. Tout d’abord, de nombreux regroupements régionaux ont servi de modèle et ont donné une certaine impulsion à ce type de pratiques (on peut notamment mentionner le groupe des "quatre moteurs pour l’Europe"). Ensuite, l’UE a mis sur pied le programme INTERREG qui a précisément pour objectif de renforcer la cohésion économique et sociale de l’UE en assurant la promotion des coopérations transfrontalières, transnationales et interrégionales. C’est dans ce contexte que de plus en plus de projets issus de ce programme touchent au domaine de la culture. Cependant, A.-M. Autissier a souligné le caractère hautement problématique du domaine artistique et culturel puisque, d’un point de vue purement économique, la demande pour de telles activités peut être très fluctuante. Au niveau des institutions européennes, cela se traduit par une préférence pour la dotation en équipements culturels alors même qu’il faudrait que les projets touchent plus directement les populations européennes. Elle préconise donc que soient favorisées les ressources humaines au niveau européen pour que les programmes soient mieux adaptés aux spécificités des domaines culturel et artistique.

Diffusion et création culturelles en Europe : l’exemple des spectacles vivants

Les dysfonctionnements de la coopération culturelle liés à la lourdeur de l’appareil administratif de l’UE ont également été au cœur de l’intervention de Jean-Claude Berutti, directeur de la Comédie de Saint-Étienne et Président de la Convention théâtrale européenne. Évoluant dans le domaine des arts vivants, cet intervenant a souligné le danger que représente l’Union européenne pour la diversité culturelle. En effet, tandis que la préservation de la diversité linguistique est une condition essentielle de la promotion de la diversité culturelle, l’UE ne semble pas accorder assez de ressources à la sauvegarde et à la promotion des langues du continent, puisqu’elle tend, dans la pratique, à ne favoriser que deux ou trois langues de travail. Et ce sont les pays de l’Est qui semblent le plus souffrir de ces pratiques communautaires. C’est dans ce contexte que la promotion des arts vivants, et du théâtre en particulier, prend toute sa signification, puisque les langues vivantes n’existent qu’au travers de la communication orale. L’UE devrait donc proposer plus de financements destinés à promouvoir les arts vivants, et les dossiers de candidature permettant d’accéder à ces financements devraient être plus souples et donc moins formatés, car c’est en effet l’une des raisons pour lesquelles de nombreux projets de coopération artistique n’arrivent pas à voir le jour.

Le témoignage d’une représentante de la région Ile-de-France qui travaille sur les questions de coopération culturelle a servi d’illustration aux propos de J.-C. Berutti. En effet, cette région a voulu mettre en place un échange culturel cinématographique avec trois autres régions européennes : la Communauté de Madrid, la région de Berlin, et le Lazio, en Italie. Cependant, il s’est avéré que le meilleur moyen d’arriver à mettre en place cette coopération était de contourner les dispositifs européens existants, puisqu’ils étaient beaucoup trop contraignants. Ces régions ont donc fait appel à des ressources propres, quitte à se tourner à l’avenir vers l’UE avec déjà en main les résultats concrets du partenariat, ce qui devrait faciliter l’octroi de l’aide européenne.

Coopération artistique et culturelle interrégionale en Europe : le réseau Europa-Cinémas

Un autre intervenant a fait part d’une expérience très positive sur la scène européenne. Il s’agit de Claude-Éric Poiroux, directeur de Europa Cinémas depuis sa création, et bras armé de l’aide de l’UE aux salles de cinéma engagée sur le front de la diversité. Son objectif est d'accroître la diffusion, la promotion et la durée d’exposition des films européens dans les salles de cinéma. Ce projet concret, financé par la "région supranationale UE", a rencontré un vif succès professionnel et public, et il a permis la découverte par les populations européennes de films réalisés par des Européens, contribuant ainsi directement à la promotion de la diversité des cultures qui forment l’Europe et sa périphérie directe.

La coopération culturelle interrégionale dans le monde arabe et musulman

Si ces premières interventions ont eu pour objet d’analyse le cadre européen, les autres interventions ont permis d’élargir le débat, en apportant des éclairages venus d’Afrique du Nord et des Amériques. Soutenant l’idée selon laquelle l’art serait un moyen intéressant pour favoriser le dialogue des cultures, le musicologue et directeur de l’Institut supérieur de musique de Tunis, Mohamed Zinelabidine, a souligné combien la promotion de la coopération culturelle et artistique devenait urgente dans un contexte international marqué par une campagne implicite en faveur du "choc des civilisations". Revenant ensuite sur le cas de la Tunisie, il a mis en avant les nombreuses défaillances qui empêchaient le secteur culturel de remplir pleinement son rôle. Tout d’abord, il a rappelé que dans le monde arabo-musulman, le secteur de la culture n’avait pas une importance comparable à celle qui lui est accordée dans certains pays européens. Ce qui manque avant tout est donc une prise de position politique claire en faveur de la promotion de la diversité culturelle dans ces pays. Cette prise de position apparaît comme un préalable qui conduirait, par la suite, à l’élaboration et la mise en œuvre de politiques culturelles, et, le cas échéant, à un transfert de compétences vers des échelons administratifs inférieurs. Cependant, cet intervenant a également souligné le fait que la coopération interrégionale devait aussi et avant tout se concentrer sur l’économie et l’éducation, dans le but d’aider à sortir les populations de la difficile situation dans laquelle elles se trouvent.

