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Date :  2006-09-29
langue :  Français
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Discours de clôture de Jean-Jack Queyranne, Président de la Région Rhône-Alpes

« Cinq engagements pour la diversité culturelle », discours de Jean-Jack QUEYRANNE, Président de la Région Rhône-Alpes, pour la séance de clôture des Rencontres interrégionales "Régions et diversité culturelle: une dynamique européenne et mondiale". Lyon, le 29 septembre 2006


Monsieur Benoît Paumier, représentant du Ministre de la Culture,

Monsieur Edgar Montiel, représentant de l’UNESCO,

Monsieur François de Bernard, Président du Groupe d’Etudes et de Recherches sur les Mondialisations (GERM),

Monsieur Jean Pierre Saez, Directeur de l’Observatoire des Politiques Culturelles (OPC),

Messieurs les Représentants des « Quatre Moteurs pour l’Europe »,


Mesdames, Messieurs,


Chers amis,



Je tiens tout d’abord à vous remercier pour la qualité de ces Rencontres dont vous avez été les artisans et, au premier chef, Messieurs de Bernard et Saez, respectivement responsables du Groupe d'Études et Recherches sur les Mondialisations et de l’Observatoire des Politiques Culturelles.

Je veux aussi remercier l’ensemble des intervenants pour l’intensité de leur engagement, ainsi que les artistes, dont la présence et la sensibilité nous ont sans cesse rappelé combien est précieuse la cause qui nous a réunis.

Enfin, je veux saluer chacun des 600 participants à ces journées d’échanges parce que votre mobilisation, ainsi que la richesse de vos contributions, sont autant d’encouragements à poursuivre au quotidien le combat pour la diversité culturelle.


En tant que Président de la deuxième Région de France, promouvoir la diversité culturelle est, pour moi, à la fois une nécessité et un devoir, mais à la condition de mener ce combat en gardant constamment à l’esprit les exigences de liberté et de tolérance.

Vous l’avez souvent évoqué durant ces deux journées, et je veux le réaffirmer devant vous : défendre la diversité culturelle, c’est défendre la possibilité pour chaque être humain de « choisir » librement son propre cheminement à travers les richesses artistiques et culturelles de l’humanité.

C’est reconnaître et encourager la liberté de création artistique et intellectuelle, la liberté de l’émergence artistique. Une liberté qui appelle des garanties pour que soit assuré le respect de la propriété intellectuelle, afin qu’elle ne soit pas dévoyée au profit d’une privatisation outrancière du patrimoine artistique et culturel.

La diversité culturelle est aux antipodes de l’enfermement des cultures, qui seraient, au mieux, juxtaposées les unes aux autres, voire isolées les unes des autres, ou pire encore, repliées sur des conservatismes identitaires.

Promouvoir la diversité culturelle, c’est répondre « au choc des cultures » par le dialogue des cultures, par leur reconnaissance mutuelle et leur rencontre féconde. Alors que les modèles culturels et religieux sont au cœur de nombreuses situations conflictuelles à travers le monde, il nous faut plus que jamais défendre cet esprit de tolérance.

La diversité culturelle ne doit pas se travestir en une forme de « culturalisme » qui, acceptant tout, au motif du respect des traditions, perdrait de vue l’universalité des valeurs, au premier rang desquelles figurent justement la liberté, qu’elle soit politique ou culturelle, ainsi que le respect des droits de l’homme et de la femme.

La diversité culturelle doit être un rempart contre toutes les formes de fanatismes et de totalitarismes, un rempart contre ceux qui n’hésitent pas à enrôler la pensée et à asservir les esprits.

Je suis convaincu que les questions de la culture, des identités et du « vivre ensemble » sont au cœur de toutes les problématiques des mondialisations.

Promouvoir la diversité culturelle, c’est nourrir l’ambition de rendre au politique son primat sur l’économique, de donner la priorité aux hommes plutôt qu’aux marchés, au développement plutôt qu’aux profits, au pluralisme contre toutes les intolérances.

Comme l’exprimait l’écrivain et Prix Nobel de littérature Gao Xingjian, dans « La Montagne de l’âme » : « La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité ». Remarque que je prolongerais volontiers en disant que la diversité culturelle m’apparaît comme une véritable nécessité de civilisation.

