Selon la Banque mondiale, le choix est clair pour les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Ces pays peuvent décider d'agir sans plus attendre et engager des dépenses relativement modestes pour freiner la propagation du VIH, ou ils peuvent attendre que l'épidémie prenne pied, auquel cas il leur faudra assumer des coûts économiques et sociaux beaucoup plus élevés.
Selon Bachir Souhlal, spécialiste principal des questions de développement social à la Banque mondiale, la région MENA se trouve dans une situation unique pour pouvoir arrêter la propagation du VIH/SIDA. Le taux de prévalence régional est actuellement de l’ordre de 0,2 % et l’épidémie sévit essentiellement dans certains groupes à haut risque, tels que les professionnels du sexe, leurs clients et les consommateurs de drogues injectables.
« Ce n’est pas parce que le taux de prévalence du VIH/SIDA est faible que le risque l’est également ; agir sans plus attendre pourrait permettre de prévenir une épidémie probable » explique M. Souhlal. La région tarde à se défendre contre cette épidémie catastrophique, mais la situation présente peut jouer en sa faveur. Le calendrier des interventions revêt une importance cruciale et il ne faut pas laisser passer cette période propice.
« Les pays de la région MENA doivent agir maintenant parce que le taux de prévalence y est encore faible, contrairement à d’autres régions où ce taux a grimpé à des niveaux élevés parce que l'organisation des efforts de prévention a pris trop de temps. Par ailleurs, on comprend mieux à présent le mécanisme de l’épidémie, on sait mieux ce qu'il faut faire pour obtenir de bons résultats, et l’on peut s'appuyer sur de nombreuses interventions fructueuses.
« Savez-vous qu’un taux de prévalence de 0,2 % signifie que 99,7 % des habitants de la région ne sont pas infectés par le VIH ? La prévention doit donc occuper une place centrale, mais pour pouvoir mener efficacement cette action, il est crucial d’obtenir des renseignements plus précis sur l’ampleur, la nature et l’évolution de l’épidémie, et d’axer les interventions sur les groupes à risque ».
Un rapport de la Banque mondiale intitulé Preventing HIV/AIDS in the Middle East and North Africa (Prévenir la propagation du VIH/SIDA au Moyen-Orient et en Afrique du Nord) présente une stratégie permettant aux gouvernements des pays de la région d’intensifier leurs efforts de prévention et de recourir aux compétences spécialisées des services de la Banque et d’autres institutions internationales pour mettre en place les plans établis.
Ce rapport fait valoir que tous les facteurs fondamentaux qui favorisent la propagation d’une épidémie de VIH/SIDA sont présents dans la région, tels que des systèmes de surveillance inadéquats, une population de jeunes importante et un taux de chômage élevé, de forts courants de migration, une connaissance insuffisante des mesures de prévention, une stigmatisation et une peur généralisées, le manque de sécurité et les conflits, les valeurs culturelles et sociales, et l’accès limité à l’information dans beaucoup de pays.
Il y a deux ans, on comptait environ 62 000 nouveaux cas d’infection par le VIH. En 2005, la région recensait 67 000 nouveaux cas d’infection et 58 000 décès dus au sida. Selon les statistiques de l’ONUSIDA, le nombre total de personnes vivant avec le VIH en 2005 est de 510 000.
Une « culture » du silence
D’après M. Souhlal, les pays de la région doivent redoubler leurs efforts de sensibilisation et amener les personnalités politiques, les chefs spirituels et autres membres influents de la société à faire mieux prendre conscience du VIH/SIDA.
« La Banque mondiale demande instamment qu’une action résolue soit menée aux plus hauts niveaux. Il le faudra, pour formuler une stratégie nationale multisectorielle à laquelle participeront les grands ministères, la société civile et la communauté. L'action qui pourra être menée sans plus attendre aura, à terme, des répercussions positives favorables considérables. »
M. Souhlal note que les dirigeants politiques et sociaux doivent absolument rompre le mur du silence et de la peur et éliminer la stigmatisation associée au VIH/SIDA. « Nous devons démystifier le VIH/SIDA. Il n’est aisé dans aucune culture de parler de sexualité et de mort, mais nous devons le faire. Nous bénéficions de l'expérience des autres régions où nous avons pu observer la progression de l’épidémie et les moyens employés pour freiner cette dernière » explique-t-il.
Amélioration de la surveillance
Il est également essentiel d’améliorer les systèmes de surveillance pour mieux suivre la progression de l’épidémie d’infections par le VIH. D’après M. Souhlal, la plupart des pays ne possèdent pas de données fiables sur la nature et l’évolution de l’épidémie du VIH.
« Un système de surveillance fonctionnant de manière satisfaisante est essentiel à tout effort de prévention », note M. Souhlal. Sans dispositif de surveillance adéquat, il ne peut y avoir de systèmes d’alerte rapide ; or les responsables de la santé publique ont besoin de tels systèmes pour dépister les cas d’infection associés à des flambées épidémiques au sein des groupes à risque — qui peuvent favoriser la propagation de l’infection dans la population générale — et pour éviter de mal cibler leurs interventions et, partant, d'utiliser de manière peu efficace leurs ressources limitées.