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Date :  2006-09-28
langue :  Français
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Ici sous couleur de là-bas, aujourd'hui sous couleur d'autrefois. Paradoxes de la couleur locale (hommage aux autochromes Lumière)

Ce texte est un papier préparé pour les Rencontres Interrégionales
« Régions et diversité culturelle : une dynamique européenne et mondiale »
(Lyon, les 28 et 29 septembre 2006)


Source :  Eliane Chiron


Affrontant régions et diversité culturelle, régions et mondialisation, ces Rencontres m’ont donné à réfléchir à ce qu’on nomme la « couleur locale ». Étant ici invitée en tant qu’artiste (peintre-photographe), j’interrogerai, à travers le vocable « couleur locale », la trop consensuelle opposition entre le global et le local. Cherchant leurs croisements dans le procès créateur, on tentera d’en montrer quelques paradoxes, en passant par les autochromes Lumière.


La couleur est et n’est pas la couleur

Le vocable « couleur locale » est si souvent usité que son sens se brouille dès qu’on y pense. On dit qu’une chose « fait couleur locale », même en l’absence de couleur. Dans la couleur locale, la couleur serait et ne serait pas de la couleur. L’appellation « couleur locale » n’est pas ce que les architectes et paysagistes ont depuis longtemps établi à partir des relevés des teintes du bâti : murs, toitures, portes et volets, qui diffèrent d’une région à l’autre et se constituent en palette spécifique, de sorte que nous reconnaissons d’emblée un paysage breton d’un paysage normand, par exemple. La « couleur locale » n’est pas non plus le « ton local » de la peinture occidentale. De la Renaissance à l’impressionnisme, le ton local était la teinte d’un objet délimité par son contour (par sa forme), teinte plus ou moins altérée par les effets d’ombres et de lumières et soumise à la représentation figurée (1). La couleur locale dont il sera question est tout autre.


La couleur-machine

Depuis quatre ans, ordinateur et imprimante peignent à ma place. Cela veut dire : projeter le numérique à partir de la peinture autant que penser la surface à partir des profondeurs telluriques où la couleur s’est formée. Penser cet avènement de la surface comme apparaître de la couleur à sa lumière. Mes photographies-peintures monumentales (3 à 4 mètres de haut) imprimées à jet d’encre sur toile polyester, en Corée, réalisent un premier souvenir d’enfance, à trois ans et demi : relier la terre et le ciel. Par hypothèse, tout ce qui fige notre regard provient d’un premier souvenir à partir duquel l’artiste construira sa diversité culturelle. Tout proviendrait de l’espace occupé à ce moment-là par nos deux pieds sur terre, qui nous ancre au sol, faisant de nous une sorte d’axis mundi. Tout le global pivoterait à partir de ce point local, telle Hestia faisant couple avec Hermès en étant le pivot indispensable de ses déplacements. Pas loin de chez moi à Chartres, parce que la pointe d’un des clochers de la cathédrale est symétrique d’une source souterraine, cette pointe porte cette eau en plein ciel et l’architecture de pierre à l’image de l’esprit créateur. Mais l’idée de faire des images en hauteur me vient plus récemment des kakémonos publicitaires annonçant les expositions artistiques (2). Mes images qui pendent du ciel me relient plus sûrement à la magie de Chartres et à mon enfance, où je vois le clocher sous couleur de l’eau souterraine baignée par les couleurs mûries dans le sol. Telle une moderne machinerie de théâtre, la technique numérique peut seule aujourd’hui me donner ces couleurs issues de formidables broyages et compressions métamorphiques qui les ont faites, la vitesse incommensurable de la machine pouvant seule égaler les millénaires passés à la formation des couleurs (3). C’est avec le temps cosmique que nous avons à faire, aujourd’hui, à partir du simple contact de nos deux pieds avec le sol. Car le pied enracine.


