Ref. :  000023649
Date :  2006-04-15
Language :  French
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Philosophie des mondialisations et mondialisation de la philosophie


Keywords : 



« Bien que ce corps politique ne soit guère, pour l'instant, qu'à l'état d'ébauche grossière,
chacun des membres [futurs] est néanmoins déjà
comme tenaillé par un sentiment qui incite à considérer comme important
le maintien de l'ensemble; et ceci donne l'espoir que, après maintes révolutions
s'établisse enfin ce que la nature a comme intention suprême,
un État cosmopolitique universel au sein duquel
toutes les dispositions originaires de l'espèce humaine seront développées.
»

Emmanuel Kant,
Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique




1. De la mondialisation de la philosophie…

Il est assez clair qu’une philosophie des mondialisations ne saurait « faire l’économie » d’une réflexion de fond sur la mondialisation propre ayant affecté la philosophie depuis l’Antiquité jusqu’à la période contemporaine. Car si la philosophie semble en mesure d’offrir à la problématique des mondialisations un paradigme — celui du partage philosophique — susceptible de relancer sur des bases plus satisfaisantes un débat international agonisant, elle doit aussi s’interroger sur les modalités présentes de sa mondialisation, sur ses conséquences ainsi que sur les options qui sont ouvertes en vue d’un avenir mondialisé de la discipline, de la recherche et de l’enseignement philosophiques. C’est ainsi que, aux côtés d’une « philosophie de l’histoire des mondialisations », qui apparaît chaque jour plus indispensable — de Hegel à Jacques Le Goff —, il apparaît hautement souhaitable de constituer séparément une véritable « histoire de la mondialisation de la philosophie » (1) .
En effet, cette histoire, qui n’est certes pas une page blanche à écrire, n’aurait pas seulement une valeur historique, et, pour ainsi dire : latérale au projet concerné. Elle devrait, au contraire, assumer une place essentielle, tant du point de vue du développement futur de la philosophie elle-même, que du point de vue du rôle éminent qu’elle sera nécessairement amenée à jouer dans les affaires cosmopolitiques — en s’inscrivant dans une tradition qui va d’Aristote à Kant et à Habermas. Outre le constat général que toute discipline majeure devrait aujourd’hui consacrer des efforts significatifs à penser sa propre mondialisation, à en évaluer les contours et les impacts ; en ce qui concerne la philosophie, sa familiarité même avec le concept de monde et avec l’idée de mondialisation rendent l’exercice indispensable, et, pour tout dire : philosophique…
L’analyse historique des mondialisations de la philosophie depuis l’Antiquité, lors des périodes médiévale, renaissante, moderne et contemporaine (2), devrait, en effet, procurer des enseignements qui ne peuvent manquer d’intéresser les autres mondialisations sectorielles contemporaines. La manière même dont la philosophie a émergé, s’est forgée, institutionnalisée et diffusée, malgré les obstacles physiques et hors des circuits marchands, constitue par soi-même un geste « mondialisateur » dont il serait souhaitable d’évaluer toutes les conséquences. La manière dont elle a débordé les frontières instituées de toute nature, dont elle s’est introduite dans des sociétés qui n’avaient aucune raison de lui témoigner a priori une quelconque sympathie ; dont elle s’est imposée comme discipline et enseignement suscitant un respect transcendant aux clivages idéologiques, politiques et culturels : la convergence de ces signes recèle une valeur exemplaire pour tout projet de mondialisation. Car la philosophie s’est bien mondialisée, alors que cela n’était nullement évident et acquis d’avance. Il suffit de rappeler une fois encore l’hostilité suscitée par Socrate, jusqu’à l’arrêt d’exil ou de mort, pour mesurer aussi qu’un tel arrêt eût pu s’étendre à la philosophie en général. Cependant, malgré la mort de Socrate, malgré les difficultés interminables et de tout ordre causées avec constance aux philosophes dans l’exercice de leur métier depuis lors, la philosophie a poursuivi son chemin au sein de mondes différents, et elle s’est véritablement mondialisée, en plusieurs vagues distinctes et complémentaires.


