GENÈVE (Nouvelles du BIT) - La 92e Conférence annuelle de l'Organisation internationale du Travail (OIT) a achevé ses travaux jeudi après de larges débats constructifs sur la dimension sociale de la mondialisation ainsi que par l'adoption d'un nouveau plan d'action destiné à fournir un marché équitable pour les travailleurs migrants du monde entier.
La Conférence internationale du Travail a également accompli un pas en avant dans la mise en place de nouvelles normes de travail pour l'amélioration des conditions de travail et de la sécurité des 35 millions de travailleurs répertoriés dans le secteur de la pêche. Elle a aussi adopté une nouvelle recommandation sur le développement des ressources humaines avec une attention particulière accordée à l'éducation, la formation et l'apprentissage tout au long de la vie.
La Conférence a adopté une résolution sur les questions de genre, l'égalité des salaires et la protection de la maternité. Elle a passé en revue le statut des droits fondamentaux des travailleurs et employeurs lors d'une discussion sur le rapport mondial du BIT de cette année sur la liberté d'association et les droits fondamentaux au travail. Les débats ont également porté sur la situation des travailleurs palestiniens dans les territoires arabes occupés, le travail forcé au Myanmar ainsi que sur les droits au travail dans d'autres pays.
M. Milton Ray Guevara, Secrétaire d'Etat au Travail de la République dominicaine, a présidé la Conférence, qui a élu trois vice-présidents: MM. Youssoufa Wade (employeurs) du Sénégal, Guillaume Attigbe (travailleurs) du Bénin, et Maatough Mohamed Maatough (gouvernements) de la Libye.
Le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, s'est adressé aux participants à la Conférence en mettant l'accent sur l'importance de "conférer une dimension sociale à la mondialisation" et d'établir le travail décent comme un objectif mondial. "Mes réflexions sur la mondialisation de l'économie et ses conséquences sociales sont fondées sur la supposition que le travail décent devienne un objectif mondial et non seulement un objectif de l'OIT", a-t-il déclaré.
Mondialisation
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Les chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que plus de 300 représentants des délégations des Etats Membres ont largement approuvé les conclusions de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation ainsi que les propositions de l'OIT pour son suivi, lors d'une session spéciale de la Conférence, le 7 juin dernier, et des discussions plénières qui ont suivi.
Les dirigeants et les délégués ont généralement exprimé l'opinion selon laquelle le rapport de la Commission, lancé en février dernier après deux ans d'études, fournissait une base solide pour de nouvelles politiques plus cohérentes destinées à parvenir à une mondialisation équitable. Ils ont qualifié le rapport "d'équilibré", "de sérieux", "de valeur", "de riche", "fournissant une analyse en profondeur" et "novateur".
Devant les délégués tripartites de la Conférence annuelle de l'OIT ont pris la parole, lors d'une séance spéciale, les deux coprésidents de la Commission mondiale, la Présidente de Finlande, Mme Tarja Halonen, et le Président de la République-Unie de Tanzanie, M. Benjamin Mkapa, ainsi que M. Georgi Parvanov, Président de Bulgarie, et Mme Helen Clark, Premier ministre de Nouvelle-Zélande.
Se sont également adressés à la séance spéciale de la Conférence, le Vice-président du groupe employeur du Conseil d'administration, M. Daniel Funes de Rioja, et le Vice-président du groupe travailleur du Conseil d'administration, Sir Roy Trotman.
Dans ses remarques de conclusion, le Directeur général du Bureau international du Travail (BIT), Juan Somavia, s'est félicité du vaste soutien obtenu en faveur du suivi par l'OIT du rapport de la Commission. Le Directeur général a également déclaré que l'OIT devait être "judicieusement ambitieuse" pour faire face aux défis posés par la Commission, en ajoutant que la Conférence avait produit un plan général pour les actions futures de l'OIT par rapport à la mondialisation, y compris, "l'établissement de priorités, la stratégie à mettre en place quant à notre place dans les structures mondiales émergeantes de gouvernance, mettre à jour nos normes internationales et faire face à la question centrale de notre génération: comment façonner une mondialisation juste".
