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Date :  2004-12-28
langue :  Français
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Les indépendants de la musique contre la fusion SonyBMG

Source :  IMPALA


Le 3 décembre dernier, les indépendants de la musique introduisaient un appel contre la Décision de la Commission Européenne du 19 juillet 2004, qui approuvait la fusion des deux Majors de la musique Sony et BMG.

La procédure d’appel de la fusion est menée par IMPALA, association professionnelle établie à Bruxelles et qui représente quelques 2500 indépendants européens, producteurs, éditeurs de musique et associations nationales. Son objectif : faire annuler la Décision de la Commission.

Sony Music Entertainment (SME) fait partie du géant japonais Sony, leader mondial de l’électronique grand public et du marché des jeux vidéo, grâce à la célèbre PlayStation II. Sony possède également le studio Hollywoodien Columbia Pictures qui, en 2004, a battu tous les records d’entrées avec le film Spiderman 2.
BMG (Bertelsmann Music Group) est la maison de disques du groupe allemand Bertelsmann, originairement actif dans l’édition de livres et de magazines, et désormais présent sur la totalité du marché des média : musique, audiovisuel, presse, livres, radio, Internet. Bertelsmann contrôle notamment RTL, premier groupe privé européen de radiodiffusion, opérant 29 stations de télévision et 30 stations de radio dans 10 pays différents. Comme il est indiqué sur le site web du groupe, « quiconque allume une télé ou une radio aura la chance de rencontrer une des chaînes RTL ».
Le but de Sony comme de BMG est de créer une synergie verticale entre leurs branches de production et de diffusion du contenu (musique et cinéma).

En Europe, ce sont quatre Majors qui contrôlent aujourd’hui plus de 80 % de la distribution de musique, leur part de marché allant jusqu’à 95% au sein du Top 100 des meilleures ventes en 2003. Pour ces Majors, la course à la part de marché et à l’intégration se fait au détriment de l’émergence de nouveaux talents, du renouvellement des styles musicaux, et de la créativité. Face aux Majors, les indépendants, constitués d’une myriade de micro, petites et moyennes entreprises, découvreurs et promoteurs des nouveaux talents musicaux, luttent pour pouvoir maintenir un accès au marché (traditionnel et enligne).

Or en approuvant la fusion SonyBMG, la Commission, pourtant en charge de la politique de la concurrence communautaire et gardienne des Traités et de ses objectifs, dont celui de diversité culturelle, se fait le catalyseur de cette évolution du marché de la musique.

IMPALA s’insurge contre l’application aveugle et prééminente d’une politique de la concurrence injuste, au mépris de ce que devrait justement défendre une politique de la concurrence digne de ce nom, et au mépris des autres objectifs que la politique communautaire est sensée servir.

La procédure d’appel lancée par IMPALA est d’abord motivée par des erreurs manifestes dans l’évaluation et le raisonnement présentés par la Commission tant dans son analyse de la dominance collective sur le marché de la musique enregistrée, que dans son analyse de l’impact de la fusion sur le marché enligne et sur le marché de l’édition musicale.

L’autorisation donnée à la fusion SonyBMG est en effet pour le moins surprenante alors que les deux enquêtes consécutives menées en 2000 et 2004 par la Commission Européenne dans le cadre de précédentes propositions de fusion dans le secteur, avaient débouché sur des conclusions très dures. Ces enquêtes avaient en effet mis en avant, entre autres problèmes de concurrence soulevés, ceux des parallélismes de comportement au sein des Majors, de la domination collective exercée par ces mêmes Majors, et de la marginalisation des indépendants qui s’ensuit, alors même qu’ils jouent le rôle d’innovateurs, et sont par là indispensables à la bonne santé, à la diversité, et au fonctionnement compétitif de l’industrie de la musique en Europe.

En d’autres termes en approuvant la fusion SonyBMG, la Commission prend le risque de contredire ses propres arguments, tout frais défendus, en faveur d’une meilleure concurrence. Conséquence : notre industrie devient l’otage d’une politique de la concurrence qui ne servirait que les plus forts sous prétexte que la domination collective des oligopoles est un mal nécessaire dans un marché mondialisé.

En juillet dernier, l’annonce de la Décision de la Commission avait d’ailleurs suscité de vives protestations au sein du secteur de la musique dans son ensemble. L’autorisation de la fusion s’est faite malgré la ferme opposition des distributeurs, des maisons de disques, des artistes, des interprètes, des magasins enligne, et des groupes de consommateurs. Mais la Commission fait la sourde oreille. Elle démissionne de son rôle de gardienne d’une politique de la concurrence juste. Elle va à l’encontre du choix des consommateurs et du pluralisme des acteurs économiques. Elle tue toute velléité d’atteindre la taille critique pour des projets défendus par des petites et moyennes entreprises, et elle bloque l’accès aux nouveaux entrants.