C’est aussi un devoir de résistance face au risque de standardisation du village planétaire. Si les mondialisations représentent un formidable moyen d’intensifier la circulation des hommes et les échanges, il convient d’en être les acteurs, et non les spectateurs.
Qu’en serait-il du cinéma, de la littérature ou de la musique, en France notamment, si les professionnels et les élus ne s’étaient pas levés pour refuser la marchandisation de la culture et l’uniformisation des modèles?

C’est un devoir de justice pour lutter contre les inégalités entre les hommes, pour réduire la fracture entre riches et pauvres, pour combattre les discriminations de toutes sortes.

C’est enfin une grande responsabilité vis-à-vis des générations futures. «La diversité culturelle est le patrimoine commun de l’humanité » dit Katerina Stenou, directrice des politiques culturelles à l’UNESCO et malheureusement absente aujourd’hui.

Nous avons le devoir de la transmission des langues, des savoirs et des patrimoines, sans prééminence d’une culture sur les autres, ni repli folklorique. Si la diversité culturelle pose la question du respect de la création, du soutien aux émergences artistiques, elle nous invite aussi à en préserver la trace.

Dans le contexte des mondialisations en cours, nécessité de civilisation, devoir de résistance, devoir de justice, devoir de responsabilité sont les moteurs du combat pour la diversité culturelle face aux marchands et au libéralisme.
L’Europe a une responsabilité importante vis-à-vis de la diversité culturelle, tout comme la promotion de la diversité culturelle est un enjeu central de la construction européenne.

Si différents soient-ils, les peuples européens partagent une histoire commune. On sait combien, par exemple, sont importants les apports des écrivains et des artistes qui circulaient de ville en ville dans l’Europe de la Renaissance.

Le modèle européen se fonde sur le respect de l’expression culturelle de chaque peuple et sur les échanges qui l’ont toujours marqué. Il a permis de surmonter les conflits et, au cours du siècle dernier, de terrasser les barbaries.

L’originalité de la construction européenne en fait aussi la difficulté: l’Europe n’avance pas suivant un modèle connu, elle doit inventer sa voie au fur et à mesure qu’elle progresse.

Les Régions doivent de plus en plus contribuer à cette construction collective. Leur action apparaît chaque jour plus légitime concernant les grands défis lancés à la société européenne : l’emploi, l’innovation économique, le développement des territoires, la formation des hommes. Elles contribuent à rendre plus lisibles et plus efficaces les actions de l’Union européenne aux yeux des citoyens.

Pour cela il faut favoriser « l’Union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe… ». La prise en compte de la diversité culturelle en est un formidable levier. Chacun connaît le mot attribué, à tort, à Jean Monnet - ce qui n’en diminue en rien la force - : « Si c’était à refaire, c’est par la culture que je commencerai ». L’Union Européenne a déclaré « 2008, année européenne du dialogue interculturel ». Dotée d’un budget de 10 millions d’euros, cette année européenne s’appuiera sur la richesse et la diversité d’une série de projets concrets qui seront mis en œuvre en 2008, au travers de programmes dans les domaines de la culture.

Les Régions et, au premier titre, « Les Quatre Moteurs » doivent dès maintenant s’emparer de cette opportunité pour imaginer des actions en faveur du dialogue interculturel. En ce sens, je veux tout d’abord m’associer pleinement aux propositions d’actions qui ont été élaborées par les techniciens des Quatre Régions – Catalogne, Bade Wurtemberg, Lombardie, Rhône Alpes- et qui vous ont été présentées en début de cette séance conclusive. Permettez moi de les féliciter pour la qualité de leur travail.

Je veux aussi exprimer ce premier engagement:


Engagement n°1: «Soyons moteurs de la diversité»

Je propose à mes Collègues Présidents des « 4 moteurs pour l’Europe » de mettre en place, en commun, un label « Moteurs de la diversité » assorti d’une dotation financière significative afin de soutenir dès 2008 des initiatives en faveur de la diversité culturelle.

Ce fonds permettra d’accompagner des projets mettant en jeu nos Quatre Régions, en tout ou partie, ainsi que des projets en direction d’autres régions d’Europe ou du monde portés par les Quatre Moteurs.

Ainsi contribuerons-nous à faire vivre la devise de l’Union Européenne, à cet égard très symbolique « Unie dans la diversité ».