2. … à la philosophie des mondialisations ?

La mondialisation de la philosophie n’était pas donnée ; cependant elle fut et elle est effective. Mieux : elle ne cesse pas, elle ne décline pas, mais elle progresse, malgré des entraves sociales, administratives, politiques, des obstacles toujours renouvelés à son libre exercice, que ne manquent jamais et en tout lieu de lui opposer les oligarchies, qui ne la goûtent guère. Elle a accompli un chemin mondial, avec cette singularité d’avoir sacrifié au cours d’un tel chemin à un minimum d’accommodements avec les pouvoirs politiques, économiques, intellectuels, religieux, culturels en place, et, soulignons-le : en se tenant à distance des « contraintes de marché », de la « loi des marchés », que ceux-ci fussent financiers, commerciaux, éditoriaux, voire éducatifs. Les compromissions ne s’étant avérées que marginales (malgré les accusations internes communes à toute discipline et science), elle est restée philosophie de millénaire en millénaire, ce qui constitue en soi une performance certaine, et sans que son identité, sa dignité, son irréductibilité ne fussent jamais atteintes à un point fatal. Au contraire, pourrait-on dire, si l’on en juge par la reconnaissance générale qu’elle « se porte particulièrement bien » hic et nunc.

Il y a ainsi, dans cette histoire, plus qu’un geste emblématique à souligner. Car c’est encore un autre paradigme que celui du partage philosophique qui se fait jour. Ce paradigme est celui de la mondialisation de la philosophie comme paradigme possible de toutes les mondialisations — scientifiques, artistiques, sociales, politiques, humanitaires, et même économiques, etc. — qui se réalisent hors marché(s), au sens où elles sont en mesure et revendiquent de n’être pas soustraites aux prétendues « lois des marchés ». C’est le paradigme d’une mondialisation, qui, sans faire de concession majeure sur l’identité de son sujet — la philosophie — et le sens de son mouvement — le partage des savoirs(3) —, réussit néanmoins à faire mondialisation et à incarner, sur une période trimillénaire : une forme de « mondialisation réussie » (4) …
À cet égard, la philosophie ne devrait plus manifester son habituelle réserve, sinon pudeur. Car, il faut aussi le souligner, les autres sciences, disciplines et métiers n’attendent pas seulement d’elle qu’on leur procure des concepts valides et utiles au présent en place de ceux qui ont été démonétisés. Ils escomptent également qu’on leur démontre par des expérimentations (leur histoire, leur narration, leur interprétation) qu’il est bien d’autres mondialisations possibles que celles qui occupent massivement la scène actuelle — et des mondialisations ayant d’autres règles du jeu, d’autres modes de fonctionnement, d’autres objectifs et conséquences. Si donc la philosophie assume son histoire avec fierté — ce dont on ne saurait douter —, elle devrait aussi avoir à cœur de faire partager le plus largement possible ce que cette histoire qui est la sienne enseigne de positif et de prometteur sur une certaine façon vraiment alternative de mondialiser et de se mondialiser.
Elle concrétiserait ainsi, par la mise en perspective de sa propre expérimentation millénaire et contemporaine : un essai pour introduire, non seulement en philosophie, mais dans d’autres disciplines — telles que l’anthropologie et l’histoire —, le concept des mondialisations.


3. Rendre possible la formation d’un authentique jugement critique sur les mondialisations

Le projet — incertain, complexe, exigeant — d’une « philosophie des mondialisations » ne saurait se recouper en aucun de ses points avec celui — à vocation instrumentale et mercatique (5) — d’une prétendue « philosophie de la mondialisation » (6). Ce dernier reposerait, en effet, sur un dévoiement de la philosophie à des fins de consolidation sociopolitique : on pourrait le résumer au geste de l’attribution d’un label philosophique à une pratique économique concertée « à l’échelle globale ». « Philosophie de la mondialisation », cela signifierait mettre au service d’un projet de privatisation du monde (ou plutôt : d’extension, de développement de cette privatisation) : la démarche et la tradition philosophiques, son corpus scientifique et ses méthodologies, ses valeurs et son irréductibilité même. Cela ne serait pas différent d’une « mondialisation de la philosophie » que l’on aurait réduite au statut effectif d’une « marchandisation de la philosophie » — à une mercantilisation de son unicité, un assèchement et un recyclage progressifs de ses ressources rares au profit d’autres projets. Cela pourrait bien sûr avoir lieu, et cela s’est déjà réalisé, d’une certaine manière : grâce à des « philosophes » et à des commerçants animés des meilleures intentions… du monde !

