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Date :  2006-09-29
langue :  Français
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Les politiques culturelles régionales en Afrique

Ce texte est un papier préparé pour les Rencontres Interrégionales
« Régions et diversité culturelle : une dynamique européenne et mondiale »
(Lyon, les 28 et 29 septembre 2006)


Je voudrais commencer par un passage du préambule de la Convention sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles qui résume l’esprit des présentes rencontres : « Consciente que la diversité culturelle constitue un patrimoine commun de l’humanité et qu’elle devrait être célébrée et préservée au profit de tous, etc. »

L’affirmation d’une telle prise de conscience sous l’égide de l’UNESCO ne manque pas, cependant, de susciter une interrogation : quelles sont les instances locales, nationales, régionales ou internationales qui doivent célébrer et préserver ce « patrimoine commun de l’humanité » qu’est la diversité culturelle ? La tenue de plusieurs concertations régionales et internationales, un peu partout à travers le monde, témoigne de l’intérêt que suscite la question et des nombreux acteurs qu’elle mobilise, chacun selon son statut et son rôle.

Il apparaît, en tout cas, que l’UNESCO met à la disposition de la communauté internationale un instrument de protection et de promotion de la diversité culturelle dont il convient de mesurer la portée et les limites. Les rencontres interrégionales de Lyon s’inscrivent, en grande partie, dans le cadre de la réflexion sur les enjeux de la diversité culturelle à l’échelle régionale et mondiale. C’est le lieu de dégager les contours d’un sujet qui requiert l’implication de nombreux acteurs, en raison de son impact considérable sur les échanges internationaux. Dans cette optique, la question des politiques régionales que nous sommes en train de débattre me paraît digne d’intérêt. Aussi focaliserai-je mon intervention sur le cas de l’Afrique qui est riche d’enseignements.


Abdoulaye Elimane KANE , ancien Ministre de la Culture du Sénégal et Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop, constate qu’en Afrique les politiques de développement dans leur rapport à la question culturelle, souffrent de maux tels qu’une large dépendance vis-à-vis de l’extérieur et l’absence d’une vision accordant à la culture sa véritable place.

Ces maux, s’ils constituent une entrave au développement culturel du continent africain, ne sont pas pour autant insurmontables. Lorsqu’on jette un regard rétrospectif sur l’évolution des pays africains, il apparaît qu’au fil des ans, les décideurs politiques ont pris conscience de l’importance de la culture dans leurs politiques de développement. L’adoption en 1976 de la Charte culturelle de l’Afrique mérite, à cet égard, d’être signalée. Ce texte traduit la volonté des Chefs d’Etats et de Gouvernement de traiter la culture comme une composante essentielle des économies nationales. Il vise, en premier lieu, à créer les conditions socio-culturelles propices au développement, en palliant le retard qu’accuse l’Afrique dans la production et la diffusion de biens culturels. Comme l’a fait remarquer Joseph Ki-Zerbo dans son essai intitulé « A quand l’Afrique », « un des grands problèmes de l’Afrique c’est la lutte pour l’échange culturel équitable ». A travers la charte précitée transparaît le souci des Etats africains de reprendre l’initiative dans le domaine culturel afin de rompre le cycle infernal de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Aussi, prônent-ils l’élimination de toutes les formes d’aliénation, d’oppression et de domination culturelle. Il s’agit également, pour eux, de réhabiliter, restaurer, sauvegarder et promouvoir le patrimoine culturel africain, tout en mettant en place des infrastructures et des équipements culturels qui soient adaptés aux exigences du développement.

Les principales dispositions de la charte culturelle de l’Afrique sont relayées par le Plan Stratégique de la Commission de l’Union africaine 2004-2007 qui établit le lien avec l’actualité internationale. Ce Plan d’actions vise principalement à défendre une position commune de l’Afrique dans le débat sur la diversité culturelle, à favoriser le développement des industries culturelles, à revaloriser la place de la culture et des acteurs culturels dans le développement, etc.

D’autres initiatives du même genre illustrent l’émergence progressive d’une politique culturelle régionale, en l’occurrence celles de l’UEMOA qui dispose d’un département des Arts, de la Culture et des Nouvelles Technologies. La Commission de l’UEMOA a fait adopter en septembre 2004 un « Programme d’actions communes pour la production, la circulation et la conservation de l’image au sein des Etats membres de l’UEMOA ». Elle a aussi initié une étude devant aboutir à l’élaboration d’un programme de formation aux métiers de l’image et du son au sein de l’UEMOA, ainsi qu’une mission d’élaboration de cadre réglementaire pour la production et la circulation de l’image au sein de l’UEMOA. Il s’agit, à moyen terme, de parvenir à la conception et à l’adoption d’une politique sectorielle qui pourrait s’étendre à d’autres domaines.

Bref, c’est la lutte pour un échange culturel équitable qui se poursuit, par ailleurs, avec l’élaboration et la mise en œuvre de la Convention sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles.

Cette convention bénéficie de l’appui politique des Ministres ACP de la culture qui se sont engagés, dans le Plan d’action de Dakar du 20 juin 2003, à soutenir l’adoption d’un instrument juridique international sur la diversité culturelle. Sur certains points, ce plan d’action s’inscrit dans le combat pour la diversité culturelle en prônant l’établissement de cadres régionaux pour la promotion et la protection des cultures, la création d’institutions régionales et internationales spécialisées dans le dialogue interculturel, la promotion des programmes culturels intra-ACP sans préjudice des stratégies et priorités nationales de développement, etc.

De même, les Ministres de la culture des pays membres de la CEDEAO, réunis le 26 août 2005 à Abuja, ont publié une déclaration sur la protection de la diversité culturelle en vue de soutenir l’adoption de la nouvelle convention.

A la lumière de ce qui précède, il apparaît que le nouvel instrument juridique international sur la diversité culturelle constitue un tremplin à la mise en place ou au renforcement de politiques culturelles régionales, en Afrique et, certainement, dans d’autres régions du monde. Il apporte des réponses à certaines préoccupations qui ne sont pas entièrement nouvelles. A titre indicatif, la Charte culturelle de l’Afrique consacre un chapitre entier à la diversité culturelle. Il importe, en appliquant ce texte, de privilégier l’approche régionale qui a l’avantage de créer un cadre pour l’harmonisation des politiques nationales de protection et de promotion de la diversité culturelle. A moins d’y adhérer en tant qu’organisation d’intégration économique régionale ; ce qui n’est pas le cas de l’Afrique. Aussi, faut-il saluer la tenue de la Conférence de l’Afrique et de la Diaspora sur la Diversité Culturelle qui a été organisée en vue de dégager des démarches et des stratégies communes. Les pays africains et ceux de la Diaspora devront parler d’une voie unie et solidaire sur la mise en œuvre des principales dispositions de la convention précitée. On peut affirmer qu’un pas a été franchi vers la définition d’une politique régionale africaine ayant trait à la diversité culturelle. Il serait, cependant, prématuré d’en définir les contours, les concertations n’étant pas très avancées.

Par delà le cas africain, il conviendrait d’envisager la mise au point de politiques culturelles interrégionales, puisque certaines dispositions du nouvel instrument juridique font appel à la coopération internationale. Cela suppose qu’au préalable les entités politiques et économiques à dimension régionale se concertent en vue de l’élaboration de stratégies communes de mise en œuvre de la nouvelle convention qui est d’ailleurs ouverte à l’adhésion de toute organisation d’intégration économique régionale. Dans ce sens, des actions notables ont été initiées ou sont en voie de l’être, en Europe et en Afrique. Il importe de les poursuivre à d’autres niveaux.


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