La couleur réfléchie

En premier lieu, la couleur. Existant depuis toujours, elle est pourtant ce qui apparaît, d’un coup, nous saute aux yeux. La « couleur locale » est-elle au contraire ici où je suis, permanente, vraiment locale, voire régionale ? Sans doute. Mais sous couleur de l’art, il en serait autrement. Dirait-on dans La vue de Delft de Vermeer, que le jaune du « petit pan de mur jaune », célébré par Proust, est la couleur locale de la ville de Delft ? Elle serait plutôt, peinte il y a plusieurs siècles et révélée par Proust, « la » couleur de Vermeer, artiste longtemps oublié. Cette couleur oubliée, l’écriture la fait revenir du passé, immatérielle, transfigurée, hors d’elle-même. Il s’agit moins de la couleur jaune que du vocable « petit pan de mur jaune », mot-valeur plutôt que mot-savoir, « mot pour moi « dirait Roland Barthes. Mot partagé pourtant, qui résonne en nous. Certes, la couleur existe en premier lieu quand on la nomme : quand le nom d’une couleur n’existe pas dans une langue, ceux qui parlent cette langue ne la voient pas. Mais pour qu’existe la couleur, son nom doit passer d’un esprit à d’autres esprits. Il ne lui suffit pas de pigmenter nos chromosomes, d’y être localisée. Elle doit, comme dans les autochromes de Louis Lumière, se pigmenter elle-même. Louis Lumière, qui était peintre, le savait.
Le peintre est celui qui sait nommer les couleurs et les retrouver dans le mélange le plus complexe. Il sait pourtant que les couleurs ne sont nulle part sauf quand on sait les voir, et pas dans leurs noms. Depuis la fin du XIXè siècle, les couleurs des peintres sont marquées sur les tubes : jaune de Naples, bleu de Prusse, terre de Sienne brûlée. Pourtant, si le rouge de cadmium est pour le peintre le plus beau des rouges (et le plus onéreux), on parle dans les romans anciens d’une robe de soie ponceau, tandis que la couleur baie (brun rougeâtre) se dit de la robe d’un cheval, mais ni le ponceau ni le bai ne se disent des teintes d’un tableau.
Le peintre est habité par la couleur mais il doit la réinventer, comme si elle n’existait pas ; c’est la variété de ses apparitions qui compte, dans des contextes changeants, sans aucun point fixe rassurant, telles nos pensées dans leur état naissant, encore sans noms. Elle se reflète en nous à chaque regard et à chaque nom. Tout doit apparaître voilé par un intermédiaire mental, par des variations et des rapports entre des réalités incompossibles ressenties comme des métamorphoses de notre sang, de nos chromosomes, placés en-dehors de nous. En somme, de la diversité, ou du divers, appareillant l’infiniment petit et l’infiniment grand, le biologique et la machine. Après tout, dans la physique quantique, les corpuscules sont bien aussi des ondes, et ce paradoxe – qui a troublé bien des scientifiques – existe aussi dans l’art, y compris dans la pensée des artistes, ce qui fait dire souvent que les paroles des artistes ne sont pas sérieuses car elles se contredisent. Implacable pourtant est la formule de Kafka dans les premières pages de son Journal : « dire une chose et son contraire sans renoncer à la chose contredite ». Ainsi du pharmakon grec, revisité par Derrida : ni poison ni remède et pouvant être l’un et l’autre, selon le dosage. Cette oscillation sémantique participe d’une culture de la diversité où, dès que l’on pense un peu largement, ce qui semble lointain se rapproche et inversement (c’est par exemple le lointain-proche de Walter Benjamin ou le vide entre ce qui touche et ce qui est touché, dont parle Aristote dans De l’âme).


Sous couleur de. La couleur retournée

L’art est exemplaire de ces paradoxes, d’événements qui ont lieu « sous couleur de ».
Matisse revient de Tahiti qui l’a déçu : le ciel trop bleu, du matin jusqu’au soir, l’ennuie. En ouvrant les volets de sa fenêtre à Nice : c’est Tahiti qu’il voit. Plus précisément, surgissant par l’ouverture de la fenêtre, il voit Nice par l’esprit, sous couleur de Tahiti. Dans l’expression « sous couleur de », la couleur ne signifie pas Tahiti, mais ce qui sépare Nice et Tahiti et les baigne de cette substance immatérielle qui est celle d’une couleur spirituelle, intérieure, impersonnelle, qui servira à l’artiste pour le décor de la Chapelle de Vence. Cézanne regarde la Sainte-Victoire sous couleur de la peinture de Poussin, où la couleur semble venir de la nuit souterraine et métallique où se forment les couleurs, comme la montagne Sainte-Victoire a surgi elle aussi de la nuit de la terre. Proust décrit la mer à Balbec, nom de ville à consonance orientale, avec le vocabulaire de la montagne. Il la découvre par son reflet dans les vitrines de la bibliothèque de sa chambre, mais surtout comme le fond d’un tableau d’Elstir peint dans un atelier d’où l’on ne voit pas la mer. Flaubert, en voyage sous le soleil brûlant d’Égypte, n’est ému que par le souvenir du feu dans la cheminée de sa maison de Croissey, en hiver. Il trouve sans intérêt les photos « locales » que prend son ami Maxime du Camp, envoyé en mission photographique. Pour lui, qui se fait « œil tout bonnement » et ne peut rien faire de bon en voyage, seule vaut, après-coup, l’écriture qui recomposera tout et exigera la légendaire discipline quotidienne.
Pour tous ces artistes, dont on pourrait allonger à l’infini la liste, la couleur locale ne se saisit pas directement. Rétrospective, anachronique, reflétée dans la substance de l’art, elle se reconstitue, se restitue par le travail créateur, retournée comme une peau en inquiétante étrangeté. Et l’artiste est surpris par ce qu’il reconnaît, sous couleur d’autres réalités. Par exemple, dans mes images photographiques, j’obtiens les « visages » symétriques des roses de mon jardin sous couleur de la face de la Gorgone au fronton d’un temple grec archaïque, vue dans un livre durant mes études supérieures où j’ai appris l’art grec. La symétrie qui donne forme à des figures monstrueuses, je la vois sous couleur de deux choses qui viennent de mes années d’étudiante : l’étude des chapiteaux romans et des raccords de motifs décoratifs. J’utilise les kakémonos sous couleur des plans des basiliques romanes et des marelles, avatars des labyrinthes au sol des cathédrales comme on en trouve encore à Chartres. Voulant mettre le sang des combats qui ont fait Venise sur les photographies des façades au bord du Grand canal, je m’aperçois que c’est la teinte des murs des maisons dans les ruelles de cette ville.


