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Date :  2005-09-30
langue :  Français
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Intervention du Ministre de la Culture et de la Communication portant sur les enjeux de la Convention sur la diversité culturelle


Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Je suis très heureux de retrouver nombre d’entre vous que j’ai rencontrés à différentes occasions. Ceux qui me connaissent savent l’importance que j’attache aux fonctions que vous occupez et ma conviction que la culture est une dimension essentielle de l’activité diplomatique et des relations internationales.

J’ai choisi de parler avec vous de culture et d’attractivité. Mais j'évoquerai en premier lieu la diversité culturelle à la veille de l’ouverture de la Conférence générale de l’UNESCO, le 3 octobre, qui, je l'espère, verra l'adoption la plus large du projet de convention sur la diversité culturelle.

( I ) Diversité culturelle

1°) Pourquoi cette convention est-elle importante ? Pourquoi la France, avec l'Union européenne, se mobilise-t-elle autant pour ce texte ?

- Cela résulte d'abord d'une conviction politique.
Les politiques culturelles sont au cœur des réponses aux problèmes que pose la mondialisation. Pour être ouvert aux autres, il faut être sûr de son identité. Ceci passe, pour les peuples comme pour les personnes, par l'identité culturelle. Au contraire, le repli identitaire exacerbe les passions et conduit à la violence. Cette convention est tout l'inverse d'une exaltation des particularismes et d'une renonciation aux droits de l'homme. Nous défendons la diversité culturelle, c'est-à-dire la diversité des identités, au nom de valeurs universelles et humanistes. L'enjeu de la diversité culturelle, c'est l'enjeu de l'indépendance d'expression : celle des artistes et des créateurs mais aussi celle des peuples et des sociétés. L'indépendance politique n'a pas tout son sens si dans le monde d'aujourd'hui, une société, un peuple, ne peut, par les oeuvres de l'art et de l'esprit qu'il suscite, exprimer ce qui fait sa particularité comme ce qui l'attache au monde.

- Il s'agit aussi d'un enjeu concret :

– le risque d'uniformisation n'est pas un mythe :
D'après le rapport mondial de la culture 2000 de l'UNESCO, les 8 plus grands studios d’Hollywood se partagent 85% du marché mondial; les trois plus grosses entreprises audiovisuelles sont localisées aux Etats-Unis (Time Warner, Viacom et Walt Disney) ; 9 des 10 écrivains les plus traduits dans le monde sont des écrivains de langue anglaise ; enfin, en 2004, quatre sociétés se partagent l’essentiel du marché mondial de l’édition de disques.
Il serait vain de croire que cette uniformisation n'aura pas de conséquences sur la création artistique et sur l'expression d'une vision du monde. Comment un créateur ou un interprète, quelle que soit sa discipline artistique, comment nous-mêmes échapperions à l'image que renverraient un cinéma, un audiovisuel, des industries culturelles de plus en plus uniformes ?

– la culture n'est pas seulement un supplément d'âme. L'activité culturelle pèse de plus en plus lourd dans la création de la richesse et des emplois. Ainsi dans l'UE à 25, 4,2 millions de personnes occupent un emploi culturel, dont la moitié dans les industries culturelles. Dans l'UE à 15, la dépense culturelle annuelle moyenne par ménage était de 1099 euros soit 4,5% du budget total d'un ménage.

2°) A quoi ce texte sert-il ? Pourquoi le considérons-nous comme satisfaisant ?

- Parce qu'il crée un droit international nouveau, celui de la culture, comme s'est créé ces dix dernières années un droit international relatif à la protection de l'environnement naturel. C'est une étape dans la prise de conscience de l'humanité d'un intérêt commun, celui de préserver la diversité des cultures, égales en dignité, comme celui de préserver la biodiversité. Ce texte consacre une avancée considérable sur le plan des idées et des principes.

Les objectifs de la convention sont clairs : reconnaître la nature spécifique des biens et services culturels ; réaffirmer le droit souverain des Etats de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures culturelles qu’ils jugent appropriées ; enfin, renforcer la coopération et la solidarité internationales avec les pays en développement pour les aider à promouvoir la diversité de leurs expressions culturelles.

