Dans une tribune publiée dans Le Devoir du 7 février 2005, Mme Line Beauchamp, ministre de la Culture et des Communications, et Mme Monique Gagnon-Tremblay, vice-première ministre, ministre des Relations internationales et de la Francophonie , reviennent sur la deuxième Réunion intergouvernementale d'experts qui s'est tenue à l'UNESCO du 31 janvier au 12 février dernier sur l'avant-projet de Convention sur la protection de la diversité des expressions culturelles. Relevant que « les gouvernements québécois et canadien ont été parmi les premiers à se déclarer officiellement en faveur d'un instrument international sur la diversité culturelle qui reconnaîtrait le droit des États et gouvernements de soutenir la culture » , elles soulignent que le gouvernement canadien se doit de maintenir le rôle de leader qu'il assume depuis 1998 dans ce dossier. Selon elles, cette attitude est « garante d'une plus vaste mobilisation internationale et de la consolidation des appuis nécessaires à l'adoption de la convention » . Relevant l'inquiétude qu'exprime la Coalition canadienne pour la diversité culturelle « face à l'aboutissement des travaux des experts gouvernementaux dans le délai prescrit, c'est-à-dire pour la prochaine Conférence générale de l'UNESCO qui aura lieu à l'automne 2005 », elles évoquent la nécessité de garder à cet égard un « optimisme prudent » : « si nous pouvons nous réjouir des résultats accomplis au cours des dernières années, il serait à la fois imprudent et irresponsable de baisser la garde et d'ignorer les obstacles qui restent à surmonter pour qu'une convention, satisfaisante pour le Québec, soit adoptée par le plus grand nombre de pays ».
De fait, pour Mme Beauchamp et Mme Gagnon-Tremblay, « les biens et services culturels méritent un traitement particulier ». C'est là tout l'enjeu de la future Convention. Or, selon elles, au Québec, le débat public a eu tendance jusqu'à maintenant à privilégier certains aspects particuliers de cet enjeu, comme le rapport aux autres instruments ou accords de commerce. Reconnaissant que ce sujet n'est pas négligeable, elles préviennent cependant qu'« il faut éviter qu'en centrant notre préoccupation trop exclusivement sur un aspect, on ne perde de vue les obstacles qui menacent le succès de l'ensemble du projet ». À cet égard, déclarent-elles, le Québec poursuit un triple objectif :
* L'adoption, en 2005, d'une bonne convention : « Une bonne convention , pour nous, sera garante du droit des États et des gouvernements de soutenir leurs créateurs et leurs industries culturelles, d'une part, tout en soulignant d'autre part l'ouverture aux expressions culturelles provenant d'ailleurs. Elle sera sur un pied d'égalité avec les autres instruments et accords de commerce et sera assortie d'un mécanisme efficace de suivi et de règlement des différends. Une telle convention devra être bien circonscrite, devra reconnaître la nature spécifique des biens et services culturels et devra définir les droits et obligations des États et des gouvernements »;
* L'échéance de 2005 est importante car les négociations multilatérales et bilatérales qui se multiplient réduisent constamment et progressivement la capacité des États et des gouvernements de soutenir la culture;
* L'adoption de la convention suppose des négociations qui amèneront une grande majorité - sinon la totalité - des États membres de l'UNESCO à l'adopter. La meilleure des conventions ne vaudra rien si elle ne rallie pas la majorité. C'est ici que réside le plus grand défi : faire en sorte que le projet ne soit pas dénaturé ni édulcoré, tout en étant acceptable par le plus grand nombre. Sur ce point, elles relèvent que des efforts de persuasion et de mobilisation sont déployés, tant par des gouvernements favorables à la convention que par la société civile. Mais ces seuls efforts ne suffiront pas à moins qu'ils ne reposent sur des propositions concrètes qui répondent aux besoins des pays auxquels on s'adresse, précisent-elles.
Par ailleurs, Mme Beauchamp et Mme Gagnon-Tremblay relèvent également que l'enjeu de la Convention consiste aussi « à proposer les solutions appropriées à des pays dont les défis de production et d'expression culturelle diffèrent des nôtres ». Selon elles, « le projet de convention est, sous certains aspects, un appel à la solidarité entre pays riches et pays en développement. La reconnaissance d'une telle responsabilité et l'engagement à l'égard de mesures de coopération pour le développement sont peut être les conditions d'un résultat satisfaisant pour tous ». À cet égard, soulignent-elles, un groupe important, notamment les pays en développement, ont des attentes particulières à l'égard de la convention : « Pour plusieurs d'entre eux, il faut non seulement protéger leur capacité de soutenir leurs industries culturelles dans l'avenir, mais il faut d'abord les aider à se doter de telles industries. Le droit de soutenir ses artistes et de protéger son expression culturelle ne peut être l'apanage des seuls pays riches ».
À cet effet, elles se réjouissent que l'Organisation internationale de la Francophonie ait adopté, lors du Xe Sommet des chefs d'État et de gouvernement tenu à Ouagadougou en novembre dernier, une résolution invitant les membres de la Francophonie à s'engager, au nom de la solidarité, dans diverses actions en faveur de la préservation des patrimoines, du soutien aux créateurs et de la diffusion des expressions culturelles des pays en développement et, à soutenir des activités visant le transfert de connaissances et d'expertises vers ces pays ainsi que le recours à divers mécanismes de financement internationaux. Le Québec, membre de la Francophonie à titre de gouvernement participant, a activement soutenu cette résolution.