Vision non rétinienne. Antériorité du toucher et du déracinement

Il y aurait une loi de l’art qui ferait voir les choses là où elles ne sont pas, grâce à l’obstacle qui nous en sépare et où nous les retrouvons sur le mode du retournement et du discontinu (comme dans le monde quantique), dans le choc de l’image dialectique, telle que l’a pensée Benjamin.
Montage et assemblage d’une part, hybridation d’autre part, ne s’excluent pas comme on le croit souvent : ils se stratifient, se plient et se déplient dans notre cerveau, modifiant profondément nos perceptions, sapant le continu rassurant du monde ancien. La main a sa part dans ce procès, la main qui déracine alors que le pied, dont nous avons parlé tout à l’heure, enracine.
Des deux mains, je fais se toucher, bord à bord, des photos de lieux éloignés que j’ai prises moi-même. Par exemple je rapproche deux plages de l’Atlantique, l’une de l’île de Noirmoutier, l’autre de la Martinique, tout l’Atlantique entre les deux. Chaque photo isolée n’a aucun sens, elle n’a pas à être belle mais doit être touchée, déracinée du lieu où j’ai marché pour la prendre. Le hasard de l’assemblage fait de certains montages des mondes possibles, c’est-à-dire : où nous ne sommes pas enracinés ; parfois le haut et le bas sont inversés, on le ressent comme une légère bizarrerie, car le cerveau ne raccorde pas les informations rétiniennes à quelque chose de connu. Je veux déstabiliser la vision, qu’on ne puisse plus se raccrocher à se qu’on sait, que l’on n’ait plus les pieds sur terre, que l’on soit déraciné. Je montre les mutations de la vision non rétinienne, où la main interfère avec les technologies récentes et déstabilise notre rapport au sol, au local. De quelle façon ? Par un travail de traduction.
Je fais imprimer mes images à Daegu, ville de tradition d’industrie textile. Je m’inscris dans cette tradition et dans le savoir-faire des nouvelles technologies d’un pays beaucoup plus avancé en ce domaine que la France. Pourtant, la technique ne doit pas se montrer: seules émergent des images sans cause, sans racines : elles n’existent que dans notre imaginaire. Certes, les couleurs sont toujours d’origine souterraine, métallique, mais elles doivent être traduites par l’équivalent d’une photosynthèse. L’impression sur tissu (où le système n’est pas CMJN), est comme la traduction d’un texte. De plus, les Coréens ont une autre sensibilité à la couleur. L’imprimeur comprend l’esprit de mes images mais ce n’est pas facile pour lui. Cette traduction l’intéresse, il devient le partenaire d’une création collective où il traduit en coréen ma sensibilité d’artiste française. Il s’agit d’une expérience au sens moderne (Agamben) : « ce qu’on fait mais qu’on n’a pas », où ce que nous partageons, la couleur, provient de cette distance géographique et technologique, qui n’appartient ni à la France ni à la Corée et ne peut être localisée.