- Parce que la convention règle un problème concret, celui de la relation entre la culture et le commerce international selon une idée humaniste : les oeuvres de l'art et de l'esprit ne peuvent être considérées comme de simples marchandises.

Certains Etats ont pu craindre que la convention soit protectionniste et puisse être invoquée à l’encontre d’autres engagements internationaux, notamment dans le domaine commercial. Tout au contraire, nous voulons que les échanges culturels se développent, que les films, les livres, les œuvres d'art et les artistes circulent.

Je rappelle une évidence : la France, comme l'Union européenne, est attachée à l'OMC qui est une instance essentielle dans la maîtrise de la mondialisation. Cette convention, dans son articulation avec les autres traités est un texte équilibré. Elle reconnaît les obligations des Etats envers les engagements contractés antérieurement, tout en posant le principe de sa non subordination aux autres traités.

Cette convention produira des effets de droit, notamment grâce à son article 20 qui traite de la relation entre l'UNESCO et l'OMC. Elle sera opposable à des tiers dans des panels d'experts de l'OMC. Ce texte n'est donc pas une pétition de principe, c'est un engagement juridique international qui a des conséquences sur le droit des échanges internationaux.

3°) L'Europe dans cette affaire.

- La diversité culturelle est une question intimement liée à la définition de l'identité de l'Europe. La convention de l'UNESCO aura, j'en suis convaincu, des effets politiques importants et durables sur la construction européenne, notamment parce que tous les Européens se reconnaissent dans ce texte, dans ces principes, dans cette vision du monde.

- Alors qu’on met le plus souvent en exergue les désaccords au sein de l’Union européenne, la diversité culturelle est un domaine dans lequel celle-ci a affiché un consensus exemplaire, étendu même au-delà des frontières de l’Union, à l’ensemble des pays du continent. On a vu la Commission européenne, dotée d'un mandat, négocier à l'UNESCO, aux côtés des Etats-membres, en faveur d'une affirmation positive de la culture. C'était une première à l'UNESCO et pour la Commission européenne.

La semaine dernière, le Conseil exécutif de l’Unesco, dont plusieurs d’entre vous sont membres, a recommandé à la quasi-unanimité, à la Conférence générale d’adopter le texte de l’avant-projet de convention lors de sa 33e session qui s'ouvre le 3 octobre.

Si ce texte est adopté à la prochaine conférence générale, comme nous l’espérons, l’UNESCO pourra s’enorgueillir d’avoir ainsi posé la première pierre d’un véritable droit international de la culture qui en englobe l’ensemble des aspects, au-delà du seul patrimoine.

Donner droit de cité à la culture, à toutes les cultures, dans l’ordonnancement du monde de demain, c’est reconnaître sa place dans le développement économique. La diversité culturelle a donc un impact sur l’attractivité d’un territoire ou d’un pays.


II) En ce qui concerne la culture et l’attractivité, je veux défendre une idée simple : la culture n’est pas seulement nécessaire à la vie de l’esprit, elle n’offre pas seulement une palette de divertissements intelligents, elle est aussi un moyen de créer des richesses et des emplois.

Le chiffre d’affaires de la culture (dépenses des ménages et des touristes) en France s’est élevé à 56 milliards d’euros en 2003.

Ce chiffre d’affaires concerne en premier lieu les industries culturelles, dont la part dans les 431 000 emplois culturels est de 234 000 en 2003, et dont toutes les études récentes soulignent le dynamisme exceptionnel - des études évaluent ainsi aux Etats-Unis la croissance des industries culturelles à un niveau deux fois plus rapide que la croissance du reste de l’économie -. Les industries culturelles, confrontées à une forte concurrence internationale, notamment dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel, et en prise avec des mutations technologiques accélérées, justifient un traitement spécifique.