L’émergence du fait régional et le développement des relations interrégionales entrent en résonance avec le combat pour la diversité culturelle

Aujourd’hui, si les États ont un rôle important à jouer dans ce combat, les Régions, parce qu’elles sont riches de la diversité culturelle des nations, ont une place prépondérante à tenir dans ce grand dessein,

Parce que le monde ouvert que nous connaissons aujourd’hui, les technologies de l’information et de la communication dont nous disposons, offrent la possibilité d’échanges interculturels plus rapides et plus individualisés,

Parce que l’échelle des régions permet des prises de décision efficaces, les échanges se développent aujourd’hui de plus en plus de régions à régions.

Parce que l’Europe a une responsabilité vis-à-vis des autres régions du monde.

Si pour une Europe forte de l’intérieur, les Régions ont un rôle important à jouer, elles doivent aussi développer des partenariats stratégiques et des coopérations renforcées permettant à l’Europe d’être présente au niveau mondial.

En ce sens, la culture doit imprégner toute coopération parce que l’Europe que nous voulons, une Europe ouverte sur le monde, doit être militante de la diversité culturelle.

Je veux vous exprimer ce deuxième engagement :


Engagement n°2 : «Développons les initiatives et les coopérations culturelles entre régions du monde»

Je veux apporter mon soutien à l’idée de renforcer et de multiplier les manifestations culturelles à caractère interrégional, ayant pour objectif de reconnaître et de valoriser les patrimoines artistiques et de proposer en partage une véritable culture de la paix.
Toutes nos coopérations, et notamment celles entre Régions du Nord et du Sud, doivent offrir une place majeure aux actions en faveur de la diversité culturelle.

On sait aussi que la création germe dans les régions, que la culture s’y enracine parce qu’elles sont le lieu de l’ancrage personnel qui permet d’aller au devant de l’autre et de sa culture.

Parmi les dispositifs européens, il faut souligner le succès d’ Erasmus « européen » et du nouvel « Erasmus Mundus ». Dispositifs à la fois simples et efficaces, ils sont unanimement appréciés par les étudiants européens.

Pourquoi ne pas les transposer en direction des jeunes artistes afin de les aider dans leurs démarches de résidences à l’étranger ?

Pourquoi ne pas expérimenter cette proposition au sein des « Quatre Moteurs pour l’Europe » ?

C’est pourquoi, je veux vous exprimer ce troisième engagement :


Engagement n°3: « Favorisons la circulation des artistes»

Je propose de soutenir le lancement de l’expérimentation interrégionale d’un système de type « Erasmus Mundus » destiné aux jeunes artistes européens et non européens, et de favoriser les négociations en vue de l’abondement de la Commission Européenne à ce dispositif.

Dans cet esprit, je propose de développer cette expérimentation avec de jeunes artistes dans le réseau des partenariats mondiaux déjà conclus par la Région Rhône-Alpes et de manière privilégiée avec les partenaires des « 4 Moteurs ».

La diversité culturelle passe par le vecteur des langues. En effet, comme l’exprime Claude Hagege, linguiste et Professeur au Collège de France, « la langue n’est pas qu’un instrument de communication, mais le reflet des qualités profondes d’un peuple ».

Défendre sa langue, les langues de son territoire, ce n’est pas le signe du repli, et les membres du Sommet de la Francophonie, qui se termine en ce moment à Bucarest, ne me démentiraient sûrement pas.

Je veux ici évoquer la question des langues régionales et minoritaires, d’ailleurs souvent synonymes de langues menacées, puisque les experts nous prédisent qu’à la fin de ce siècle près de 90% des langues pourraient avoir disparu de la surface du globe.

La « Charte européenne des langues régionales et minoritaires », promue avec ardeur par le Conseil de l’Europe depuis 1992, est un outil de défense de la diversité culturelle désormais adopté par de nombreux États européens.

La France ne l’a pas encore ratifiée, devant les réserves juridiques exprimées par le Conseil constitutionnel. J’ai la conviction que cette question devra être reprise.


Engagement n°4 : «Assurons la reconnaissance et la promotion de la diversité linguistique»

Il convient de soutenir les initiatives en faveur de la diversité linguistique (présence sur les grands médias, enseignement à l’école, recherches universitaires...)

En France, nous rechercherons activement le moyen de concilier la ratification de la Charte avec les principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français rappelés à cette occasion par le Conseil Constitutionnel.