La thèse que nous défendons est de nature bien différente et éloignée. Car, au pluriel près, « philosophie des mondialisations » ne veut simplement rien dire de semblable à « philosophie de la mondialisation ». De manière distincte, ce projet-là requiert d’emblée la philosophie, et il la désire intacte : non comme un expédient publicitaire prometteur, mais bien comme philosophie, sans restriction ni compromis. Et il prétend et assume, ce projet, de s’emparer de quelque chose qui n’est ni gadget ni provocation, ni pur bricolage ni machine de guerre, mais qui touche effectivement à ce qui devrait être aujourd’hui l’objet de l’attention la plus extrême, à savoir la collision des mutations accélérées (en partie inouïes, en partie déjà connues) des mondes superposés (réel, virtuel, imaginaire, symbolique…) avec celles du monde humain et terrien! Le monde des mondialisations privatisées et des mondialisations partagées : tel est l’objet de pensée improbable, et cependant philosophique, qui serait celui d’une « philosophie des mondialisations » — dont nous souhaitons dès maintenant retrancher les guillemets qui l’accompagnent.

Cette levée des guillemets est, en effet, désirable, car non seulement la philosophie des mondialisations ne saurait être considérée comme une expérimentation accessoire — voire comme une coquetterie parmi d’autres —, mais encore sa pertinence apparaît singulière en un temps de confusion extrême sur lesdites « affaires du monde » (7) (terrorisme, communautarisme, regain des nationalismes, désordres environnementaux, disparition des ressources naturelles, aggravation des pauvretés, nouvelles pandémies, etc.) qui la rend, à la lettre : indispensable. « Possible », elle l’est, et « souhaitable », également. Mais cela n’est pas assez : car l’entreprise dont il est question ne peut se limiter à entrouvrir un nouveau tiroir et quelques autres, plus anciens, dans la grande armoire philosophique. La réunion des conditions de possibilité d’une philosophie des mondialisations, la mise en évidence de ses fondements, constituent certes une étape inévitable. Cependant, cette étape franchie ne dit rien encore, par soi-même, de l’urgence qu’il y aurait à promouvoir une telle philosophie, précisément à l’échelle mondiale. Son « caractère souhaitable », nous nous sommes efforcés ailleurs de souligner les justifications qui l’accréditent (8), qui ne sont pas minces et semblent peu discutables. Nous le réitérons et le confirmons. Mais « souhaitable » n’exprime pas suffisamment la nécessité, à laquelle la communauté philosophique est confrontée, d’aller encore plus loin. Un « plus loin » que l’on pourrait résumer ainsi : à savoir, qu’il s’agit de considérer comme incontournables l’élaboration et la promotion d’une philosophie des mondialisations.

Indispensable, plus encore que souhaitable, et bien plus que possible, se révèle effectivement être hic et nunc une philosophie des mondialisations. Pourquoi ? Parce que les « grandes questions mondiales » (9) de l’époque ne peuvent plus supporter l’hyper-cloisonnement disciplinaire et l’hyper-spécialisation sectorielle (10) dans lesquels on les a confinées. Parce que ces grandes questions, nous avons simplement régressé depuis un quart de siècle dans leur entendement et dans leur traitement, tandis que la globalisation économique et financière poursuivait insoucieuse son propre projet. Parce que les « grandes réponses à ces grandes questions », que l’on pouvait espérer voir élaborées, sur les plans géopolitique, géoéconomique, géoculturel, géosanitaire, au sein de l’ONU, dans d’autres cadres multilatéraux ou sous des formes d’organisation à construire de la société civile (11), ces grandes réponses ne sont nullement au rendez-vous, et tout au contraire. Parce que la dégradation des conditions de vie d’une majorité d’habitants de la planète (sur les plans nutritionnel, sanitaire, social, financier), et de l’humanité dans son ensemble (sur un plan environnemental) (12), cette dégradation s’est accélérée jusqu’au point où elle semble désormais incontrôlable aux yeux mêmes des experts les moins alarmistes, et en dépit de tous les credo juridiques et politiques sur l’avènement envisagé d’une « véritable gouvernance mondiale » (13). Enfin, parce que c’est devenu la conviction d’une majorité de citoyens cosmopolitiques — conviction partagée au-delà des clivages idéologiques, politiques et culturels — qu’il est effectivement plus que temps de forger de nouveaux concepts des mutations mondiales en cours et d’expérimenter de nouveaux outils conceptuels pour leur analyse, leur interprétation et leur contrôle.