Faire revenir Dionysos

Je ne suis pas sûre que toutes ces expériences relèvent de la mondialisation. Pouvons-nous employer le même mot pour l’art, l’industrie et le commerce?
À la fin, qu’il s’agirait de faire revivre l’ailleurs et l’autrefois dont nous sommes irrémédiablement coupés. Nous en sommes coupés à la mesure de l’obsolescence des savoir-faire. Si des secrets de métiers doivent être sauvés, ce doit être pour vivifier le présent. La seule chose possible est de faire revenir la tradition, à certaines conditions. Dans Volver (2006), Almodovar fait revenir la tradition littéraire de la folie de don Quichotte de la Mancha. Il fait revenir l’origine du roman moderne en filmant dans la Mancha où il est né. C’est l’origine (la sortie du chaos, la sortie de la folie, de la mort, de l’indistinction) qu’il faut faire revenir. Walter Benjamin écrit : « restaurer » ; comme dans la chanson au milieu du film où se succèdent : « Revenir, sentir, vivre ». Volver fait revenir une beauté « bizarre » (Baudelaire), où les superstitions de la campagne sont restaurées dans les profondeurs abyssales du numérique et des salles de cinéma partout dans le monde, sous couleur des fleurs des cimetières de la Mancha, en Espagne, balayées par un vent immémorial.
Le passé, il ne faut pas le mettre dans un bocal pour l’admirer. Le restaurer suppose de montrer le présent sous couleur du passé, l’ici sous couleur de là-bas ; il n’y a que l’art qui puisse nous donner ce paradoxe et la culture ne devrait pas en faire un commerce. À moins d’un commerce amoureux entre des traditions partagées, par exemple des particularités régionales comparables qui ont fait l’objet de voyages (les routes de la soie, les déplacements de maçons des basiliques et cathédrales, les routes de pèlerinages dont les marelles sont des avatars) car tout ce qui est régional, traditionnel, vient aussi d’ailleurs : cela est, et n’est pas, régional.
Qu’est-ce qui revient, à la fin, pour chacun de nous ? Le passé sous couleur de notre premier souvenir d’enfant qui est notre tout premier regard. Comment cela revient-il ? Comme Dionysos, diverti par un jeu d’osselets, démembré tout enfant par les Titans et dispersé, le cœur seul demeuré intact. Dionysos, appelé aussi l’homme-femme, est dans la cité un revenant des enfers. Son regard tue ceux qui lui résistent, qui résistent à cet étranger en chacun de nous. Il apporte ce reflet de notre étrangeté, sous couleur vivante, enivrante, plus tard christique, du vin et du sang . Où est-ce revenu ? Dans le rouge, culmination de toutes les couleurs, dit Goethe. Le rouge a envahi mes dernières images. J’ai la sensation de me couper en morceaux pour l’obtenir. Dans les films d’Almodovar, de Godard, le rouge est tellement présent…
Alors, pour retrouver le pays de l’enfance, on construit des lieux où l’on est dispersé comme Dionysos. Pour habiter le monde et pouvoir construire quelque chose entre plusieurs régions, la condition est d’ « habiter le monde en poète », comme le dit Heidegger, bâtir à partir de fragments dispersés dans notre monde devenu inhabitable. Habiter le monde en poète suppose d’être étranger dans son propre pays, dans sa région, dans sa langue. Être coupé par le tranchant des frontières ? Sans doute. Mais surtout, comme Dionysos, être tranché par un horizon intérieur, séparation de la terre et du ciel, parcourir le labyrinthe toujours souterrain, pour surgir à la lumière. Revenir. C’est en ce sens que pour Marcel Proust, les plus beaux livres sont écrits dans une langue étrangère, et que pour T.S. Eliot, un artiste doit être étranger à son héritage.


Les autochromes Lumière, sous couleur de la Chine ?

Quelle obscure raison a conduit Louis Lumière à s’installer en-dehors de Lyon, à mener à la campagne, au plus près de la terre, ses recherches relevant de la plus haute technologie de l’époque ? Sans doute savait-il qu’on ne doit jamais perdre le contact avec le sol, chaque artiste étant comparable à la légendaire racine de mandragore à forme humaine. Les teintes des autochromes Lumière proviennent du traitement de la fécule de pommes de terre qui ont poussé dans la terre. Sur les autochromes, la couleur – notamment le rose, un incroyable rose - semble en effet avoir à l’instant poussé, surgi à la lumière sur la plaque de verre…Pourtant, les autochromes opèreraient le retour d’une tradition lyonnaise, d’une culture de la couleur à travers les routes de la soie, le voyage des secrets et la fabrication de tissus somptueux. Les autochromes Lumière n’auraient pu être inventés ailleurs que tout près de Lyon, il ont la couleur et la patine des énigmes millénaires de la Chine.




Notes:

(1) Dans Femmes au jardin de 1867, peignant la tache de soleil découpant le chemin et la robe de Camille assise dans l’herbe au bord du chemin, Claude Monet renonce au ton local (de la robe et du chemin) et invente, avant la science, l’espace topologique.
(2) Le kakémono est un mot japonais introduit en occident en 1878, lors de la participation du Japon aux expositions universelles de la fin du XIXè siècle.
(3) Les images projetées en boucle, ont été exposées, « installées », au Centre d’Art contemporain d’Orléans (2001), à l’Arsenal de Venise (2004), à Daegu en Corée du sud (2003 et 2004), au palais Kheireddine de la médina de Tunis (2006), au centre culturel de Fonds Saint-Jacques en Martinique (2005), ou vont l’être bientôt dans une galerie à Paris (2007). Elles s’accordent à la diversité culturelle dont nous débattons ici.













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