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Date :  2001-09-19
langue :  Français
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La mondialisation : L'économie en avance sur les institutions

Source :  Charles Wyplosz


1. Introduction

L'irruption de la mondialisation au premier rang de la contestation n'est pas un hasard. La mondialisation représente une évolution normale, qui reproduit au niveau international le processus d'intégration et d'uniformisation national qui a caractérisé les cent dernières années. De même que les différentes régions françaises ne se distinguent plus vraiment les unes des autres (dialectes, costumes, ni même spécialisations industrielles hormis l'agriculture et l'implantation aléatoire de multinationales), on assiste aujourd’hui à une évolution qui bouleverse les traditions et remet en cause la notion d’état-nation au profit d’une communauté mondiale. Un tel bouleversement ne peut laisser indifférent, enthousiasmant pour certains et catastrophique pour d’autres.

Comme toute profonde évolution, la mondialisation crée des gagnants et des perdants, et les règles du jeu qui s’élaborent sont largement définies par les puissants du moment. Il n’est pas surprenant que ceux qu’inquiète la mondialisation l’identifient aux pays du G7, Etats-Unis en tête, aux entreprises multinationales et aux institutions internationales telles l’OMC, le FMI ou la Banque Mondiale. Et ce n’est que paradoxe apparent que de constater que les opposants s’organisent à l’échelle mondiale.

On a coutume de rappeler que les économies étaient plus intégrées à la fin du 19ème siècle qu'aujourd'hui. C'est exact, mais ces économies étaient essentiellement quelques grands empires à l'intérieur desquels se développaient de profondes inégalités. La mondialisation de l'époque s'appelait colonialisme, et bénéficiait de ce fait d'une forte capacité à "réguler" (militairement) les difficultés. La mondialisation d'aujourd'hui a, heureusement, perdu cet élément de stabilité. Il n'a pas encore été remplacé. Le monde qui s’élabore n’a pas encore établi des institutions qui aient l’autorité et la légitimité requises pour décider de mécanismes régulateurs.

On oublie souvent que, même au niveau national, l'uniformisation n'a pas été chose facile. Les mutations qu'elle a provoquées se sont accompagnées de crises douloureuses et ont permis à des idéologies extrêmes de se développer: le communisme et le nazisme ont exploité des angoisses réelles. Ces mêmes angoisses réapparaissent aujourd'hui. Hier c'est au niveau national que les gagnants et les perdants de l'uniformisation s'opposaient, aujourd'hui on trouve des perdants et des gagnants dans tous les pays du monde. De leur alliance naît la contestation de la mondialisation, et cette contestation est aussi naturelle que la mondialisation elle-même. Le débat est parfaitement légitime, mais il est essentiel de ne pas laisser à nouveau se développer des idéologies extrêmes. Ceci impose bien sûr de trouver des réponses aux angoisses qui s'expriment.


2. Objectifs et effets économiques de la mondialisation

L'intégration commerciale

Les pays avancés ont depuis longtemps atteint un niveau élevé d’intégration commerciale. Ce qui a changé c’est d’une part l’élaboration de règles du jeu contraignantes, et d’autre part l’extension de l’intégration commerciale aux pays dits émergents.

Pourquoi l’OMC apparaît-elle plus menaçantes que le GATT ? Le GATT restait un forum de négociations entre états souverains, préservant toutes les prérogatives de l’état-nation. L’OMC est dotée de véritables pouvoirs d’arbitrage, rendant légales des sanctions qui, auparavant, étaient imposées de manière unilatérale. Là où certains pensaient établir une régulation, d’autres voient un pouvoir supranational.

Après des décennies dominées par le concept marxisant d'indépendance économique et de protection des industries locales face à la concurrence “ sauvage ” ou inique, les PVD on tiré les conclusions de leur échec et amorcé une politique d'intégration commerciale. Les grand principes sont clairs et fonctionnent comme prévu: l'intégration commerciale accélère la croissance grâce à la DIT (commerce à la Ricardo et à la Hecksher-Ohlin) et grâce à la concurrence (commerce à la Krugman). Mais ces deux canaux impliquent aussi une redistribution des revenus à l'intérieur de chaque pays et entre les pays. La théorie nous dit que ces effets sont désirables au sens de Pareto, c'est-à-dire que les gagnants peuvent compenser les perdants, et être encore gagnants. Ceci n'est pas remis en cause, mais le problème est que ces transferts parétiens n'ont pas lieu: les perdants perdent, sérieusement. La solidarité nationale qui, tant bien que mal, a permis de traverser les bouleversements des cent dernières années grâce à des systèmes de transferts, n’existe pas entre les nations.

