Confronté à une insurrection armée et lâché par Washington, Paris et Ottawa, le président Jean-Bertrand Aristide a démissionné dimanche matin et fui Haïti pour la Centrafrique, où il est arrivé lundi matin. Son exil final devrait être l'Afrique du Sud.
L'ONU décide l'envoi une force. Le Conseil de sécurité de l'organisation des Nations unies a adopté dans la nuit de dimanche 29 février à lundi 1er mars à l'unanimité une résolution autorisant formellement le déploiement d'une force de sécurité internationale en Haïti. Cette "force intérimaire", aux effectifs non précisés, sera déployée pour trois mois maximum, jusqu'à l'envoi de casques bleus. "Je sais que certains d'entre eux (les Haïtiens) vont penser que c'est un peu tard... mais mieux vaut tard que jamais", a commenté le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, à l'issue du vote.
Des forces américaines et françaises ont débarqué à Port-au-Prince. Avant même l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU de cette résolution, des marines commençaient à débarquer à Port-au-Prince. Dimanche en début de soirée, deux avions ont ainsi atterri à l'aéroport de la capitale, déchargeant ensuite troupes américaines et véhicules. "Nous sommes ici pour protéger les intérêts américains", a déclaré à l'AFP un commandant du corps des marines à l'aéroport, le lieutenant Michael Edwards. Des forces spéciales canadiennes avaient pris au préalable le contrôle de l'aéroport. Les Etats-Unis ont annoncé l'envoi de 200 marines. Pour sa part, la France devait envoyer dès dimanche soir quelque 200 militaires en Haïti à partir des Antilles, et ils devaient être rejoints lundi par une centaine de gendarmes de la métropole. Effectivement une cinquantaine de militaires français, premiers éléments d'un contingent français, ont atterri lundi à 6 h 25 (12 h 25 à Paris) à Port-au-Prince à bord d'un Transall. Le Canada a promis aussi une contribution. Des pays des Caraïbes devraient également se joindre à la force multinationale.
L'ex-président haïtien est arrivé en Centrafrique. Jean-Bertrand Aristide est arrivée lundi matin à Bangui. Il devrait rester quelques jours en Centrafrique, avant de se rendre en exil en Afrique du Sud, a indiqué un membre du protocole d'Etat centrafricain à l'AFP. "Je ne suis pas sûr qu'il reste sur le long terme" en Centrafrique, avait auparavant déclaré un responsable américain sous le couvert de l'anonymat, en soulignant qu'il pourrait s'agir d'un "séjour temporaire".
Cette arrivée en Centrafrique met fin à près de 20 heures de spéculations sur le pays qui allait l'accueillir. Il avait dans un premier temps été annoncé en République dominicaine, par la présidence de ce pays, mais les Etats-Unis avaient démenti. Le consul d'Haïti à Saint-Domingue, Edwin Paraison, avait de son côté parlé "d'une escale technique à Antigua, dans les Antilles, pour un réapprovisionnement en carburant". Le Panama avait ensuite affirmé avoir accordé l'asile à Jean-Bertrand Aristide. "Colin Powell m'a appelé dimanche matin pour me demander d'accueillir Aristide. Nous avons dit à Powell que nous étions disposés à le recevoir temporairement, pendant deux semaines, le temps qu'il (...) trouve un lieu d'exil", avait déclaré le ministre panaméen des affaires étrangères à la chaîne de télévision panaméenne. Nouveau démenti américain. Ce n'est pas sa destination, avait indiqué un responsable américain, relançant les spéculations. "Il veut s'exiler dans un pays africain, vers lequel il essaie d'aller", avait ensuite affirmé la présidente du Panama, Mireya Moscoso. Le Panama abrite déjà l'ancien putschiste Raoul Cédras, qui avait renversé Jean-Bertrand Aristide en 1991, lors de sa première présidence, à l'occasion d'un coup d'Etat militaire sanglant. Le Panama, qui s'est taillé une réputation de pays hôte pour dirigeants déchus, abrite également les anciens présidents guatémaltèque Jorge Elias Serrano et équatorien Abdala Bucaram. Le Maroc aurait pu être aussi une destination finale, mais les autorités de Rabat ont fait savoir qu'elles refuseraient de donner asile à l'ancien président. Taïwan, également cité, mais dont Haïti est l'un des rares pays à reconnaître la souveraineté, a, de son côté, fait valoir qu'il n'avait pas reçu de demande d'asile de l'ancien président.
Le pays menacé de chaos. La capitale haïtienne semblait sombrer dans l'anarchie dimanche. Autour du palais national, siège de la présidence haïtienne, des jeunes en armes s'en prenaient aux voitures de journalistes, les seules à circuler, alors que de nombreux coups de feu résonnaient dans la ville. Les "chimères", milices armées d'Aristide, mais aussi la population se sont livrées à des pillages. Plusieurs centaines de détenus se sont évadés du pénitencier national de Port-au-Prince.
Dans l'après-midi, les pillages étaient moins intenses et un certain calme est ensuite revenu dans la nuit de dimanche à lundi, après l'instauration d'un couvre-feu de 18 heures à 6 heures, même si des tirs continuaient à être entendus. Mais au moins une dizaines de personnes auraient été tuées dans des règlements de comptes au cours des dernières heures à Port-au-Prince.
L'avenir politique du pays. Un nouveau président provisoire d'Haïti, le président de la Cour de cassation, Boniface Alexandre, est entré en fonctions quelques heures après le départ d'Aristide. "Nous sommes prêts à déposer les armes", a déclaré de son côté à l'AFP le chef militaire des insurgés, Guy Philippe. Sur CNN, il a précisé qu'il entendait entrer dans Port-au-Prince dimanche soir ou lundi. Dimanche après-midi, environ 25 de ses hommes ont été vus dans la ville, patrouillant avec des policiers. Selon Evans Paul, l'un des dirigeants de l'opposition institutionnelle haïtienne, il devait y avoir lundi matin une réunion avec des représentants des insurgés, qui contrôlent plus de la moitié du pays. "Les insurgés doivent faire partie de la solution, car ce sont des Haïtiens", a déclaré André Apaid, responsable du Groupe des 184, représentant au sein de l'opposition la société civile et le patronat.
Avec AFP, AP et Reuters
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