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Date :  2006-09-28
langue :  Français
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Compte-rendu de la table ronde n°3 : "Le double défi des régions : mondialisations culturelles et intégration régionale"

"Le double défi des régions : mondialisations culturelles et intégration régionale"

(28 septembre 2006, thème de l’après-midi : "Régions, identités et diversité culturelle")

Source :  Axelle Charpentier


La table ronde 3 examine la question de la défense et de la promotion de la diversité culturelle dans les régions sous l’angle de la rencontre entre deux figures contemporaines : les processus de mondialisation, d’une part, et les processus de régionalisation, d’autre part. Alors que les premiers ignorent et dépassent les frontières, les seconds contribuent à la re-composition des territoires en participant à la construction d’un nouveau cadre d’exercice de l’action politique : l’interrégional. À partir de l’analyse de "cas régionaux" de coopération culturelle (en Afrique, en Asie et en Europe) et de perspectives linguistiques et artistiques, les intervenants ont tenté de définir le rôle qui revient aux arts et à la culture dans les régions pour relever les défis contradictoires posés par les processus de mondialisation culturelle et les intégrations régionales.

Les réseaux culturels régionaux : vers la constitution d’un "réseau des identités" global

La lutte en faveur de la préservation et de la promotion de la diversité culturelle, gage de paix entre les communautés humaines, doit s’appuyer sur la constitution d’un "réseau des identités" global, souligne le Vice-président de la Commission Culture de l’Assemblée des Régions d’Europe Béla Bokor (1). En approchant la culture comme un espace pour la conquête de la citoyenneté, ce dernier insiste, par ailleurs, sur l’impératif que constitue la construction de réseaux culturels régionaux forts. Dans les espaces local et global, la culture régionale peut, en effet, jouer un rôle médiateur dans la compréhension entre les différences. Une stratégie de régionalisation (au sens large) des politiques culturelles s’avère d’autant plus cohérente qu’aujourd’hui, les pouvoirs des régions sont valorisés par l’extension des processus de décentralisation en Europe et dynamisés par la constitution d’ensembles interrégionaux. Pour ce faire, on dispose d’expériences de coopération culturelle régionale réussies – par exemple dans le cadre des Eurorégions - qu’il convient d’exploiter. À cette fin, B. Bokor propose la création d’un groupe de travail international sur les activités et processus interculturels, qui serait composé d’experts, d’universitaires ainsi que de professionnels de la culture évoluant "à l’interrégional".

La diversité culturelle comme conflit et fondement de paix

L’assertion selon laquelle la diversité culturelle est conflit, introduite par la modératrice Christine Merkel (Responsable de la culture et de la communication à la Commission nationale allemande pour l’Unesco), a été reprise par In Suk Cha (2), Président du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines (CIPSH). Il a ainsi précisé que des visions et des mémoires différentes pouvaient coexister au sein de projets artistiques et culturels interrégionaux, et contribuer, de fait, à la reconnaissance de l’Autre et à la réconciliation des peuples. Toutefois, son esquisse des expériences régionales asiatiques, puis l’intervention du philosophe et ancien Ministre de la culture sénégalais, Abdoulaye Elimane Kane, viendront rappeler l’enjeu éminemment politique de la diversité culturelle, entendue comme réponse à la question "comment vivre ensemble en étant différent ?".

Relever le double défi des mondialisations culturelles et de l’intégration régionale : l’art africain contemporain entre ouverture et enracinement

Par ailleurs, il importe d’approcher la diversité culturelle comme un processus dynamique : les vœux du "vouloir vivre ensemble" sont ébranlés au quotidien, sous l’effet notamment des transformations économiques, sociales, juridiques et politiques induites par les mondialisations actuelles. Abondant à ce diagnostic, l’Afrique a initié des lieux de rencontre des arts africains incarnés par des événements phares tels le DAK’ART, le FESPACO et le MASA. Comme l’atteste A. E. Kane (3) (ainsi que l’actuel Ministre de la culture malien, Cheikh Oumar Sissoko, à l’occasion de la table ronde 5), les Africains, grâce à la mise en place de politiques culturelles nationales, régionales et continentales, ont résisté, entre ouverture et enracinement, au démantèlement de leurs cultures. Désormais, c’est à partir des nouveaux pôles culturels régionaux de l’Afrique que les artistes africains présentent leurs œuvres et se font connaître au reste du monde.