Ce qui est ici moqué et par là mis en péril, ce n’est pas seulement la poursuite d’une juste politique de la concurrence. La Commission contredit l’orientation de nombreuses politiques communautaires (comme ses engagements en faveur des petites et moyennes entreprises, du consommateur et de l’offre de choix qu’il doit pouvoir rencontrer, de la promotion de contenus européens sur les nouveaux réseaux, etc.) et en particulier de ses programmes culturels (on ne peut malheureusement toujours pas parler d’une politique culturelle communautaire et les orientations budgétaires actuelles ne sont pas de bon augure), et de son rôle de promoteur de la diversité culturelle.

Le président de la Commission, Mr Barroso, affirmait fin novembre au cours d’une conférence organisée à Berlin sur le thème « pour une politique culturelle européenne », que la Commission était déterminée à protéger et à promouvoir la diversité culturelle comme le prévoient les Traités. Il a également reconnu que “la question de ce que l’Europe peut faire pour la culture, et de ce que la culture peut faire pour l’Europe… a aujourd’hui atteint un nouveau degré d’urgence”. L’article 151(4) du Traité oblige en effet l’UE à tenir compte des aspects culturels induits par l’ensemble de ses politiques. L'article 22 de la Charte des droits fondamentaux stipule que "l'UE doit respecter la diversité culturelle, religieuse et linguistique".

La Commission Européenne vient en outre tout juste de se voir accorder par les Etats membres un mandat qui doit lui permettre de participer à la négociation de la Convention UNESCO sur la diversité culturelle, au motif que nombre de ses compétences seraient affectées par cette convention et qu’elle se doit d’être la gardienne de la ligne de défense et de promotion de la diversité culturelle dont elle se veut le héraut.
Mais quelle confiance accorder à la Commission dans ses déclarations en faveur de la promotion de la culture et de la diversité culturelle ?

Les positions prises par la même Commission dans la présente affaire de fusion sont aux antipodes de ces déclarations d’intention. Elles trahissent une attitude dangereuse puisque la Commission ne daigne pas prendre en compte les spécificités du secteur de la création et fait une application aveugle de sa politique de concurrence.

Ce qui est en jeu, c’est bien la survie des industries culturelles européennes, qui ont toutes à faire face aujourd’hui à des problèmes d’accès au marché et de domination entraînés par une concentration exacerbée dans le secteur des media et de la création.

Or le constat est clair : une concentration excessive tue la création.

Aussi, en l’absence de vigilance en matière de concurrence, les indépendants craignent aujourd’hui que le marché de la musique ne s’apparente bientôt à celui du cinéma, où les entreprises américaines dominent des producteurs européens qui en sont réduits à ne plus pouvoir compter que sur les quotas, subventions publiques et autres systèmes d’incitations fiscales.

L’appel introduit par les indépendants européens de la musique contre cette Décision est aussi la bataille de ceux qui croient encore que l’Union Européenne se doit de se faire l’avocat d’un monde qui promeut le pluralisme, rejette la standardisation, et qui permet aux opérateurs culturels, de toutes origines et de toutes tailles, de co-exister dans un environnement compétitif juste.

Sur IMPALA
Créée en avril 2000 dans le cadre d’une concentration croissante du marché de la musique, dominé par quelques Majors, IMPALA représente les maisons de disques et les éditeurs du secteur de la musique indépendante.

IMPALA est l’unique association du secteur dont les membres sont exclusivement européens – plus de 2500 membres.
Les indépendants jouent un rôle essentiel et premier plan dans la recherche et le développement, ainsi que dans la découverte de nouvelles musiques et de nouveaux artistes. Et cependant, ils sont confrontés à des barrières commerciales de plus en plus complexes et nombreuses, et à de sérieux problèmes d’accès au marché. 95% des entreprises indépendantes du secteur sont aujourd’hui membres d’IMPALA – il s’agit de micro, petites et moyennes entreprises.

Les indépendants se retrouvent prisonniers d’un marché contrôlé à plus de 80 % par 4 majors- un chiffre qui atteint les 95% sur les 100 premières ventes réalisées en Europe (Music and Copyright 2003). En comparaison, les indépendants sont si fragmentés que malgré le rôle clé qu’ils jouent en termes d’innovation, pas un seul d’entre eux n’atteint les 1% de part de marché du marché européen de la musique. Leur part de marché totale varie considérablement d’un territoire à un autres en Europe, atteignant globalement les 19,4 %.

Les membres d’IMPALA incluent: !K7 (Allemagne), Beggars Group (Royaume-Uni), Epitaph (US/Pays-Bas), Playground, MNW, Gazelle (Suède), Naïve (France), PIAS Group (Belgique), Wagram (France), CNR (Pays-Bas), ainsi que les association professionnelles nationales norvégienne (FONO), française (UPFI), britannique (AIM), allemande (VUT), espagnole (UFI), danoise (DUP) et suédoise (SOM).

Pour plus d’information, merci de consulter le site http://www.impalasite.org ou de contacter de secrétariat d’IMPALA : + 32 2 289 26 00


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