La langue est bien plus qu’un instrument, bien plus qu’un outil. En structurant notre pensée, en articulant nos relations sociales et en construisant notre rapport à la réalité, elle constitue une dimension fondamentale de l’être humain. C’est dans le langage, par la langue, que nous vivons.
Des premiers aux derniers instants de notre existence, de génération en génération, la langue nous accompagne, nous sert, nous crée. Elle est au cœur de la vie familiale, du travail, de l’école, de la politique, des médias, de la justice, de la recherche scientifique. Au centre, aussi, de l’espace religieux.
Il est donc naturel que, loin d’être perçue comme une simple question technique, l’utilisation des langues constitue le point de rencontre de nombreuses problématiques sensibles et contrastées. L’utilisation ou la non utilisation d’une langue dans des espaces publics comme l’école, les médias ou l’Internet renvoie ainsi aux registres de l’identité, de l’appartenance nationale ou du pouvoir.
C’est consciente de ces enjeux que la Conférence générale de l’UNESCO a décidé, en novembre 1999, d’instaurer la Journée internationale de la langue maternelle, souhaitant en faire une occasion de réflexion et de mobilisation. L’attention portée aux questions linguistiques n’a depuis lors cessé de croître. Il est significatif que plusieurs instruments normatifs établis entre-temps dans le cadre de l’UNESCO contiennent d’importantes références aux langues. C’est le cas de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle et son Plan d’action (2001), de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003), de la Recommandation sur la promotion et l’usage du multilinguisme et l’accès universel au cyberespace (2003) et de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005).
C’est dans ce contexte d’intérêt croissant qu’il faut également situer la proclamation, par l’Union africaine, de 2006 Année africaine des langues, ainsi que les réunions organisées pendant et entre les deux phases du Sommet mondial sur la société de l’information, entre décembre 2003 et novembre 2005. Ces délibérations constituent, au vu de la quantité et la qualité de ressources mobilisées et de l’impact qu’elles pourront avoir sur nos sociétés, un incontestable succès. Ces réunions ont porté une attention particulière au thème important du multilinguisme dans le cyberespace, sur lequel je propose de placer un accent particulier dans le cadre des réflexions et des activités de cette sixième édition de la Journée internationale de la langue maternelle. Le cyberespace constitue en effet une dimension essentielle pour l’expression et la promotion des langues, et la présence d’une langue sur la Toile n’est possible que si un certain nombre de conditions politiques, sociales et techniques sont remplies.
L’UNESCO se doit d’en faciliter la mise en place de manière coordonnée au niveau national, régional et international, et se tient prête à continuer à jouer activement son rôle de laboratoire d’idées, de catalyseur et de plaidoyer international, en facilitant la discussion, la négociation et la réalisation d’actions multilatérales efficaces et durables, porteuses d’espoir pour tous.
Mais l’engagement de l’UNESCO ne sera efficace que s’il est associé à celui de l’ensemble de la communauté politique, scientifique, éducative et culturelle internationale. La promotion des langues dans le cyberespace, facteur clé pour la construction de sociétés du savoir dans un contexte véritablement multiculturel, ne pourra voir le jour sans la participation de tous les acteurs politiques, sociaux et académiques concernés.
Ainsi, en ce jour de célébration, de réflexion et de mobilisation, je fais appel à toutes les forces vives du monde politique, économique et de la société civile, afin que la cause des langues et de leur diversité, en particulier dans le cyberespace, soit appréciée et servie à la mesure des ses enjeux essentiels.
Koïchiro Matsuura
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