L'intégration financière
La grande vague d'intégration financière a été voulue par trois pays: les USA, la Grande-Bretagne post-thatchérienne, et l'Allemagne. Le raisonnement est bien connu: une meilleure allocation de l'épargne profite aux prêteurs comme aux emprunteurs. Ce raisonnement souffre de nombreuses failles, toutes liées au fait que les marchés financiers ne fonctionnent pas aussi bien qu'on le croit parfois, essentiellement en raison de la présence d'asymétries de l'information:
- le crédit est rationné pour les emprunteurs de qualité non établie (Stiglitz-Weiss). Donc certains pays ont peu de chance de profiter de l'intégration financière.
- les marchés financiers ont tendance à adopter un comportement moutonnier. Il s'ensuit des phénomènes tels que les flux entrants excessifs (Amérique Latine, Asie, Pologne, Hongrie, etc.), les crises auto-réalisatrices.
- les emprunteurs n'utilisent pas toujours les capitaux à des fins productives (chaebols en Corée, dépenses militaires dans les PVD, corruption en Russie, etc.) et ne peuvent donc pas rembourser leurs emprunts lorsqu'ils parviennent à échéance.
- les organisations internationales interfèrent constamment avec ces flux, soit en octroyant des prêts parfois injustifiés (Banque Mondiale, BERD), soit en créant un aléa moral pour des raisons parfois purement politiques (FMI au Mexique et en Russie) ou en raison de l'argument too big to fail (Russie, Argentine et Brésil, Asie).

En conséquence, les marchés financiers sont sujets à des phénomènes tels que le comportement moutonnier et les paniques qui, de temps à autre, aboutissent à des crises qui peuvent être extrêmement coûteuses. Coûteuses pour le budget lorsqu’elles sont accompagnées de crises bancaires (la remise en route d’un système bancaire peut nécessiter une dépense de 10% ou plus du PIB), coûteuses pour l’économie lorsque le taux de change s’effondre et provoque à la fois faillites et inflation.

L’instabilité structurelle des marchés financiers est bien reconnue et se traduit par un ensemble très élaboré de règles prudentielles imposées au niveau national—avec des efforts de plus en plus poussés d’harmonisation internationale via les accords de Bâle—sans qu’un effort parallèle ne s’applique aux marchés des changes et aux flux internationaux de capitaux qui restent libres de toute régulation.


3. Deux problèmes

Les deux problèmes essentiels sont:

- l'absence de mécanismes redistributifs. Au sein de l'état-nation, le réflexe de solidarité vient facilement, et pourtant il a été insuffisant tout au long du 20ème siècle. En Europe, et même aux Etats-Unis dans une moindre mesure, les professions naufragées ont souvent été abandonnées, ce qui a généré des conflits violents et fait le lit des idéologies extrêmes. Le même problème apparaît dans les pays émergents, même si leur croissance rapide a permis une élévation générale du niveau de vie. Dans les PVD qui ne décollent pas, ou décollent très lentement, le problème ne peut que devenir de plus en plus aigu. Le problème le plus douloureux et celui qui sépare les pays, entre le Nord et le Sud, entre les PVD qui décollent et les autres. La solidarité n'est pas naturelle. La contestation est le fait de ceux qui se sentent solidaires, et sont une minorité.

- la mauvaise utilisation de la mondialisation. La mondialisation a aussi une mauvaise image parce que certaines de ses applications ne sont pas correctes. L'accélération de la libéralisation des mouvements de capitaux en est l'exemple le plus frappant. Mais l'existence de régimes corrompus qui sont parfois traités comme de "bons élèves" de la mondialisation (Indonésie, Russie) est un autre exemple qui illustre les liens difficiles entre mondialisation et géopolitique.

Sur le plan purement économique, le défi est d’expliquer pourquoi la mondialisation est désirable au sens de Pareto tout en imaginant des mécanismes de transferts compensatoires. Il s'agit d'une question redoutable car il s'agit pour les états-nations de s'adapter à une situation qui a pris une avance considérable sur leurs réflexions et les menace très directement.