Le rôle des expressions régionales dans la promotion de la culture et de l’identité nationales sur la scène internationale : éclairages du Brésil

L’actuel Secrétaire d’État à la Culture du Brésil, en charge des Identités et de la diversité culturelle, Sérgio Mamberti (2), nous a présenté les actions mises en œuvre en faveur des expressions culturelles régionales par le président Lula da Silva. Ce dernier a souhaité voir le Brésil jouer un grand rôle dans le domaine de la promotion de la diversité culturelle. Pour ce faire, le Brésil s’est tout d’abord prononcé de manière convaincue en faveur de la convention sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles et artistiques. Ensuite, Lula a mis en œuvre une politique culturelle solide et cohérente en faveur de la promotion de la diversité culturelle sur le territoire national. Rappelant que l’expression culturelle populaire était la principale forme d’expression culturelle du pays, et que par ailleurs, les différents États composant ce pays avaient aussi développé des caractéristiques propres, S. Mamberti a fait référence à la mise en place, par le gouvernement brésilien, d’institutions spécifiques dont le but est de favoriser l’expression de ces identités diverses qui constituent le pays. Le Festival des Trois Frontières apparaît à ce titre comme un symbole de la promotion des expressions culturelles régionales et sud-américaines. D’autre part, un effort considérable est dirigé vers les peuples indigènes de la forêt amazonienne qui évoluent bien souvent sur des zones transfrontalières. Tous ces efforts visent à favoriser le développement humain et donc à améliorer les conditions de vie des populations locales. Cette intervention qui donne un rôle central et même premier à la culture et aux politiques culturelles dans l’atténuation des inégalités et des désordres susceptibles d’en découler vient présenter un contrepoint intéressant au témoignage de M. Zinelabidine pour lequel étendre l’offre éducative et améliorer les conditions de vie des populations les plus démunies constituent une condition préalable au développement de politiques culturelles par l’Etat.

Conflits entre individus : entre processus de socialisation et processus culturel

Enfin, la chorégraphe Marie Chouinard a apporté au débat un point de vue peu développé jusqu’alors au cours de la conférence. Alors que dans de nombreuses interventions, les conflits entre les individus avaient tendance à être interprétés comme des conflits liés aux différences culturelles, l’artiste québécoise a défendu l’idée selon laquelle les incapacités à communiquer étaient liées plutôt à des questions d’ouverture personnelle. En effet, quelle que soit leur(s) "culture(s)", les personnes sont toujours plus ou moins ouvertes aux autres, cette ouverture découlant des différents processus de socialisation vécus par les individus. Mais cet éclairage est peut-être uniquement compatible avec les sociétés comme le Québec qui comportent un grand nombre de communautés distinctes : en effet, dans les sociétés plus unitaires, on a tendance à attribuer des traits de caractère à tel ou tel groupe culturel. Le dialogue interculturel y apparaît donc davantage comme une nécessité.

Les complémentarités administratives en faveur de la promotion de la diversité culturelle

La coopération culturelle et artistique semble ainsi être en mesure de jouer un rôle déterminant dans le développement économique et social des différentes régions du monde. Toutefois, les différentes interventions font prendre conscience du fait que la coopération culturelle et artistique ne trouve pas forcément plus d’écho dans une forme régionale que dans une autre. Bien que la coopération culturelle interrégionale se présente comme une alternative pertinente en faveur de la promotion de la diversité culturelle et linguistique, d’autres échelons administratifs paraissent tout autant capables de mener ce combat. En témoignent les succès rencontrés par l’Union européenne et le Brésil. C’est pourquoi il semble pertinent de mettre en avant l’idée d’une complémentarité administrative. En effet, là où les régions supranationales échouent, les États et/ou les régions peuvent intervenir. En d’autres termes, le financement dédié à la coopération culturelle et artistique devrait, idéalement, être accessible à divers échelons administratifs.



Notes :

(1) Texte de l'intervention d’Anne-Marie Autissier : “La coopération culturelle des régions européennes, avancées et limites

(2) Texte de l'intervention de Sergio Mamberti : “Le rôle des expressions régionales dans la promotion de la culture et de l’identité nationales au Brésil


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