Les poètes et les chansonniers l'ont dit mieux que moi : à 20 ans le monde vous appartient ! Certes la temporalité qui s'applique à une association n'est pas celle de la vie humaine, mais cette ambition enthousiaste de la jeunesse conviendra, j'en suis sûr, à ADIFLOR, ainsi qu'à ses animateurs.
Elle caractérise en effet assez bien l'énergie déployée depuis l'origine par votre association, aux sources de laquelle se trouve votre fondateur, M. Xavier Deniau, auquel je veux rendre ici l'hommage qu'il mérite au nom de la Francophonie. Il a le premier insufflé cette passion qui vient à bout des contraintes administratives, qui balaie les scepticismes ou les sarcasmes et qui surmonte les problèmes logistiques. Cette volonté et celle de ses successeurs ont trouvé depuis, auprès de bénévoles, d'entreprises et de collectivités locales, les moyens de se concrétiser. Elle a permis d'afficher ce bilan convaincant dont on mesure mieux l'importance grâce à l'exposition d'aujourd'hui.
Comme je le disais dans le message préparé à votre attention, grâce à ADIFLOR, de nombreux élèves, étudiants et simples lecteurs francophones ont pu maintenir ce lien si précieux qu'entretient chaque individu avec l'écrit, où l'imaginaire et le rêve côtoient la connaissance et la pensée logique, la rigueur mathématique et la poésie… Il faut donc imaginer, en ce jour de fête, la joie qu'ont éprouvée ceux qui ont tenu entre leurs mains le livre qu'ils n'auraient pas eu autrement.
Il nous faut aussi, car l'enthousiasme n'empêche pas la raison, saisir l'occasion de cet anniversaire pour analyser un peu les choses.
Comme vous le savez, la Francophonie appuie et défend l'idée que la diversité culturelle - que personne ne conteste ouvertement - ne pourra se maintenir à l'échelle mondiale qu'au prix d'une politique volontariste. Nous constatons que l'essor des industries de la communication, de l'information et de l'audiovisuel s'est accompagné d'une diffusion massive et ininterrompue de produits culturels dans une direction largement dominante. A terme, le laisser-faire nous conduit inéluctablement à la disparition de nombreuses expressions culturelles ou à leur repli effrayé, donc potentiellement dangereux, sur des communautés fermées au reste du monde. Voilà pourquoi nous avons souhaité avec tant de vigueur, et même d'entêtement, l'adoption d'une Convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui est examinée en ce moment même à l'UNESCO. Elle seule permettra aux pays qui le souhaitent de définir des politiques culturelles ambitieuses s'appuyant sur des mécanismes de soutien à la production et à la diffusion et régulant les flux d'entrées et de sorties de produits culturels. Encore faudra-t-il que la Convention s'impose clairement par rapport aux autres engagements internationaux des États signataires et qu'elle soit ratifiée rapidement. C'est une des conditions de l'émergence d'industries culturelles viables, notamment dans les pays du Sud qui n'ont pas encore suffisamment utilisé les ressources que leur offre l'extraordinaire richesse de leur patrimoine et de leurs créateurs.
Parmi les industries culturelles sur lesquelles peuvent s'appuyer les pays du Sud pour leur développement se trouvent bien sûr celles qui concernent l'édition. De ce point de vue, je me félicite des engagements souscrits dans la Charte du don de livres. Leur application requiert une attention rigoureuse de chaque instant. Comme il y est écrit en substance, la nécessaire prise en compte des besoins du bénéficiaire et l'accompagnement devant entourer le don, doit se combiner avec le respect des équilibres économiques et le développement du marché du livre des pays destinataires. Cette Charte, rédigée par l'association Culture et développement et à laquelle ADIFLOR a adhéré, me semble refléter des préoccupations qui nous sont communes et aider à la circulation du livre francophone.
Qui dit francophone dit évidemment français, langue française mais aussi langues nationales partenaires. ADIFLOR a d'ailleurs initié la diffusion de livres du Sud vers l'Europe dans une perspective qui rejoint celle que j'évoque. Mais l'on pourrait aussi imaginer un effort d'édition et de diffusion de livres en langues nationales africaines par exemple, ou en créoles, qui pourraient être mis en circulation entre différents pays membres de la Francophonie ou vers d'autres pays partageant avec elle certaines langues. De ce point de vue, les livres pour enfants répondraient sans doute à une véritable demande et accompagneraient utilement les efforts déployés par les États dans leur politique d'alphabétisation.
Ce défi de l'alphabétisation de masse est naturellement très présent dans la liste des Objectifs du Millénaire, comme il l'est dans le programme international Éducation pour tous et dans nos propres priorités francophones, telles que définies par le Cadre stratégique décennal adopté par nos chefs d'État et de gouvernement lors du dernier Sommet de Ouagadougou. Il sera sans doute aussi au cœur des discussions que nous aurons lors du prochain Sommet de la Francophonie, en 2006 à Bucarest. La Francophonie ne pourra remplir ses engagements, en ce domaine comme dans d'autres, qu'avec le concours des associations et des organisations non gouvernementales, aussi bien grâce à leur capacité d'analyse et d'expertise que grâce à leur efficacité opérationnelle et à leur engagement militant.
Je serai, pour ma part, toujours à leur écoute.
Il me reste à souhaiter à ADIFLOR un très bon anniversaire et une longue vie d'action au service de la solidarité par et pour les lettres !