- Les concepts de gain parétien et des avantages comparatifs sont contre-intuitifs. Ils demandent une compréhension du principe d’équilibre général. Dans certains pays, par exemple les Etats-Unis, l’idée que le marché est la source de richesse pour tous est suffisamment ancrée (du fait de l’histoire et de l’éducation) pour servir de substitut au raisonnement élaboré qu’implique la notion d’équilibre général. Ce substitut n’existe pas dans d’autres pays, dont la France, où le marché est vu avec suspicion et ses mécanismes spontanément interprétés en terme de pouvoir. L’explication est d’autant plus difficile que la plupart des états-nations continuent d’adopter une attitude protectionniste (les sanctions autorisées par l’OMC reviennent à légaliser des réponses protectionnistes à d’autres actes protectionnistes), tout en prônant les bienfaits de la mondialisation.

- Pour ce qui est des transferts parétiens, la difficulté est redoutable. Les expériences nationales (aide aux chômeurs, par exemple) ne sont pas très encourageantes et les 50 ans d'aide au développement offrent un bilan négatif.


4. Les conclusions erronées

Ce qui frappe dans les demandes des opposants à la mondialisation c'est leur incapacité à innover face à une situation nouvelle. Leur seule avancée à ce jour est d'avoir amorcé une alliance qui dépasse les états. Mais leurs revendications se basent soit sur un rejet des mécanismes de marché, soit une demande d'aides inter-étatiques.

Le rejet des mécanismes de marché est non seulement incompatible avec le fonctionnement des économies nationales, il remet en cause les leçons tirées de plusieurs décennies d’économie du développement. L’intégration économique et financière des pays en développement dans une économie de marché mondialisée est leur seul espoir de croissance économique. Que cette intégration génère des inégalités et des inefficiences n’est pas en doute, mais la solution ne peut être que dans la mise en œuvre de régulations et de redistribution des fruits de l’intégration.

Si la redistribution des revenus doit être une partie intégrale de la mondialisation, il reste essentiel de ne pas oublier les leçons du "welfare state". La redistribution concerne deux groupes de perdants de la mondialisation. Au Nord, les effets de nouvelles compétitions se traduisent par du chômage et des industries en déclin. Au Sud, des mutations importantes (disparition des industries traditionnelles, migrations vers les villes) laissent de côté les personnes les moins aptes à s’adapter. De plus, la pauvreté qui persiste dans de nombreux pays apparaît de moins en moins un problème national au fur et à mesure où les espaces économiques s’intègrent et créent de facto une solidarité internationale. La réponse doit prendre la forme de transferts, internes aux pays du Nord, et des pays du Nord vers les pays du Sud. Or les transferts ont un puissant effet désincitatif qui aggrave la situation des bénéficiaires en la pérennisant.


5. Eléments de solution

Il a été noté ci-dessus que la mondialisation nécessite d’être accompagnée de deux types d’interventions : des transferts et des mesures de régulation qui corrigent les dysfonctionnements des mécanismes du marché là où ils sont clairement identifiés.

Transferts

La première question qui se pose est celle de savoir si les transferts doivent concerner uniquement les effets de la mondialisation ou aussi prendre en compte les inégalités existantes. La question des inégalités existantes renvoie immédiatement aux raisons de cet état de fait, qui dépasse l’objet de cette note. Pour simplifier, on peut noter qu’il est impossible de déterminer avec la moindre précision les effets redistributifs de la mondialisation et donc que la distinction théoriquement justifiée entre inégalités nouvelles et existantes n’est guère possible en pratique. Par souci de pragmatisme, la seule possibilité est de prendre les inégalités que l’on observe, quelle qu’en soit l’origine.

La deuxième question consiste à éviter les effets désincitatifs de tout transfert. Un certain de principes sont utiles à cet égard.

Premièrement, les effets négatifs de la mondialisation sont temporaires, les transferts doivent également l'être explicitement.

Deuxièmement, la redistribution doit se faire au sein des états, puisque partout la mondialisation crée des perdants et des gagnants. Cela vaut pour le Nord—où les mécanismes de redistribution existent déjà—mais aussi pour le Sud.

Troisièmement, les transferts doivent s'adresser à ceux qui n'ont pas pu éviter d'être victimes de la mondialisation. Or dans un certain nombre de pays, des politiques économiques erronées aggravent, et parfois créent, les inégalités, quand elles ne bloquent pas le processus de développement. Il serait illusoire de continuer à transférer des ressources à de tels pays. Cela ne signifie pas que les citoyens de ces pays doivent être laissés de côté, cela signifie que les aides ne doivent pas être versées aux gouvernements, mais aux citoyens.