M. Somavia a également reconnu que beaucoup de représentants avaient déclaré que la mondialisation nécessitait une forte dimension sociale et que le rôle de l'OIT, pour rendre la mondialisation plus équitable, devait se fonder sur les valeurs universelles et devait bénéficier à chaque pays sans exception. M. Somavia a noté l'accord de principe existant entre les représentants pour indiquer que le rapport et les actions de l'OIT posaient les jalons d'un travail en faveur de "la création d'une mondialisation juste".
Les travailleurs migrants
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La Conférence annuelle de l'OIT a adopté un nouveau plan d'action destiné à s'assurer que les travailleurs migrants soient couverts par les garanties contenues dans les normes internationales du travail tout en bénéficiant des législations nationales du travail et des lois sociales applicables.
Le plan d'action appelle au développement d'un cadre multilatéral non contraignant relatif à une approche des migrations de main-d'œuvre fondée sur les droits et à l'établissement d'un dialogue OIT sur la migration en partenariat avec des organisations internationales et multilatérales.
Le cadre comprendra des principes directeurs internationaux sur des aspects tels que des accords bilatéraux et multilatéraux entre pays d'accueil et pays d'origine traitant des migrations sous divers aspects, la promotion du travail décent pour les travailleurs migrants, agréer et contrôler les agences de recrutement établissant des contrats pour les travailleurs migrants conformément aux conventions et recommandations de l'OIT, la prévention des abus, du trafic illicite de migrants et de la traite des personnes, protéger leurs droits ainsi que prévenir et lutter contre la migration irrégulière de main-d'œuvre.
Le plan d'action aborde également les risques particuliers auxquels sont exposés tous les travailleurs migrants, hommes et femmes, dans certains métiers et certains secteurs, avec un accent particulier sur les travailleurs migrants employés à des travaux salissants, dégradants et dangereux, sur les travailleuses domestiques et sur les femmes employées dans l'économie informelle. Il cherche par ailleurs à améliorer l'inspection du travail et créer des voies de recours permettant aux travailleurs migrants de porter plainte tout en traitant des politiques pour encourager des politiques encourageant les migrations de retour et la réintégration dans les pays d'origine ainsi que les transferts de capitaux et de technologies par les migrants.
Ressources humaines
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La Conférence a adopté une recommandation sur le développement des ressources humaines par un vote de 338 pour, 98 contre et 14 abstentions. Le nouvel instrument remplace la recommandation n°150 de l'OIT sur le développement des ressources humaines adoptée en 1975.
La recommandation reconnaît que le développement des ressources humaines comme élément-clé de la réponse nécessaire pour faciliter l'apprentissage tout au long de la vie et l'employabilité. Elle appelle à l'implication des partenaires sociaux ainsi qu'à un nouvel engagement des gouvernements, du secteur privé et des individus pour l'éducation, la formation et l'apprentissage tout au long de la vie.
Dans sa réponse aux discussions de la Conférence, le Directeur général du BIT, M. Juan Somavia, a déclaré que la nouvelle recommandation sur le développement des ressources humaines est "crucial pour l'objectif de l'OIT de créer de plus grandes opportunités pour les femmes et les hommes afin d'obtenir un travail décent, un travail productif dans des conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité humaine.
La nouvelle recommandation traite également de certains défis contemporains comme les questions "d'exode des cerveaux", qui préoccupent beaucoup de pays en développement. Le nouvel instrument de l'OIT appelle à la mise en place de mécanismes internationaux qui devraient enrayer l'impact négatif sur les pays en développement de la perte de leurs personnels qualifiés.
Faisant face aux graves problèmes de la pauvreté, les pays endettés ont été au centre des débats de la Commission des ressources humaines. Une nouvelle recommandation en appelle à l'attribution de ressources additionnelles pour aider ces pays dans les domaines de l'éducation, la formation à court ou à long terme.