De fait, si la philosophie n’a pas vocation à fournir des remèdes préconçus aux maux de son temps (« Tu ne seras pas meilleur que ton temps… », écrit le jeune Hegel), en revanche, elle a pleinement vocation à en affronter les enjeux, les questions majeures et les quêtes de réponses, de telle sorte qu’elle contribue « le mieux possible » à la réalisation de ce temps (« … mais, ton temps, tu le seras au mieux », poursuit-il (14) ), particulièrement lorsque le devenir commun de l’humanité y paraît mis en péril. Si elle n’a pas d’expédient universel à proposer face à la longue liste des problèmes irrésolus — mondiaux, mondialisés et mondialisant — qui forment le menu quotidien de nos « actualités », elle est, en revanche, en mesure de proposer ses outils critiques éprouvés par la tradition, ainsi que son savoir particulier de la combinaison et de la liaison des différentes disciplines qui lui sont externes (à commencer par l’anthropologie et l’histoire, mais aussi bien la sociologie, la psychologie, la sémiologie, l’économie, la science politique et les sciences de la communication). Or, ce sont précisément ces deux atouts — d’un côté, des outils conceptuels et critiques sans équivalent ; d’un autre côté, un savoir-faire spécifique de l’articulation conjointe des disciplines tierces — qui permettent de penser que la philosophie pourrait en effet jouer à propos des mondialisations un rôle exceptionnel qu’aucune autre discipline ne saurait assumer à sa place.


Il s’agit donc, à nos yeux, pour une philosophie des mondialisations :

a) de rendre raison des différentes figures conflictuelles des mondialisations passées et en cours, de telle sorte que chacune de ces mondialisations se trouve éclairée par les relations qu’elle entretient avec les autres, et que la nature de leurs conflits se trouve resituée dans l’Histoire et dans l’histoire de la pensée ;

b) de réassigner à ces mondialisations des origines, des causes, une histoire, un domaine, un cheminement singuliers, qui ne se recoupent ni ne puissent se confondre avec la vulgate de « la mondialisation » telle qu’elle continue à être distillée quotidiennement par les médiateurs dominants — à savoir ce discours qui prétend n’observer qu’une seule mondialisation, comme « fait » unifiant et égalisateur auquel tout autre mouvement devrait se conformer et s’adapter ; enfin :

c) de rendre possible pour tous les citoyens — et pas seulement les philosophes — la formation d’un authentique jugement critique sur les mondialisations, dépouillé des prismes et grilles d’analyse idéologiques qui en opacifient la perception et la compréhension, et apte à mettre ces mondialisations en perspective, afin de réévaluer complètement les menaces effectives qu’elles manifestent ou recèlent, aussi bien que les promesses qu’elles formulent pour l’avenir de l’humanité, et qu’elle sont susceptibles de lui apporter en partage.