Quatrièmement, tout comme les transferts internes, il est important de minimiser la politisation des transferts internationaux. Ceci représenterait un changement sensible par rapport à la situation actuelle où les aides sont souvent considérées comme un des éléments de la politique étrangère.

Dérèglements des marchés

Si le commerce international souffre de distorsions limitées, il n’en va pas de même des marchés financiers et du travail.

Comme il a été noté plus haut, les marchés financiers sont instables. La grande libéralisation des années 1990 s’est achevée sur de nombreuses crises financières qui ont secoué la consensus de Washington. Si le FMI a accepté le principe que la libéralisation financière ne doit pas être appliqué sans précautions, il n’en va pas de même de nombreux membres du G7 qui considèrent que ce qui a marché chez eux doit aussi marcher ailleurs. Or, dans la plupart des marchés émergents, les capacités à réguler les marchés financiers sont limitées. Non seulement le savoir-faire est long à transférer, mais aussi la nature des marchés (taille, qualités des intervenants, situation de croissance rapide qui incite à la prise de risque, régimes de change) diffère souvent de ce qui existe dans les économies avancées. Dans ces conditions, les efforts du type Accord de Bâle ne sont pas directement applicables aux pays émergents. De plus, les liens entre pouvoirs politique et financier ont, de tous temps, été des sources de difficultés qui ne peuvent être occultées au prétexte qu’elles ne sont pas moralement acceptables. La capacité politique de bien des états à mettre en place et appliquer des régulations “ standards ” dans les pays développés doit être explicitement reconnue.

Enfin, les marchés des changes sont libres de toute régulation, bien que soumis aux mêmes tendances instables que les autres marchés financiers. La solution prônée par le consensus de Washington est la théorie des solutions en coin : soit laisser les taux de change flotter librement, soit ancrer la devise de manière “ dure ” (dollarisation ou caisse d'émission). Cette approche radicale ne reconnaît pas le besoin d’un certain degré de stabilité des taux de change ainsi que celui d’une certaine marge de manœuvre pour la politique monétaire. Les régimes de change traditionnels (fixes et ajustables) restent le choix préféré de nombreux pays. Ils exigent un niveau de viscosité des flux de capitaux, et donc une limite à la libéralisation financière.

Les marchés du travail demandent également une approche plus nuancée. L’intégration commerciale met directement en compétition les marchés du travail. Les principes des avantages comparatifs prédisent un gain global mais aussi des restructurations profondes, au Nord comme au Sud. Une solution est de mettre en place des transferts, comme indiqué précédemment. Mais l’autre approche, celle des normes sociales soulèvent d’importantes difficultés. Dans leur ensemble, les pays en développement rejettent l’établissement de normes sociales universelles car le faible coût de la main d’œuvre et la flexibilité des conditions de travail est pour eux un atout considérable. De telles conditions s’accompagnent de coûts sociaux importants ce qui conduit à la recherche de normes universelles. Même si, bien souvent, de telles demandes sont essentiellement formulées à des fins protectionnistes—défendre les revenus des travailleurs des pays riche au détriment des travailleurs des pays pauvres, elles soulèvent une question fondamentale que les raisonnements en terme d’efficacité économique ne prennent pas en charge.

L’adoption de normes sociales universelles représenterait pour les pays en développement un important coût économique, tout en protégeant les travailleurs les moins qualifiés dans les pays développés. Ce conflit d’intérêt, qui inclue également des aspects moraux normatifs, peut être abordé sous l’angle des transferts compensatoires. Il revient à ceux qui sont “ demandeurs ” de normes sociales universelles d’offrir à ceux qui les redoutent des transferts qui correspondent au coût économique subi.


6. L’économie en avance sur les institutions

La mondialisation bouscule les frontières. Elle accroît les interdépendances. Sa mise en place s'accompagne d'une redistribution des activités, avec des groupes de perdants et de gagnants. Elle génère des flux migratoires qui ont déjà profondément transformé tous les pays du Nord. Dans les faits, l’économie est largement mondialisée. Par contre, au plan institutionnel, on en est resté au règne absolu de l’état-nation. Les instances internationales (ONU, FMI, OMC, etc.) restent entièrement sous le contrôle des états. Face à une économie mondiale, il n’existe pas d’embryon de gouvernement mondial. Les partisans du laisser-faire s’en réjouissent mais ils ignorent les nombreux besoin de régulation nés des imperfections de marché ainsi que le besoin toujours plus poussé de coopération qui requiert des transferts de compétence. Deux exemples, déjà abordés précédemment, illustrent les difficultés créées par cette approche minimaliste.