Décoloniser les imaginaires construits par les politiques de l’identité : condition d’une intégration régionale sud-asiatique réussie

Au regard des défis portés par le pluralisme, l’intégration régionale peut-elle s’avérer, au contraire, menaçante, s’interroge le géopolitologue indien Sanjay Chaturvedi (4). Si le fait régional signifie l’exaltation des fondations sacrées d’une nation d’un peuple choisi (une tendance visible dans le cas de l’Asie du Sud), alors il fera planer une menace sérieuse sur la diversité culturelle. Pourtant, il est possible d’appréhender le phénomène des mondialisations culturelles par le bas, c’est-à-dire en questionnant et en décolonisant les imaginaires construits par les politiques de l’identité autour de l’opposition entre "notre culture" et "leur culture". Des forces et figures des mondialisations culturelles, il faut espérer qu’elles contribueront à rappeler que nul homme n’appartient à un groupe unique. Dès lors, espace de diasporas, l’Asie du Sud-est doit promouvoir des "géographies ouvertes" et perpétuer, ainsi, sa tradition pluraliste.

Diversité linguistique et mondialisations littéraires : l’anglais et la traduction

À l’image de l’ensemble des intervenants, la traductrice et co-directrice du festival PEN World Voices Esther Allen souligne une composante essentielle de toute lutte pour la diversité culturelle, à savoir la diversité linguistique. Parmi les langues mondiales, l’anglais est un cas particulier, une lingua franca qui ne parle pas le langage de la traduction. Ainsi, d’après les statistiques de l’Unesco, environ 50% de toutes les traductions publiées dans le monde sont de l'anglais vers les autres langues, tandis que seulement 2 ou 3% le sont des autres langues vers l'anglais. De cette monoculture de la langue anglaise, imposée par la censure du marché, résulte un dangereux provincialisme du monde américain/anglophone. Provincialisme contre lequel il faut lutter, comme le fait le PEN Club à travers des activités conduites en partenariat avec des régions du monde, comme Rhône-Alpes ou la Catalogne.

La couleur, expérience moderne de la diversité culturelle

L’importance des arts et des cultures réside dans l’opportunité de faire revivre la tradition, de montrer et retrouver le présent sous couleur du passé, et l’ici sous couleur de l’ailleurs. Dans cette perspective artistique proposée par l’artiste plasticienne Eliane Chiron (5), le présent et l’ici échappent au global et au local. Par ce processus s’exprimerait l’expérimentation moderne et contemporaine de la diversité culturelle.


La réflexion des intervenants sur la conduite d’une dynamique régionale artistique et culturelle laisse entrevoir des opportunités prometteuses, tant à l’égard du rapprochement et du dialogue des cultures, qu’en ce qui concerne l’élaboration d’une nouvelle gouvernance régionale respectueuse des aspirations citoyennes. Finalement, de l’ensemble des interventions de cette table ronde, on pourrait retenir la formule suivante, extraite du plaidoyer de Béla Bokor en faveur de nouvelles stratégies de coopération interrégionale par la culture : — au regard du défi posé par l’idéal européen "réaliser l’unité dans la diversité", il s’agirait de penser globalement, agir localement et développer régionalement.



Notes :

(1) Texte de l'intervention de Béla Bokor : "Région, identité et diversité culturelle"

(2) Texte transmis par In-Suk Cha : "Cultural Globalization and the Regions of Southeast Asia and Northeast Asia"

(3) Texte de l'intervention d’ Abdoulaye Elimane Kane : "Initiatives culturelles régionales africaines entre ouverture et enracinement (le cas de l'art africain contemporain : DAK'ART, FESPACO, MASA, etc.)"

(4) Texte de l'intervention de Sanjay Chaturvedi : "Cultural globalization, regional integration and identity politics views on and from South Asia"

(5) Texte de l'intervention d’ Eliane Chiron : "Ici sous couleur de là-bas, aujourd'hui sous couleur d'autrefois. Paradoxes de la couleur locale (hommage aux autochromes Lumière)"


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