Notes:


(1) L’histoire de la mondialisation philosophique est précisément l’objet principal du « roman philosophique » de Peter Sloterdijk, Sphären II: Globen (Suhrkamp, Frankfurt/Main, 1999).
(2) Cf. l’article de Yves Laberge : « La mondialisation de la philosophie : la réappropriation des idées selon les cultures. L'exemple de Gaston Bachelard », in la revue Laval théologique et philosophique, 59(3), automne 2003, pp. 535-540.
(3) On relira, sur ce thème, le beau papier de la philosophe Tanella Boni « L'inégal partage des savoirs » (publié in www.mondialisations.org, 3 janvier 2001), ainsi que son article « Partage des savoirs » pour le Dictionnaire critique de « la mondialisation » (coord. F. de Bernard, Le Pré aux Clercs, Paris, 2002) On soulignera, en particulier, dans le premier de ces textes, son effort de redéfinition et d’élargissement du concept de partage : « Il nous faut montrer qu’il y a d’autres types de partage qui ne renvoient ni à la simple répartition ni à la division entre riches et pauvres (…) Si, aujourd’hui, nous constatons qu’il y a une inégale répartition des savoirs c’est bien parce que le partage des savoirs conçus comme bien commun de l’humanité n’est pas encore une réalité (…) Que valent les savoirs qui ne sont ni vus ni reconnus, les savoirs qui ne peuvent pas entrer en dialogue avec d’autres savoirs? ».
(4)« La condition d’une mondialisation réussie est la préservation et le renforcement de la diversité des identités et des cultures. Il n’y a de débats constructifs qu’entre des personnalités fortes, et le patrimoine mondial ne peut que s’appauvrir de la course au plus petit dénominateur commun. Il faut au contraire l’enrichir de contributions dont la qualité dépend, le plus souvent, de l’enracinement », in Lucien Bouchard, Premier Ministre du Québec, allocution à l’occasion de la 14ème Conférence des peuples de langue française (Jonquière, Québec, 19 août 1997).
(5) Au sens du marketing commercial, économique, publicitaire, social et politique.
(6) Cf., à ce sujet, l’article de Sémou Pathé Guèye « Le projet d'une "philosophie de la mondialisation" », in Éthiopiques, Revue Négro-Africaine de Littérature et de Philosophie, Dakar, n.o 64/65, 2000, ainsi que l’article de M. L. Badji « Philosophie de la mondialisation : l’Afrique a besoin de repères », publié in le journal Le Soleil, Dakar, 24 juin 2003.
(7) « En ce qui concerne l'évolution du système international, l’hypothèse la plus plausible est celle d'un accroissement du rôle hégémonique des Etats-Unis dans les affaires du monde, à la faveur de la lutte contre le terrorisme. Ce renforcement se traduirait à la fois par l'affaiblissement de la souveraineté de la plupart des pays et, sur le plan territorial, par l’expansion de la présence militaire américaine. Trois mécanismes d’«appel d'empire» pourraient ainsi s’instaurer, à moyen et long termes. On peut d'abord s’attendre à une internationalisation des politiques fédérales américaines. Avec la prise de conscience que la défense des Etats-Unis contre les réseaux terroristes déterritorialisés dépend de plus en plus de ce qui se passe à l'intérieur d'autres pays appartenant soit au monde développé (passage des terroristes à Hambourg, à Londres) soit au monde en développement (entraînement et contacts au Pakistan), il est évident que les alliés de Washington vont subir de fortes pressions. La nature de la menace terroriste et de la guerre menée contre elle va inévitablement accentuer l'évolution du système international vers une plus grande confusion entre l'interétatique et l'interne », in l’article « L’hyper-puissance au défi de l’hyper-terrorisme » de Justin Vaisse (Brookings Institution, Etats-Unis d’Amérique, 1er octobre 2001). Force est de noter que, dans ce diagnostic déjà ancien, l’auteur ne s’est guère trompé.