Régulation

Les besoins de régulation (commerce, échanges financiers, normes sociales) sont pris en charge par des institutions spécialisées (OMC, FMI, BIT). Le choix des mesures possibles est toujours large, d’où de nombreuses différences d’appréciation qui correspondent souvent aux intérêts économiques, voire politiques, des uns et des autres. Les institutions qui sont en charge de proposer et de mettre en place ces régulations sont naturellement au cœur de conflits, d’où l’importance de leur gouvernance. Le FMI est essentiellement contrôlé par un pays, les Etats-Unis, ce qui sape sa légitimité et son autorité. Le BIT est plus représentatif des parties concernées mais il est dénué de véritable pouvoir. L’OMC, la plus récente des institutions, est à la fois plus représentative de la collectivité mondiale et dotée de véritables pouvoirs. En ce sens, l’OMC est la plus démocratique et la plus mondialisée des institutions internationales. La contestation, depuis Seattle, de son autorité représente donc un défi important à l’approche suivie. L’OMC est perçue, à juste titre, comme l’émanation des états qui la composent, et non pas des peuples qui vivent les conséquences de ses décisions. Ainsi apparaîssent les germes d’une demande de représentativité démocratique directe, dès lors que des compétences nationales sont transférées à une autorité internationale. L’état-nation perd son rôle de dépositaire de la légitimité démocratique.

Redistribution

Cette note a mis l’accent sur l’importance de la redistribution du revenu dans un monde de plus en plus intégré. Jusque là, la réponse a consisté à transférer une petite partie des aides offertes par les pays les plus riches à des organismes spécialisés internationaux tout en gardant l'essentiel des ressources sous contrôle national. Le financement des transferts ne peut continuer à reposer sur les seules initiatives nationales, et ceci pour trois raisons principales:
- parce que le phénomène est global, sa solution ne peut être construite sur une base nationale.
- parce que le manque naturel de solidarité crée une situation où chaque pays donneur attend que les autres fassent le premier pas. Le résultat est un équilibre – qui s'apparente à un équilibre de Nash – où les contributions sont insuffisantes.
- parce que les aides inter-étatiques discrétionnaires font inévitablement intervenir des enjeux géopolitiques, la mobilisation et la mise en place des transferts sont inefficaces et souffrent de sérieuses distorsions.

La solution logique serait de passer à un niveau supranational, mais une telle approche soulève une série de questions délicates. En premier lieu, celle de son mode de financement. Il serait logique de créer un fonds commun alimenté par des quotes-parts nationales établies en fonction des ressources de chaque pays. Elles pourraient être prélevées sur le budget général mais, à terme, un lien avec un instrument fiscal devrait s'imposer. Il en va ainsi, par exemple, du budget de la Commission Européenne prélevé sur la TVA. Si une telle évolution est logique, elle amorce cependant un glissement vers une fiscalité mondiale. Une telle évolution n'est pas absolument certaine, mais elle est déjà préfigurée par le débat sur la taxe Tobin.

La question suivante est celle du mode de décision en ce qui concerne le niveau et le type de transferts. Dans tous les pays démocratiques, cette question, hautement conflictuelle, est tranchée par des gouvernements élus et approuvée par un parlement. Rien de tel n’existe au niveau mondial, et l’exemple de l’Europe suggère qu’une évolution en ce sens sera très longue. En l’absence d’une autorité budgétaire mondiale, les décisions ne pourront qu’être prises par les états. Les règles de décision deviendront alors importantes et l’expérience acquise n’est pas encourageante, On a déjà évoqué le case de l’OMC. Un autre exemple est celui de l’ONU : sa règle un pays = une voix (profondément inique en terme de représentativité des citoyens par opposition aux états) implique une politisation poussée, qui aboutit à une paralysie sauf lorsque les “ grands ” se mettent d’accord. Le cas du FMI, enfin, illustre les limites de la méthode censitaire. Le mode de décision implicite actuellement, le G7, est une variante de la méthode censitaire, et ses limites sont désormais visibles. Différentes solutions, dont les G20 et G22 un temps proposés par les Etats-Unis, restent des tentatives ad hoc. Le débat n’a pas encore eu lieu.


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