La Francophonie en mutations
Le XIe Sommet de la Francophonie s'est tenu du 25 au 29 septembre à Bucarest en Roumanie. 72 pays y étaient représentés, dont 43 chefs d'État et de gouvernement, 40 ministres des Affaires étrangères, 10 ambassadeurs et plus de 1500 membres des délégations officielles. Parmi les participants figuraient notamment le Directeur général de l'UNESCO, M. Koïchiro Matsuura, et le président de la Commission européenne, M. Jose Manuel Barroso. Plus de 17 000 personnes ont participé à la préparation de cette réunion à laquelle plus de 500 journalistes y étaient accrédités. L'OIF qui regroupait jusqu'alors 53 États et gouvernements membres et 10 observateurs (Rapport d'activités 2004-2006) a vu ce nombre s'accroître : 6 nouveaux pays (la Serbie et Monténégro, Soudan, Ukraine, Mozambique, Thaïlande, Ordre souverain de Malte) ont demandé à l'OIF le statut d'observateur, 4 autres pays (Albanie, Macédoine, Principauté d'Andorre, Grèce) ont demandé à devenir à leur tour "membres de plein droit" durant ce Sommet, tandis que le Ghana et Chypre ont demandé le statut de "membre associé". L'OIF compte désormais 68 pays dont 55 Etats et gouvernements membres et 13 observateurs (OIF). Le Québec sera l'hôte du prochain Sommet en 2008.
Déclaration de Bucarest
Le XIe Sommet de l'OIF, ouvert à Bucarest en Roumanie, le 25 septembre, a pris fin le 29 septembre par l’adoption d’une déclaration – Déclaration de Bucarest (1)- dont une partie se réfère à la thématique du Sommet - Les technologies de l’information dans l’éducation - et l’autre partie concerne la position des pays francophones à l’égard des crises actuelles et l’état de la démocratisation des États francophones. Au titre de la promotion de la ratification de la Convention de l'UNESCO sur la diversité des expressions culturelles, les Chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage (OIF), réunis les 28 et 29 septembre, ont déclaré :
« En nous réjouissant de la coopération entre nos États et gouvernements, qui a contribué à l’adoption en octobre 2005, à l’UNESCO, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, nous exhortons les États qui ne l’ont pas encore fait à déposer leurs instruments de ratification.
Nous demandons à l’OIF de renforcer son soutien aux pays du Sud qui souhaitent développer leurs politiques nationales en matière de culture et accroître la production et la diffusion de leurs produits et contenus culturels. Nous nous engageons à mettre rapidement en œuvre cette Convention, notamment ses dispositions de coopération en faveur du Sud » (Déclaration de Bucarest, alinéa 47).
"Un rendez-vous qui marque un engagement : celui de la ratification de la Convention" – Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie
Le Secrétaire général de l’OIF, M. Abdou Diouf a été reconduit par les chefs d’État et de gouvernement pour un mandat de 4 ans à la tête de la Francophonie. Rendant hommage au Secrétaire général des Nations Unies, qui « rappelle en permanence que le multilatéralisme est la seule réponse démocratique aux désordres du monde », M. Diouf a déclaré que : « C’est ce multilatéralisme (…) qui nous a permis de franchir en novembre 2005 à l’UNESCO une étape historique avec l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Je veux vous dire, Monsieur le Directeur général de l’UNESCO, que ce Sommet est aussi le rendez-vous de la diversité culturelle. Un rendez-vous qui marque un engagement. Pas seulement des mots, mais aussi des actes. Celui de la ratification de la Convention qui est avancée et qui va s’accélérer, notamment grâce au dynamisme de nos États membres. Celui aussi de la préparation de sa mise en œuvre. Nous nous sommes engagés à renforcer les politiques et les industries culturelles de nos États. Nous allons le faire ! Nous nous sommes engagés à renforcer la coopération culturelle internationale parce que cela est nécessaire au dialogue des cultures dont nous avons tant besoin. Nous allons le faire ! » (2).
Dans un entretien à l'AFP le 27 septembre, M. Diouf expliquait que la Francophonie allait affirmer lors du Sommet de Bucarest son attachement à la diversité des cultures contre une "hégémonie, une conception unique du monde" portée par les États-Unis: « Nous considérons que la culture n'est pas une marchandise (…).Washington craint que l'application de la convention sur la diversité culturelle ne représente une entrave aux ventes de films et de musique. Le texte a pour objet principal d'affranchir les diverses "expressions culturelles" des règles régissant le commerce international, faisant ainsi de la culture une exception pouvant être subventionnée par les États (…). Les cultures des pays doivent s'échanger mais il faut que les autres pays, pas seulement les pays du Sud mais tout les pays du monde puissent avoir accès au marché de la culture, des œuvres culturelles dans toutes leurs dimensions : le cinéma, la musique, les œuvres plastiques. Cet ensemble doit faire l'objet d'échanges équilibrés pour que nous ne soyons pas seulement les otages d'une monoculture, d'une pensée unique, d'une seule identité ».