(8) « Ce qu’il faut « déprivatiser », c’est la conception même de la mondialisation, une conception économico-politique exclusive, que l’on peut dire monothéiste, et pour laquelle il n’y aurait qu’un seul et même mouvement qui, de l’économique se diffuserait à tous les autres secteurs d’activité humaine. On l’imagine, cette déprivatisation doit emprunter des voies différentes de celles qui consistent à faire assaut d’arguments pour ou contre. À mille lieues de cela, il s’agit d’abord de requalifier en « privatisation du monde » le phénomène présenté majoritairement comme « la mondialisation » par politiques, gestionnaires et médias. Ensuite, il s’agit de mettre en évidence et de fonder en raison les autres formes de mondialisation à l’œuvre aujourd’hui, formes qui, à l’inverse de la précédente, sont de l’ordre du « partage du monde » (par exemple, la mobilisation internationale des citoyens sur certaines causes individuelles ou collectives ; la mutation des échanges des communautés scientifiques sur leurs objets de recherche communs ; la diffusion de patrimoines culturels oubliés, méprisés, éloignés, etc.). Enfin, il s’agit de penser les mondialisations , c’est-à-dire d’en faire un objet de pensée complexe, multiforme, évolutif, visant des processus différents (de la mondialisation des luttes environnementales à celle du cinéma, en passant par celles des goûts vestimentaires et des politiques de la ville), se situant à des stades d’évolution divers (certains achevés, d’autres en cours, d’autres non encore entamés), et à propos desquels nous ne savons encore que peu de chose – alors que les enjeux d’une telle réflexion, de ces domaines de savoir à constituer, sont manifestes pour tous les pédagogues et politiques. » In notre article « Pour une ''philosophie des mondialisations'' » publié dans le quotidien français Libération daté du 16 janvier 2001.
(9) « La marge de manœuvre que nous laissent la plupart des grandes questions mondiales est serrée : c'est tout de suite qu'il faut agir, avec des objectifs à vingt ans, pas sur un demi-siècle. Qu'on pense seulement au réchauffement planétaire, à l'épuisement des ressources de la pêche, aux pandémies, à l'inquiétant essor des drogues de synthèse, aux progrès pour l'heure incontrôlables des biotechnologies », in Jean-François Rischard, dans la présentation de son livre 20 défis pour la planète, 20 ans pour y faire face, Actes Sud, Arles, 2003.
(10) C’est un thème, on le sait, cher à Edgar Morin : « L’hyperspécialisation des connaissances, qui mène à découper dans la réalité un seul aspect, peut avoir des conséquences humaines et pratiques considérables (…) Elle contribue également à déposséder les citoyens des décisions politiques au profit des experts (…) La réforme de la pensée enseigne à affronter la complexité à l'aide de concepts capables de relier les différents savoirs qui sont à notre disposition en cette fin de 20ème siècle. Elle est vitale à l'heure de l'ère planétaire, où il est devenu impossible, et artificiel, d'isoler au niveau national un problème important. Cette réforme de pensée, qui elle-même nécessite une réforme de l'éducation, n'est en marche nulle part alors qu'elle est partout nécessaire », in entretien avec A. Rapin pour Label France n°28, Paris, juillet 1997.
(11) Cf. notre article « Le Palimpseste de Gênes: Pour une Organisation de la Société Civile Internationale », présentant l’une de ces formes possibles, et publié in le quotidien Libération du 19 juillet 2001.
(12) « Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) dans Les réfugiés dans le monde, de 1993, a identifié les quatre causes fondamentales des flux de réfugiés. Ce sont : l’instabilité politique, les tensions économiques, le conflit ethnique, et la dégradation environnementale », in « La dégradation de l’environnement et le déplacement des populations », article de Steve Lonergan (Université de Victoria, Canada) et Ashok Swain (Université d’Uppsala, Suède) pour le Projet sur les Changements environnementaux à l’échelle planétaire et la sécurité humaine, Aviso, n° 2, mai 1999.
(13) Le discours normatif sur ce point est illustré par la déclaration suivante : « Les solutions aux nombreux problèmes auxquels la communauté internationale se trouve confrontée ne pourront être trouvées que grâce à une plus grande et plus intense coopération internationale. Et elle ne sera pas possible sans une véritable gouvernance mondiale, fondée sur des institutions internationales démocratiquement comptables et servant les intérêts du plus grand nombre et non de quelques-uns », faite par le syndicaliste Guy Ryder, secrétaire général de la CISL à l’occasion du Forum social mondial de Mumbai (Inde), le 15 janvier 2004.
(14) Cf. Notes et fragments, Iéna 1803-1806, trad. collective, Aubier, Paris, 1991.



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