Ref. :  000025616
Date :  2006-09-28
langue :  Français
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Europe, régions et diversité culturelle

Ce texte est un papier préparé pour les Rencontres Interrégionales
« Régions et diversité culturelle : une dynamique européenne et mondiale »
(Lyon, les 28 et 29 septembre 2006)

Source :  Raymond Weber


Je voudrais me concentrer sur quelques points : l'un des intervenants précédents a posé la question : une réunion telle que celle-ci aurait-elle été possible, en France, il y a dix ans ? Sa réponse fut négative. Et bien non : une telle réunion fut organisée, ici même à Lyon, fin 1992, par les « quatre moteurs », en coopération avec le Conseil de l'Europe. Entre 1983 et 1993, le Conseil de l'Europe a travaillé sur le thème de « la dynamique culturelle dans le développement régional ». Ce projet visait à définir un discours politique, à partir d'un inventaire d'expériences exemplaires et novatrices. Il visait, surtout, à déclencher des actions concrètes, telles que : la mise en place d'Observatoires des politiques régionales et de programmes de formation pour les administrateurs culturels au niveau régional, l'évaluation des politiques culturelles et la mise en place de réseaux de coopération.


Quelques conclusions de ce projet européen :

- le niveau régional est tout à fait pertinent pour mener des politiques culturelles ;
- la dynamique culturelle régionale est à la fois ascendante (elle émane des habitants, des associations et des collectivités locales) et descendante (elle émane aussi des artistes et des acteurs culturels de l'appareil politique et administratif) ;
- le début des années 1990 marque, dans beaucoup de régions d'Europe, le passage de politiques d'accompagnement (du local ou du national) à des politiques propres qui seront des politiques incitatives et à dimension européenne, notamment par l'inter-régional ;
- la dynamique culturelle joue un rôle central sur le développement régional, tout comme le développement régional influence la dynamique culturelle, dans des rapports complexes et dialectiques. Cette dynamique implique autant des œ;uvres que des processus : elle comporte des processus de création, de critique, de conservation, de diffusion, d'action culturelle. Mais aussi des processus de communication, d'élaboration d'identités et de projets, d'interprétation du monde, de construction de représentations ;
- l'Europe et les régions assument des rôles complémentaires et spécifiques. L'Europe a intérêt à utiliser la richesse de la diversité culturelle régionale pour faire face aux transformations du monde contemporain.


Ces conclusions remontent - je le rappelle - à 1993. Mais elles me semblent rester parfaitement pertinentes aujourd'hui. Le concept de « diversité culturelle » risque aujourd'hui, à force d'être mis à toutes les sauces, de devenir un « mot-valise », avec l'illusion d'un consensus sur sa signification. Mais si nous entendons par « diversité culturelle » la non-domination d'une culture par une autre, la non-domination d'un modèle de développement par un autre, ainsi que la reconnaissance de l'Autre dans sa différence, sa dignité, ses valeurs, alors, ce concept peut enclencher de nouvelles dynamiques et être créateur de nouvelles identités et de solidarités revisitées.

Ce qui fait la richesse de la diversité culturelle, c'est l'interaction, c'est la démarche interculturelle, ce sont ces processus dynamiques et « dialogiques » (Edgar Morin), c'est ce passage d'une logique du mono-culturel à une logique de l'inter-culturel. La diversité culturelle n'est donc pas un « zapping » superficiel, mais une confrontation en profondeur avec l'Autre, une gestion de conflits, un combat avec nous-mêmes. La diversité culturelle, c'est la « reconnaissance de l'Autre » (Charles Taylor), mais aussi un travail sur nous-mêmes. C'est cette détermination à mieux nous connaître, à travers le regard d'autrui. Comme le disait si bien Emmanuel Levinas, « le plus court chemin de soi à soi passe par l'Autre ». Dans la démarche interculturelle, je me trouve à la fois « autre » et davantage moi-même.

Enfin, l'interculturel n'est pas seulement un savoir, mais c'est aussi un ensemble de compétences qui nous sont nécessaires pour mettre en place un nouveau « vivre-ensemble ».


En termes de stratégie politique, quelles sont les conséquences d'une telle compréhension de la « diversité culturelle » ?

Il convient de faire de la diversité culturelle un analyseur de la situation de nos sociétés et des enjeux qui sont les leurs.

Il faut faire de la diversité culturelle le principe d'une autre politique, à partir d'une action volontariste. Deux textes peuvent nous servir de base pour une telle action volontariste : la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'UNESCO (2005) et l'Agenda 21 pour la culture, adoptée à l'occasion du Forum culturel mondial de Barcelone (2004).

Il est hautement souhaitable de faire sortir la diversité culturelle du champ proprement culturel et d'en faire une dimension essentielle de la coopération au développement, par exemple. A cet égard, le Sommet de Johannesburg sur le développement durable (2002), d'une part, en faisant de la culture le quatrième « pied » du développement durable (à côté de l'environnement, de l'économique et du social), et, d'autre part, le Rapport sur le développement humain 2004 du PNUD, en choisissant comme thème « la liberté culturelle dans un monde diversifié », ont fait beaucoup pour « décloisonner » la diversité culturelle et pour en faire un principe de base de toute politique.


Je voudrais terminer en proposant quelques pistes qui pourraient faire de la diversité culturelle le principe de base d'une « autre » politique culturelle régionale : il faut commencer par être à l'écoute de l'Autre ; il convient de réinscrire la politique régionale dans une relation de signification au monde social ; les droits culturels, par le lien fort qu'ils créent entre démocratie, citoyenneté, gouvernance et éthique de la coopération, peuvent constituer la base d'une politique culturelle régionale à partir de la diversité culturelle ; l'habilitation (empowerment) des acteurs culturels, et surtout des plus faibles, doit devenir une préoccupation constante des autorités publiques.

L'Europe que nous voulons construire, c'est une Europe consciente de la richesse de ses diversités, tant régionales que culturelles.


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