L'AFP affirme notamment que « les États-Unis, qui s'étaient déclarés déçus après le vote écrasant à l'UNESCO en faveur du texte, avaient annoncé qu'ils tenteraient d'agir auprès des pays l'ayant signé pour empêcher sa ratification et, à défaut, son utilisation abusive ». Malgré tout, ajoute l’agence, M. Diouf se veut optimiste, assurant que « d'ici à la Conférence générale d'octobre 2007 à l'UNESCO, nous aurons le nombre de pays suffisants pour qu'entre en vigueur cette Convention ».
"Il faut que le plus grand nombre de pays possible ratifie la Convention , et qu'on passe de la parole aux gestes" - Jean Charest, Premier ministre du Québec
Pour la ministre des Relations internationales du Québec et ministre responsable de la Francophonie, Mme Monique Gagnon-Tremblay, le Québec est membre de l'OIF depuis trente-cinq ans, en tant que gouvernement participant. À cet égard, il participe directement et contribue aux travaux, aux programmes et au financement de l’OIF et de ses opérateurs. Son action énergique poursuivie sans relâche depuis plusieurs années en faveur de l’adoption par l’UNESCO d’une convention sur la diversité culturelle n’aurait pu mener à un tel aboutissement si elle avait été conduite à l’extérieur du cadre institutionnel de la Francophonie, souligne-t-elle.
À cet égard, bien que seulement 12 pays aient actuellement déposé leurs instruments de ratification auprès de l'UNESCO, ce faible succès n'inquiète pas le Premier ministre du Québec, M. Jean Charest, qui déclare : « Pour nous, c'est une bataille qui se poursuit. Nous tenons à y mettre beaucoup d'énergie dans la ronde de ratification. Nous croyons qu'il faut que le plus grand nombre de pays possible ratifie la Convention, et ce, le plus rapidement possible, pour que la mise en œuvre soit faite et qu'on passe de la parole aux gestes ». La Convention devra avoir été signée par au moins 30 pays en juin 2007 pour entrer en vigueur au moment de la prochaine Conférence générale de l'UNESCO en octobre 2007. Pour cela, souligne M. Charest : « Je suis totalement confiant qu'on y arrivera. Je n'ai pas de doute là-dessus. Mais on veut plus que cela. On veut plus que 30 pays. On veut des pays qui vont déborder la Francophonie ». Pour ce faire, M. Charest a promis profiter du XIe Sommet pour promouvoir la Convention auprès des autres chefs de gouvernement.
À la cérémonie d'ouverture dudit Sommet, comme Premier ministre du Canada, M. Stephen Harper a indiqué qu'il avait l’intention de veiller à ce que la personnalité bilingue et multiculturelle du Canada soit reflétée fidèlement sur la scène internationale. Sur ce point, il a déclaré qu'« il n’est pas étonnant que nous ayons été les premiers à ratifier la jeune Convention sur la diversité culturelle. À ce titre, la Francophonie a joué un rôle majeur dans l’adoption d’une Convention à l’UNESCO faisant de la diversité culturelle un cadre de référence incontournable ». À cet égard, M. Harper a affirmé que le Canada poursuivra avec fermeté la promotion de la ratification de cette Convention dans ses deux langues officielles.
"J'appelle tous les États francophones signataires à donner sa pleine portée à cette Convention en la ratifiant le plus vite possible et sans délai" – Jacques Chirac, Président de la République française
À la tribune du Sommet de la Francophonie , le chef de l'État français, M. Jacques Chirac, a souligné que « du dialogue des cultures dépendront, pour une large part, la paix et l'avenir du monde ». Cette "dynamique de dialogue" est à ses yeux la meilleure réponse à apporter à la mondialisation car « nos sociétés modernes sont traversées par des forces contradictoires : au risque d'uniformité, à la peur de la dilution des identités, répond la menace du repli sur soi et de la crispation ». Pour lui, ce XI e Sommet constitue "un forum d'échanges important entre acteurs qui partagent la francophonie dans la mondialisation". C'est pourquoi il a pressé ses partenaires de ratifier au plus tôt la Convention de l'UNESCO sur la diversité des expressions culturelle : « J'appelle tous les États francophones signataires à donner sa pleine portée à cette Convention en la ratifiant le plus vite possible et sans délai : elle est notre outil commun pour développer nos politiques et nos entreprises culturelles, pour créer de nouveaux métiers, pour offrir à notre jeunesse l'espoir d'un monde d'ouverture et de liberté » (3).
"J'invite les États qui ne l'ont pas encore fait à accélérer la ratification de cette Convention" - Blaise Compaoré, Président de la République du Burkina Faso
Dans son discours (4), lors de la cérémonie d'ouverture du XIe Sommet de la Francophonie , le Président de la République burkinabé, M. Blaise Compaoré, a souligné que « Dans un monde tenté par l'homogénéité et les standards, la diversité culturelle constitue à la fois une affirmation et un facteur d'épanouissement. C'est pourquoi, je salue l'engagement des États membres de la Francophonie auprès de l'UNESCO qui a permis l'adoption en octobre 2005 de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. J'invite les États qui ne l'ont pas encore fait à accélérer la ratification de cette Convention ». M. Compaoré a notamment ajouté que dans plusieurs pays francophones, des instruments juridiques et organisationnels en vue de la promotion de la diversité culturelle ont été mis en place.
(1) Déclaration de Bucarest
(2) Discours de M. Abdou Diouf
(3) Discours de M. Jacques Chirac
(4) Discours de M. Blaise Compaoré