L'industrie de la pêche
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Les délégués ont aussi enregistré un pas significatif vers l'amélioration de la sécurité et des conditions de travail de quelque 35 millions de personnes travaillant dans le secteur global de la pêche, un des plus dangereux au monde. La Commission de l'OIT sur le travail dans le secteur de la pêche a conclu la première partie des discussions destinées à mettre en place de nouveaux instruments juridiques internationaux modifiant les normes existantes de l'OIT (cinq conventions et deux recommandations) adoptées entre 1920 et 1966.
Les nouvelles normes de travail qui sont actuellement à l'étude étendraient la couverture des normes de l'OIT à plus de 90 pour cent des travailleurs du monde entier œuvrant dans le secteur de la pêche. Actuellement, les conventions existantes ne couvrent qu'à peine 10 pour cent de ceux travaillant dans le secteur.
Les nouvelles normes devraient s'appliquer aux travailleurs dans le secteur de la pêche, y compris les indépendants et ceux payés sur la base du partage des prises; elles devraient avoir la flexibilité d'assurer une ratification et une application à grande échelle et devraient comprendre de nouvelles garanties quant à la sécurité et à la santé afin de réduire le taux élevé d'accidents signalés précédemment dans les rapports de l'OIT.
Les normes devraient également comprendre de nouvelles garanties sur la conformité et l'entrée en vigueur des normes, le renforcement du rôle des pavillons de complaisance et des ports d'attache.
Application des normes
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La Commission sur l'application des normes a tenu des sessions sur diverses questions. Dans le cadre des efforts pour mettre fin au travail forcé au Myanmar, la Commission a, une nouvelle fois, tenu une séance spéciale sur l'application par ce pays de la convention (n°29), de 1930, sur le travail forcé à la suite des mesures prises dans le cadre de l'Article 33 de la Constitution de l'OIT. C'est la quatrième fois qu'une telle séance spéciale était tenue.
La Commission a évoqué les événements survenus au Myanmar depuis sa session de décembre 2003. Elle a noté avec de "profondes préoccupations", que les trois principales recommandations de la Commission d'enquête de 1998 doivent encore être mises en œuvre et qu'en dépit des assurances du gouvernement quant à ses bonnes intentions, dans la pratique, le travail forcé continue d'être pratiqué dans plusieurs parties du pays.
La Commission a exprimé sa grave préoccupation concernant trois personnes ayant été reconnues coupables de haute trahison, sur la base de contacts avec l'OIT. Elle a appelé à leur libération. Dans le même temps, la Commission s'est félicitée de la coopération continue du gouvernement avec l'officier de liaison de l'OIT dans le pays, même si les résultats pratiques sont restés limités. La Commission a souligné, en particulier, le besoin de garanties juridiques afin que les citoyens souhaitant approcher l'OIT pour porter plainte contre des pratiques de travail forcé puissent le faire sans en être empêchés ou par peur d'être poursuivis.
Outre cette séance spéciale, la Commission s'est penchée sur 24 autres cas individuels concernant la liberté d'association, le travail forcé, la discrimination, le travail des enfants, la politique de l'emploi, l'inspection du travail, les salaires, la protection de la maternité et des travailleurs avec des responsabilités familiales, tous sujets de préoccupation en relation avec les normes de l'OIT.
L'enquête générale de la Commission d'experts, discutée par la Commission cette année, était centrée sur la politique de l'emploi et sur la contribution des normes de l'OIT sur le développement des ressources humaines ainsi que sur les petites et moyennes entreprises afin d'obtenir un emploi total, productif et librement choisi. La Commission a souligné que la création d'emplois reste un élément central des politiques gouvernementales et que le travail créé doit être un travail décent. Elle a également reconnu que le développement des ressources humaines et des petites et moyennes entreprises apporte une réelle contribution à la création d'emplois décents.
Enfin, la Commission a examiné le rapport de la Commission mixte OIT/UNESCO des experts sur la mise en œuvre des recommandations concernant le personnel enseignant.