S’agissant du patrimoine, c’est toute la filière qui est à considérer, en ce qu’elle mobilise de très nombreux emplois dans des entreprises spécialisées d’entretien, de restauration et de maintenance des monuments historiques et des sites. Toutes les activités liées à la restauration des monuments historiques sont à très fortes intensités de main-d’œuvre. 60 à 85 % de l’investissement dans ce secteur va à l’emploi.

Par conséquent, la culture nous permet de faire la différence dans la bataille que se livrent les économies nationales. De ce point de vue, notre culture est un capital d’avenir qu’il convient de mieux exploiter.

1°) Dans la décision d’investir en France, la culture est un facteur discriminant. On sait l’attrait que la vie culturelle peut exercer sur les cadres expatriés, les étudiants et les chercheurs qui choisiront de s’installer dans notre pays pour son rayonnement culturel.

L’existence d’activités culturelles permanentes dans une ville ou dans une région est un élément fort d’attractivité pour les personnes et les entreprises françaises ou étrangères en terme de qualité de la vie (patrimoine bâti et naturel, qualité architecturale…), de services à la population et d’animation du territoire (équipements culturels : médiathèques, bibliothèques, musées, scènes nationales, opéras, établissements de formation artistique tels que les conservatoires, les écoles des beaux arts, etc.)

Les 2000 festivals estimés par an sur le territoire français constituent aussi une source importante d’activités, au même titre que les grandes expositions ou les foires d’art contemporain.

Par conséquent, le développement culturel nourrit la capacité de création et d’innovation d’une population sur un territoire. Cette créativité au sens large du terme excède le champ culturel et est à l’origine de la production de richesse.

Nombre de villes industrielles déclinantes ont entrepris une reconversion plus ou moins radicale. L'ouverture en 1997 de son spectaculaire musée Guggenheim, qui attire près d'un million de visiteurs annuels, a ranimé Bilbao, en deuil de sa sidérurgie.

De la même manière, l’ouverture à Lens et Metz d’antennes respectivement du Louvre et du Centre Pompidou, ont pour objectif d’aider ces régions, à redynamiser leurs territoires

2°) La culture est également facteur d’attractivité touristique. L’importance des flux touristiques est un fait sans précédent dans l’histoire : 700 millions de personnes aujourd’hui, le double d’il y a 10 ans. La France a la chance d'être la première destination touristique dans le monde avec 75 millions de visiteurs. Le chiffre d’affaires du tourisme culturel est estimé à 15 milliards d’euros, la culture constituant une motivation déclarée pour la moitié des touristes étrangers.

Nos grands musées accueillent une majorité de visiteurs étrangers : 64% au Louvre, 60% au Musée d’Orsay et au Musée Picasso, 68% au musée Chagall à Nice.

Au-delà de ces retombées économiques, on ne mesure pas assez combien le tourisme culturel est un extraordinaire moyen de faire connaître et de faire aimer la France et d’améliorer notre image.

3°) La France se veut enfin une terre d’accueil des créateurs ; la capacité à attirer, notamment par les institutions, des artistes et des étudiants étrangers dans les filières de création est primordiale au rayonnement et au développement culturels (25 000 artistes et professionnels de la culture, de nationalité étrangère, travaillent dans notre pays et 3500 étudiants étrangers pour le seul enseignement supérieur artistique).

4°) Dans certains domaines, nous voyons bien que l'attractivité joue en faveur d'autres places. Je pense en particulier au marché de l'art dont le chiffre d'affaires en France a pu être estimé à 3 milliards d’euros en 2004 . Nous devons donc être vigilants et actifs.

Conclusion
Toute appréciation de l’attractivité, pour être juste, doit provenir de l’extérieur et être distanciée. Vous êtes les témoins privilégiés de la vie de notre pays, et en l’occurrence de sa vie culturelle. A ce titre, votre point de vue m’intéresse tout particulièrement.

Questions : Quelle image la France a-t-elle pour vous ? Quelles sont les forces et faiblesses de notre attractivité notamment sur le plan culturel ? En un mot quels conseils nous donneriez-vous pour améliorer notre capacité d'attractivité ?


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