Nous devons nous engager en faveur de la ratification de la convention de l’Unesco. Il faut déclencher un mouvement d’opinion en faveur de la diversité culturelle et j’espère que ces Rencontres Interrégionales y contribueront. C’est pourquoi il est important aussi qu’elles ne restent pas sans lendemain et que nous puissions nous retrouver l’an prochain dans une autre région.

Il faut tout mettre en oeuvre pour que la ratification de la Convention Unesco soit inscrite à l’ordre du jour des Parlements Nationaux.

Il y a urgence parce que sur près de 200 pays membres seules 11 signatures sont acquises aujourd’hui. Il en faut 30 pour que la convention entre en vigueur mais je pense, et vous en serez d’accord, que 35 ou 40 signatures représenteraient un non succès voir un échec, lourd de conséquences pour l’avenir. J’ajoute enfin que la barre doit être franchie avant le 30 juin 2007, sinon tout le processus prendra fin - et pour longtemps.

Il y a urgence parce qu’aujourd’hui les États-Unis, qui ont combattu l’adoption de la Convention Unesco, signent des accords bilatéraux ou régionaux, notamment avec les pays d’Amérique centrale, dans lesquels est incluse une libéralisation totale ou partielle du secteur culturel. Je rappelle que les industries audiovisuelles et cinématographiques représentent la première contribution dans la balance commerciale des États-Unis.

Parce que la culture n’est pas une marchandise, parce que nous devons résister aux pressions qui essaient de diluer le contenu de la Convention, parce que nous serons plus forts si nous parvenons à parler d’une seule voix, parce que nous devons veiller à ce que les négociations internationales, notamment menées au sein de l’OMC, ou le projet d’AGCS, ne sacrifient pas la culture au bénéfice des intérêts commerciaux.


Engagement n° 5 : «Mobilisons nous pour la ratification de la charte Unesco par les États à l'échelle mondiale»

Je m’engage à porter très rapidement ce débat au sein même des institutions communautaires, et d’abord auprès du « Comité Des Régions » afin qu’il saisisse le Parlement Européen.


Pour conclure, je ne veux pas oublier que le combat pour la diversité culturelle commence chez soi.

Comme l’exprimait le poète René Char: « la sagesse est de ne pas s’agglomérer, mais dans la création et la nature communes, de trouver notre nombre, notre réciprocité, notre différence, notre passage, notre vérité, et ce peu de désespoir qui en est l’aiguillon et le mouvant brouillard ».

Il appartient aux Régions de promouvoir l’émergence de nouvelles formes esthétiques et de nouvelles relations entre les créateurs et le public.

Défendre la diversité culturelle, c’est maintenir un équilibre, parfois délicat à trouver, entre les institutions culturelles au fort rayonnement international et la jeune création, celle qui est portée par des artistes indépendants qui prennent tous les risques et frayent des chemins nouveaux.

Il appartient aux Régions de promouvoir les langues et les cultures régionales, les langues et les cultures issues de l’immigration.
Elles sont l’occasion de brassages, d’échanges, de métissages avec la langue et la culture françaises, qui sont extrêmement féconds et sont la caractéristique même des cultures vivantes et dynamiques.

Il appartient aux Régions de promouvoir les entreprises culturelles qui luttent, sur le territoire régional, pour défendre le pluralisme et la diversité dans le domaine des industries culturelles : maisons d’édition, labels discographiques, producteurs audio-visuels.
Voilà un exemple concret où, sans la régulation de la puissance publique, les lois du marché lamineraient toute tentative de diversité.

Je suis convaincu, aussi, que le combat pour la diversité culturelle nécessite une capacité d’écoute et une remise en cause de nos schémas installés, afin d’être ouverts à des projets qui s’ébauchent, en dehors de tout cadre administratif ou politique préconçu.


Enfin je vous assure de ma détermination pour mettre en œuvre les cinq engagements que nous avons pris ce soir :

- Avec les "Quatre Moteurs pour l'Europe", soyons moteurs de la diversité;
- Développons les initiatives et les coopérations culturelles entre régions du monde;
- Favorisons la circulations des artistes;
- Assurons la reconnaissance et la promotion de la diversité linguistique;
- Mobilisons nous pour la ratification de la Charte Unseco par les États à l'échelle mondiale.


Je vous remercie.


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